Un vibrant hommage à l’action et l’œuvre du patriote militant, syndicaliste, chercheur scientifique

Rencontre à la mémoire de feu Ahmed El Gharbaoui

La Fondation Ali Yata a organisé, en partenariat avec la Faculté des lettres et des sciences humaines, mardi dernier à Rabat, une rencontre scientifique autour de « L’évolution de la Géographie au Maroc, d’une géographie coloniale à une discipline de développement humain », un événement au cours duquel les intervenants, des professeurs et des chercheurs universitaires, en plus d’acteurs politiques, sont revenus sur la contribution des grands noms qui ont marqué de leurs empreintes l’histoire de la géographie au Maroc, dont le géographe et militant du Parti du Progrès et du Socialisme feu Ahmed El Gharbaoui.

Les intervenants ont ainsi été unanimes à souligner le parcours riche du défunt et son apport important aussi bien sur les plans scientifiques que politique comme un des professeurs qui ont œuvré à faire de la géographie une discipline au service du développement du pays et à rompre avec la vision coloniale qui prévalait au lendemain de l’indépendance.    

A cet égard, le secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme, Mohamed Nabil Benabdallah, a rappelé que feu El Gharbaoui était un militant du mouvement progressiste marocain et un membre éminent du parti qui a marqué de son empreinte indélébile les sphères politique, syndical, scientifique et universitaire.

Benabdallah, qui a remis, à cette occasion, un cadeau-souvenir à la veuve du défunt, a ajouté qu’il garde de feu El Gharbaoui l’image du militant politique, du professeur éminent, de l’intellectuel, du géographe, et du syndicaliste au parcours distingué, relevant que le défunt a apporté des contributions à jamais gravées dans les mémoires. Et de souligner, par ailleurs, la nécessité de se remémorer et de rendre hommage aux personnalités ayant contribué à l’histoire nationale, tant au niveau scientifique qu’au plan politique et du mouvement progressiste et syndical national.

De son côté, le géographe Moussa Karzazi, membre du conseil d’administration de la Fondation Ali Yata et professeur honoraire à l’Université Mohammed V de Rabat, a relevé que la géographie, en tant que discipline, a connu plusieurs évolutions et tournants au Maroc au début du siècle dernier, à l’ère de la préparation de la colonisation du pays par la France, rappelant que l’occupation française a fait de la géographie un instrument pour contrôler et soumettre le royaume à travers des études approfondies du territoire ainsi que de ses tribus et de ses structures démographiques et sociales.

Selon l’intervenant, l’occupation française considérait la géographie comme un outil pratique et efficace pour achever l’occupation des régions du pays, dans un premier temps, et pour planifier l’exploitation de ses ressources humaines et de ses richesses naturelles, dans un deuxième temps. En ce sens, le terme de « géographie coloniale » a été appliqué à cette spécialité pendant la période du protection (1912-1956), a-t-il poursuivi, soulignant que cette appellation était justifiée par le fait que tous les géographes de l’époque étaient soumis à l’institution coloniale, qui fixait l’objectif de la connaissance géographique selon sa stratégie avant qu’un groupe de géographes « progressistes » ne prennent leur distance avec « la Société de Géographie » mise en place par l’administration coloniale. Parmi ces géographes, Karzazi a cité le professeur Jean Dresch qui a rejoint un groupe de chercheurs français qui ont travaillé avec indépendance scientifique et intégrité intellectuelle en s’opposant aux méthodes de l’occupation française et en soutenant ouvertement le peuple marocain dans sa lutte légitime pour le recouvrement de sa souveraineté.

Au lendemain de l’indépendance du Maroc en 1956, une élite de géographes marocains s’est constituée et produit des thèses académiques crédibles, dont la thèse de doctorat d’État de feu Ahmed El Gharbaoui, qui a inauguré une nouvelle ère qui allait être marquée par un certain nombre de recherches de géographes marocains en tant discipline au service du développement humain et durable, a-t-il conclu.

Pour sa part, le président de la Fondation Ali Yata, Rachid Roukbane a souligné que cette rencontre s’inscrit dans le cadre des activités de la Fondation visant à maintenir vivace le souvenir du parcours, militant et intellectuel, d’un certain nombre de militantes et de militants progressistes en tant que modèles pour les générations actuelle et futures. Après avoir rappelé que cet événement était organisé dans le cadre de la commémoration du 80e anniversaire de la fondation du PPS, il est revenu, à son tour, sur les contributions académiques de feu El Gharbaoui.

Rappelant le parcours du défunt, Roukbane a indiqué qu’après l’obtention d’un doctorat de 3e cycle à l’Université de la Sorbonne, en 1967, El Gharbaoui a travaillé dans cette même université parisienne et au Centre national français de la recherche scientifique (CNRS), avant de retourner au Maroc, en 1969, pour contribuer à l’édification de l’université marocaine, et y enseigner en tant maître de conférences, puis devenir, en 1971, responsable du laboratoire de géomorphologie et de cartographie de l’Institut scientifique, relevant à l’époque de la Faculté des sciences.

A cet égard, il a souligné les contributions du défunt, non seulement à la recherche et à l’enseignement de la géographie, mais aussi à différents niveaux, notamment politique comme membre éminent du PPS et en tant que syndicaliste en plus d’une présence dans le monde de la culture et des arts.

Intervenant, au nom du doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat, la directrice du Centre doctoral, a souligné que la Géographie est une discipline stratégique importante au service de l’humain et qui place le développement, économique et social, ainsi que la question de l’environnement au centre de la recherche scientifique.

Elle a, en outre, salué l’initiative de la Fondation Ali Yata, qui a organisé cette rencontre de reconnaissance et d’hommage aux géographes marocains, dont feu Ahmed El Gharbaoui, qui a été le premier Docteur d’État en géographie au Maroc.

À son tour, le professeur Lahoucine Amzil, chef du département de géographie, a relevé les nombreuses contributions de feu Ahmed El Gharbaoui, notamment la formation d’une génération importante de professeurs et de chercheurs, qui ont, à leur tour, formé d’autres générations.

Amzil est également revenu sur le rôle de la géographie comme science et comme discipline, qui a marqué l’histoire du Maroc durant la période coloniale puis, à l’indépendance, après l’émergence et les contributions apportées par les chercheurs marocains en la transformant en un levier de développement.

Après la séance d’ouverture de cette rencontre, le volet scientifique a été animé par une pléiade de professeurs de géographie, dont Mohamed Anflous, de l’Université Hassan II de Casablanca, qui a axé son intervention autour du « Processus historique de la région et de régionalisation et son rôle dans l’aménagement du territoire et le développement territorial durable au Maroc », Mohamed El Asaad, président de l’Association nationale des géographes ruraux, qui a consacré son exposé à « La formation des connaissances scientifiques en géographie humaine marocaine à l’ère de l’indépendance », et Bouchti Al Falah, enseignant-chercheur au Département de géomorphologie et de cartographie à l’Université Mohammed V, qui a abordé « Les unités structurelles au Maroc et les systèmes de villes et cités ».

J-E F

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