L’endogamie familiale au Maroc
Par: Aitohou Samir
Il fut un temps récent où le mariage entre membre d’une même famille était en vogue. Il n’était surtout pas question de contracter des mariages avec des étrangers (exogamie) chose qui pourrait bien passer pour un tabou voire une trahison familiale.
Cette pratique longtemps enracinée dans la culture des Marocains s’explique par différentes raisons d’ordre socio-culturelles.
D’abord, la famille traditionnelle concevait l’endogamie comme étant garant du bonheur et de la sécurité pour les futurs maris. Autrement dit, se marier à une femme ou à un homme appartenant à la même famille présente moins de danger et de difficultés par rapport au mariage exogamique. Ainsi, l’homme et la femme en partageant le même univers culturel, social, même niveau économique et intellectuel… ont, aux yeux du rite endogamique, plus de chance de réussir leur vie matrimoniale.
Par ailleurs, le mariage endogamique était favorisait en ce qu’elle permettait de préserver « la pureté du sang familiale ». C’est dire alors que le mariage avec des étrangers était vu comme une atteinte à l’honneur familial, une sorte du « blasphème » à l’endroit de la famille comme étant une institution sacrée.
Se marier donc en dehors du cadre familial revient à trahir le sang et le lien familial, C’est frôler, en définitive, « l’ostracisme », le rejet, et la damnation des siens.
Bien que l’endogamie familiale ait été longtemps sacralisée et vénérée dans les sociétés traditionnelles et en particulier marocaine, force est de constater qu’elle devient de moins en moins pratiquée aujourd’hui. Non seulement que le mariage entre membre d’une même famille est vu actuellement comme une pratique archaïque, afférente à une tradition reculée et rétrogradée, mais plus encore elle est plus que jamais redoutée et indésirable.
Cette disparition presque totale de l’endogamie comme mode d’expression architypique du mariage classique tient en grande partie à deux facteurs sociologiques importants.
En effet, l’effondrement de la société traditionnelle fondée sur l’autorité patriarcale a joué un rôle nodal dans l’affaiblissement du mariage endogamique. Il faut bien rappeler en ce sens que dans les sociétés dites arabo-musulmanes c’est aux parents qu’échoit et qu’incombe généralement le droit de marier leur progéniture et de choisir éventuellement leur partenaire. Et dans le souci d’immortaliser sa force, son honneur, le nom familial, le père marocain choisit pour sa fille un homme porteur du même nom et sang familial.
De l’autre part, la montée de l’individualisme comme nouveau mode social a favorisé l’émergence de la liberté au détriment de l’autorité classique. Ainsi, au regard de l’infinité de droits qu’offre aujourd’hui la société moderne aux femmes, aux enfants…. les parents ont vu se réduire leur pouvoir et leur dominance sur leur descendance. C’est alors que le « mariage arrangé » (symbole de l’endogamie) a définitivement laissé la place au « mariage d’amour » (l’expression nouvelle de l’exogamie). Ainsi, n’est il plus question aujourd’hui pour un père de choisir une femme pour son fils sans le consentement et le contentement de ce dernier. C’est désormais aux filles et aux garçons que revient en dernier lieu la noble tâche de choisir leur futur(e)s mari(e)s en fonction de leurs goûts et de leurs philosophies de vie.
Ainsi nait le mariage libre, ouvert, émancipé du lourd poids familial et social. À la culture du repli et d’enfermement que favorisait l’endogamie, se substitue aujourd’hui l’ouverture et le cosmopolitisme qu’encourage l’exogamie.