La littérature amazighe à l’honneur

Documentaire «Les génies marocains» 

Moha Moukhlis

Produite par RisingProd, dirigée par Sana Sallou, et diffusée par la première chaîne marocaine (La Une), la série documentaire « génies marocains » a consacré un épisode entier à la littérature amazighe. Conçu de manière pédagogique, il offre au spectateur marocain lambda une initiation à la littérature amazighe dans une perspective qui retrace l’histoire millénaire de cette création nord-africaine et débouche, via un périple qui nous fait voyager durant des siècles, sur la néo-littérature amazighe qui a réussi à relever le défi d’une modernité en construction.

Le documentaire a fait appel à des spécialistes et chercheurs dans le domaine de la littérature amazighe : des chercheurs de l’Institut Royal de la Culture amazighe, des universitaires et des artistes-producteurs de tous horizons. Une brochette d’intellectuels qui nous éclairent sur les origines, les débuts et l’évolution de la production littéraire amazighe. Une production qui s’est d’abord exprimée dans d’autres langues : le grec, le latin, l’arabe, le français, l’espagnol…et bien sûr l’amazighe.

Ce choix d’une langue autre que l’amazighe est incarné par des créateurs comme Apulée, Tertullien, Térence pour le théâtre et le roman ; Saint Augustin pour la production religieuse. Ceci pour les temps anciens. L’avènement de l’Islam ouvrit d’autres perspectives à d’autres créateurs qui, cette fois-ci, ont entamé la transcription de vers poétiques et de chants religieux en amazighe, particulièrement sous le règne de la dynastie Almohade et dans l’aire Ibadite en Afrique du Nord.

Le documentaire fait place à l’écriture amazighe tifinagh dont il retrace l’historique, s’appuyant sur les recherches archéologiques modernes, les inscriptions et les gravures rupestres qui font remonter cet alphabet aux temps les plus reculés de l’histoire du monde. Ce qui a poussé le Professeur Mohammed Chafiq à affirmer que l’ancrage de cette écriture, la permanence et la continuité de la langue et de la culture amazighes à travers l’histoire de l’Afrique du Nord, constituent un fait exceptionnel qui fonde la spécificité culturelle et civilisationnelle de cet espace et de ce territoire africain.

La série met également en relief l’apport des missionnaires, officiers et chercheurs coloniaux, dont une grande partie sont des berbérisants, en matière de collecte et de sauvegarde du patrimoine littéraire amazighe. Patrimoine d’une valeur inestimable qui a contribué, de manière conséquente, à la sauvegarde et la transmission d’une mémoire littéraire collective amazighe, couvrant l’aire géographique d’Afrique du Nord.

La néo-littérature amazighe tient aussi une place importante dans le documentaire et articule la création littéraire à la modernité, via des figures de producteurs (poètes, dramaturges, nouvellistes, romanciers…) qui se sont attelés à redonner à la langue amazighe ses lettres de noblesse, en l’articulant à la thématique de la modernité et en revalorisant la langue, les personnages et les événement historiques amazighes. Ce travail est l’œuvre d’activistes amazighes mais aussi de cadres associatifs qui œuvrent pour la promotion de la création littéraire amazighe aussi bien classiques que moderne.

Un documentaire donc à voir et à revoir, destiné à tous les publics, dans une langue accessible et sans emphases ni rhétorique, qui restitue des vérités mises sous scellées par des courants idéologiques et politiques qui ont œuvré pour la soustraction du substrat amazighe de l’identité marocaine, qui est fondamentalement amazighe. Nous souhaitons bonne continuations à cette série.

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