Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
Par son courrier adressé le 31 décembre dernier à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), Téhéran a informé cette dernière de son intention de se remettre à produire de l’uranium enrichi à 20% comme elle le faisait avant la conclusion de l’Accord de Vienne et le 4 Janvier, Ali Rabii, le porte-parole du gouvernement iranien, a annoncé, sur les ondes de la télévision nationale, que ce processus d’enrichissement a débuté dans l’usine souterraine de Fordo.
Mais si dans son rapport publié en Novembre dernier, l’A.I.E.A. avait signalé que l’Iran avait déjà commencé à enrichir son uranium en dépassant la limite de 3,67% prévue par le traité de 2015 sans, toutefois, franchir le seuil de 4,5%, force est de reconnaître que l’assassinat, fin Novembre, du physicien nucléaire iranien Mohsen Fakhrizadeh, n’a fait que compliquer la situation.
Dans la foulée de ce meurtre attribué au services secrets israéliens, et malgré l’appel lancé par le président Hassan Rohani de ne point «compromettre l’avenir», le Parlement iranien – à majorité conservatrice – a adopté une loi préconisant, d’une part, de produire et de stocker annuellement « au moins 120 kilogrammes d’uranium enrichi à 20%» et, d’autre part, de «mettre fin» aux inspections de l’A.I.E.A. visant à empêcher le pays de se doter d’une bombe atomique.
Après son approbation en décembre dernier par le Conseil des gardiens de la Constitution qui arbitre les litiges pouvant survenir entre le Gouvernement et le Parlement et sa publication au Journal Officiel, le gouvernement de Téhéran n’avait plus aucune autre alternative que celle de la mettre en oeuvre.
D’ailleurs, si Donald Trump, avait choisi, dès Août 2018, de faire sortir les Etats-Unis de l’accord de Vienne conclu après plusieurs années d’âpres négociations entre l’Iran, les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU et l’Allemagne et de rétablir de lourdes sanctions contre l’Iran, il ne faut pas oublier qu’à titre de riposte, Téhéran avait, dès 2019, commencé à s’affranchir de la plupart de ses engagements-clés pris à Vienne.
Or, en cherchant, aujourd’hui, à se désengager totalement dudit traité, l’Iran bouscule l’Union Européenne. Aussi, cette dernière s’est-elle empressée de déclarer que la position iranienne constitue «une entorse considérable» aux engagements pris dans le cadre de l’accord de Vienne et qu’elle aurait «de graves conséquences en matière de non-prolifération».
Mais malgré la «vive inquiétude» suscitée par cette décision, Peter Stano, le porte-parole du chef de la diplomatie européenne a déclaré, ce mardi, qu’en étant soucieuse «d’éviter toute mesure qui pourrait compromettre la préservation de l’accord de Vienne», l’Union Européenne va «redoubler d’efforts» pour que «les mesures strictes de vérification et de transparence restent en place».
En réponse, le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a rappelé, ce lundi, que les «actions correctives» prises par son pays sont conformes «à l’article 36» du traité de Vienne et que, par ailleurs, elles «restent réversibles si toutes les parties à l’accord s’y conforment» à nouveau. La porte du dialogue n’est donc pas fermée…
Que dire pour terminer sinon que le timing choisi par Téhéran pour informer le monde entier de sa décision de reprendre l’enrichissement de son uranium à hauteur de 20% n’est pas fortuit. En effet, en intervenant après la fameuse «pression maximale» qu’entendait exercer Donald Trump sur le régime de Téhéran et à quelques semaines de l’entrée de Joe Biden à la Maison Blanche, il laisse la porte ouverte à un sauvetage de l’accord de Vienne et à une levée des sanctions auxquelles l’Iran fait face depuis le désengagement des Etats-Unis, alors attendons pour voir…