Attendons pour voir…
C’est en grande pompe que, pour confirmer le dégel intervenu entre Dubaï et Ankara après des années de brouille, les Emirats Arabes Unis ont accueilli, ce lundi 14 Février et pour une visite officielle de deux jours, le président turc Recep Tayyip Erdogan dont le dernier séjour dans ce pays remonte à l’année 2013 alors qu’il était Premier ministre.
Pour l’écriture de cette « nouvelle page » dans les relations diplomatiques entre les deux pays, c’est l’homme fort de la monarchie émiratie, le prince héritier Mohammed Ben Zayed (MBZ), qui est venu, en personne, à l’aéroport international de Dubaï, pour accueillir son hôte avec garde d’honneur, salve de canon, affiches vantant le partenariat « stratégique » entre les deux pays ; tout cela, pendant que la plus haute tour du monde, le Bourj Khalifa, s’illuminait aux couleurs des drapeaux émirati et turc.
Ce rapprochement a été vivement salué par la presse progouvernementale Turque, naguère particulièrement anti-émiratie si bien qu’après avoir rappelé que « les Emirats avaient trop pris confiance en eux sous l’administration Trump », le quotidien « Sabah » s’est félicité du fait qu’Abou Dhabi a finalement abandonné ses exigences envers la Turquie pour le soutien que cette dernière apporte au Qatar.
Le journal panarabe « Al-Quds Al-Arabi », rappelle, pour sa part, que les relations entre les deux pays avaient connu des « différends de la pire sorte au cours des neuf dernières années » quand Ankara et Abu Dhabi s’étaient retrouvés dans des camps opposés en matière de politique régionale à propos du « printemps arabe », de l’Islam politique et de la crise avec le Qatar.
La visite de ce lundi a fait suite à celle qu’avait effectuée à Ankara, en Novembre dernier, le prince héritier émirati Mohammed Ben Zayed et à l’issue de laquelle avait été créé un fonds d’investissement de près de 9 milliards d’euros pour soutenir les entreprises turques en proie à des difficultés économiques.
Le gouvernement d’Ankara se débat, en effet, contre une inflation galopante de près de 50% qui non seulement pénalise les PME mais ternit la réputation de la Turquie dont la « note de crédit » vient, de nouveau, d’être revue à la baisse, le week-end dernier, par l’agence de notation « Fitch Ratings ».
Mais il y a lieu de signaler, également, que la chute spectaculaire de la livre turque, qui avait perdu, en 2021, 45% de sa valeur face au dollar, avait créé des opportunités inédites pour les investisseurs émiratis qui voulaient acquérir des parts dans les entreprises turques dévaluées.
Aussi, les investissements des Emirats Arabes Unis en Turquie avaient-ils atteint, à la fin de l’année 2020, près de 4,4 milliard d’euros contre 312 millions d’euros d’investissements turcs aux Emirats alors qu’au premier semestre 2021, le volume des échanges bilatéraux s’était élevé à plus de 6,3 milliards d’euros faisant, ainsi, l’objet d’une croissance de 100% par rapport à la même période de l’année précédente.
Si tout cela a, incontestablement, constitué une aubaine pour le président Recep Tayyip Erdogan, force est de reconnaître, tout de même, que les choses ne se sont pas arrêtées là puisqu’en Janvier dernier Abou Dhabi avait volé au secours d’Ankara en concluant, avec les autorités turques, un accord d’échange de devises équivalent à 4,74 milliards de dollars (4,18 milliards d’euros) pour leur permettre de renouveler leurs réserves de change qui étaient tombées à leur plus bas niveau.
Mais, comme l’a déclaré Abdul Khaleq Abdallah, professeur émirati de sciences politiques, maintenant que les relations commerciales entre les deux pays sont déjà solides, il faudrait que ces derniers s’attèlent au renforcement de leur « partenariat politique stratégique » notamment en ce moment où les Emirats Arabes Unis – alliés au sein d’une coalition militaire qui soutient le gouvernement yéménite – font face à une menace croissante de la part des insurgés Houtis épaulés par l’Iran. Les deux pays vont-ils emprunter la voie du raffermissement de leur partenariat politique stratégique ?
Rien ne permet d’en douter mais attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI