Par Saad BOUZROU – MAP
Au premier contact, Salima Louafa semble cacher un mystère ineffable. Elle n’est pas diaphane parce qu’elle reflète une lumière, mais ne répond jamais à tour de bras. Milan Kundera répéterait peut-être que, romancière, elle n’aimerait pas parler d’elle-même. Pourtant, elle n’a pas rechigné à nous ouvrir la porte de son jardin secret.
Son mystère, pour le résoudre, il faut d’abord lire ses deux premiers romans: « Chairs d’argile » et « Une forme de nuit ». Tout de suite, vous comprendrez que la sève de sa vie gît dans ses deux passions inséparables : la lecture et l’écriture.
La rencontrer, causer avec elle sur son amour pour la littérature et les arts et essayer, in fine, d’éplucher sa face cachée permet, à coup sûr, de se laisser emporter par une noblesse de l’âme presque ésotérique et une sobriété intellectuelle enchanteresse.
Ses traits d’apparence séraphiques, sa frange à peu près à la Mireille Darc et son sourire simplet recèlent copieusement l’enfant qu’elle fut et la jeune femme qu’elle est aujourd’hui.
Bientôt elle aura 40 ans, mais croit intrinsèquement que seule la liberté de vivre et de penser préserve la jeunesse de l’esprit.
Son mystère disparaît quand elle dit être « convaincue que la liberté de vivre, d’être et de penser est le plus grand trésor dont puisse jouir un être humain. C’est la valeur la plus sacrée. Donc si je dois évoquer un secret, je parlerai de ma passion pour cette liberté ».
Les contours de son profil, à cheval entre le roman et la gestion des ressources humaines, et sa mobilité entre Manille, Rabat ou Naïrobi, lui ont valu un parcours idéel, de par sa vie romanesque, et une existence quasi-idéale, compte tenu de la perception idyllique qu’elle y associe.
Sur ce, elle observe la vie comme « un miracle » au point d’en être fascinée. Sa brutalité et le sentiment que tout peut être arraché d’un moment à l’autre l’enquiquinent aussi, mais pas jusque la faire râler de frayeur.
« Nous sommes tous des équilibristes qui tâchons de faire de notre mieux. C’est sublime et effrayant à la fois », dit-elle, toujours avec un brin de philosophie.
Mais revenons-en à ses deux thrillers pour piocher davantage ses côtés obscurs, ses influences et voire même ses fantasmes littéraires. S’agit-il de beaucoup d’imagination et de talent ou seulement des expériences et des contemplations vécues ou subies, à profusion ?
« Lire… Il n’y a pas de secret », répond-elle tout bonnement. Il s’agit, selon elle, de « lire les livres que les autres ont écrits. S’imprégner de leur savoir pour développer son propre style. On ne peut pas écrire si on ne lit pas soi-même. J’écris des fictions, j’invente des personnages et des situations de vie donc j’imagine que dans ce cas, il faut avoir de l’imagination, aimer raconter des histoires et avoir un monde à soi et sa propre musique faite de mots. Jeter sa bouteille à la mer et un jour, avoir la joie immense de rencontrer un écho ».
Cette bonne manie de la lecture, elle espère la transmettre à son fils de 12 ans quand il sera un peu plus grand. « J’ai vraiment hâte de le voir à 16 ans avec l’un de mes romans entre les mains! Chez nous, il y a des livres partout, dans toutes les pièces, il a de la chance de vivre entouré de tous ces trésors ».
Peut-être qu’il flairera aussi un peu de « tolstoïsme » dans ses deux œuvres, car pour Salima Louafa, « Anna Karénine » est le meilleur roman jamais écrit, à fortiori qu' »il n’y a pas plus beau dans la vie que les gens qui bravent tout pour l’amour. Je trouve cela merveilleux de pouvoir ressentir des sentiments aussi forts et de ne pas avoir peur de s’y abandonner ».
Quant à l’écrivain qu’elle aimerait rencontrer, mort ou vivant, c’est Eckhart Tolle. Son livre, « le pouvoir du moment présent », a révolutionné sa manière de vivre et de penser. C’est « un véritable génie que j’aimerais remercier », espère-t-elle.
La femme qu’elle est devenue aujourd’hui, elle la doit, raconte Salima, en premier lieu à ses parents. Enfante, elle recevait des mains de sa maman les romans de la Comtesse de Ségur qui lui a ouvert le monde féerique du livre. Son père, feu Mohamed Louafa, l’écoutait, quant à lui, patiemment après sa journée de travail lui lire les textes qu’elle rédigeait.
« J’ai vraiment eu le sentiment d’avoir été aimée, entourée et encouragée. Ce privilège a forgé la femme que je suis parce qu’il m’a donné la confiance nécessaire pour entreprendre les projets qui me donnent envie de réaliser mes rêves, affronter les échecs et ne pas avoir peur de me tromper ou de tomber », admet Salima Louafa, toujours fidèle à son langage épuré.