Réhabilitation post-mortem du Président Marcos

Dans une ordonnance très controversée du fait des crimes imputés à l’ancien Président des Philippines Ferdinand Marcos, la Cour Suprême du pays a approuvé, ce mardi 8 Novembre 2016, la décision prise par l’actuel Philippin Rodrigo Duterte de transférer au «Cimetière des Héros» de Manille, la dépouille de l’ancien dictateur (1917-1989) trente années après que celui-ci ait été chassé du pouvoir et contraint à l’exil.

Mais cette annonce n’a pas été du goût de tout les philippins et notamment de ceux, nombreux, qui, pour avoir exprimé des opinions jugées « de gauche », donc contraires à celles du pouvoir en place, furent emprisonnés et torturés par l’armée après l’instauration de la loi martiale en 1972 et des familles de ceux qui ont disparus depuis lors et qui, pour cette raison, ont, dans leur requête, demandé à la Cour Suprême de ne point donner une suite favorable à la demande de l’actuel Président.

Ainsi, ce sont plusieurs milliers de personnes qui, ce dimanche, bravant la pluie battante, ont condamné cette décision estimant, à l’instar de la sénatrice Risa Hontiveros, qu’ils seront «la risée de la planète» puisque Marcos restera toujours « l’ennemi impénitent des héros nationaux».

«C’est très dur pour moi de constater que les Philippines ont la mémoire si courte. J’ai 77 ans et j’ai déjà fait tout ce que j’ai pu» dit, avec consternation, Satur Ocampo qui avait saisi la Cour Suprême pour bloquer le transfert de la dépouille d’un Président honni pour les crimes commis et pour la corruption qui a marqué son long « règne » (1965-1986) mais auquel l’actuel chef de l’Etat Rodrigo Duterte voue une admiration sans faille.

Menant une violente campagne contre la drogue ayant fait près de 4.000 morts l’actuel Président n’a jamais caché sa fascination pour l’ancien Président Marcos et pour l’utilisation par celui-ci de l’armée et de la police « pour faire régner l’ordre ».

Mais qui était donc Ferdinand Marcos ?

Né le 11 Septembre 1917 à Sarrat au nord de l’archipel des Philippines, Ferdinand Marcos avait remporté haut la main les élections de 1965 puis avait été réélu en 1969. Fort du soutien des Etats-Unis pour lesquels il était devenu un précieux rempart contre la menace communiste en Asie du Sud-Est lors de la guerre du Viet Nam, il décrète en 1972 la loi martiale qui lui permet de repousser le terme de son mandat et de gouverner le pays d’une main de fer en tuant sommairement ou, dans le meilleur des cas, en jetant en prison tout contestataire fut-il étudiant ou sénateur comme le célèbre Benigno Acquino. Alfred Mc Coy, chercheur spécialiste de l’histoire des Philippines reconnaissant que «le gouvernement de Marcos fut incontestablement exceptionnel de violence tant sur le plan qualitatif que quantitatif» déclare que les forces de sécurité du régime de l’illustre dictateur ont abattu sommairement et abandonné dans les rues du pays les dépouilles de quelques 3.257 personnes.

Mais le glas avait sonné pour le Président Ferdinand Marcos lorsqu’en 1983, l’opposant Benino Acquino, de retour des Etats-Unis où il était parti se faire soigner, est abattu à sa descente d’avion. Cet assassinat a été la goutte qui a fait déborder le vase. Il a déclenché l’ire d’une population qui  mènera une contestation qui durera jusqu’en 1986 et ne s’achèvera que lorsqu’elle contraindra Marcos à fuir le pays après qu’il ait été accusé de violation des droits de l’homme à une très grande échelle et du détournement de quelques 10 milliards de dollars. Les Philippins mèneront alors au pouvoir Corazon Aquino, la veuve de l’opposant abattu et le Président déchu décèdera trois ans plus tard, dans son exil hawaïen, le 28/09/1989.

Cependant, après le décès de l’ancien Président, sa famille qui a mené une véritable campagne auprès de ses différents successeurs pour que sa dépouille soit transférée et inhumée au « Cimetière des Héros » de Manille finira par obtenir gain de cause quand accèdera à la magistrature suprême du pays l’avocat Rodrigo Duterte, un ami de longue date du clan Marcos qui n’a jamais cessé de présenter l’ancien dictateur comme étant «le meilleur Président» que les Philippines aient connu.

Il est à signaler, enfin, que ces dernières années les Marcos ont fait un retour remarquable en politique puisque Imelda Marcos, la veuve du président déchu a été réélue en Mai dernier pour un troisième mandat à la Chambre des Représentants, que sa fille Imee a été reconduite en tant que Gouverneure et que son fils Ferdinand Junior, sénateur, a manqué de peu la Vice-Présidence.

Nabil El Bousaadi

Top