Quel Soudan après Omar El Béchir?

Après la destitution, jeudi dernier, d’Omar El Béchir, les généraux formant le Conseil militaire de transition, mis en place pour une durée de deux années, ont tenté, dès le lendemain, de rassurer aussi bien leurs compatriotes que la communauté internationale en faisant part de leur ferme volonté de céder au plus vite le pouvoir à un gouvernement civil.

Aussi, en prenant la parole, ce vendredi, devant un parterre de diplomates arabes et africains, le Général Omar Zinelabidine, membre de l’instance militaire précitée, a tenu à rappeler qu’étant donné que le rôle de cette dernière «est de protéger la sécurité et la stabilité du pays», la destitution de l’ancien chef de l’Etat «n’est pas un coup d’Etat militaire mais une prise de position en faveur du peuple» ajoutant même que ce Conseil entend travailler «main dans la main » avec les manifestants «pour trouver des solutions» aux problèmes rencontrés par la population et que l’armée s’engage à n’intervenir, en aucune manière, dans la composition du prochain gouvernement civil.

En annonçant que l’ancien chef de l’Etat se trouve en détention et que Salah Gosh, le chef du NISS, le service de renseignement soudanais de sinistre mémoire qui a supervisé la répression du mouvement de contestation, a démissionné, le général Omar Zinelabidine a tenu à préciser que le président déchu ne sera pas «livré à l’étranger» quand bien même Amnesty International a appelé à le remettre à la Cour Pénale Internationale qui avait, dès 2009, lancé un mandat d’arrêt à son encontre pour «crimes de guerre», «crimes contre l’humanité» et même «génocide» lors de son intervention au Darfour.

Nommé, le lendemain, à la tête du Conseil militaire de transition, Abdelfattah Al Burhane s’est adressé samedi à la nation à travers les ondes de la chaine nationale de télévision. Dans son allocution, le nouvel homme fort du pays s’est, d’emblée, engagé à «éliminer les racines» du régime d’Omar El Béchir et à céder, au plus vite, le pouvoir aux civils. Annonçant la levée du couvre feu imposé jeudi, le nouveau dirigeant soudanais a promis de libérer tous les prisonniers politiques et tous les manifestants arrêtés et de juger tous ceux qui seront reconnus coupables de la mort des dizaines de protestataires tombés depuis le déclenchement, en décembre dernier, du mouvement de contestation contre l’ancien régime à cause du triplement du prix du pain.

Mais pour avoir raison de la méfiance de ces milliers de manifestants massés devant le siège des forces armées et sous les fenêtres de la résidence présidentielle pour braver les interdits et défier ce qui, à leurs yeux, n’est rien d’autre qu’une «révolution de palais» ou, au vu des treillis, une «révolution de caserne », il faudrait beaucoup plus que de simples promesses.

Difficile, en effet, de croire en une réelle « chute du régime» et en «un placement en détention en lieu sûr» du président déchu alors que l’information avait été donnée par celui qui devait présider le Conseil militaire de transition pendant deux années avant d’en être écarté le lendemain par d’autres militaires alors qu’il n’était autre que Awad Ahmed Benawf, un vieux comparse galonné de l’ancien président et un des piliers du régime «islamo-caporaliste collégial instauré sous l’influence de la filiale locale de la confrérie des Frères musulmans au lendemain du putsch du 30 juin 1989 et l’un des stratèges de l’écrasement de la rébellion du Darfour».

Quoiqu’il en soit, malgré toutes ces promesses, la foule est restée massée aux abords du QG de l’armée dans l’attente de nouveaux développements. De quoi donc demain sera-t-il fait au Soudan en l’absence de celui qui avait tenu le pays d’une main de fer durant trente années et alors qu’en quarante-huit heures ce sont deux pans de l’armée qui se disputent encore le pouvoir? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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