Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
Les points de discorde entre les Etats-Unis et la Chine se sont multipliés ces dernières années. Ils ont trait à la guerre d’Ukraine, bien entendu, mais, surtout, à l’influence de la Chine en mer de Chine méridionale et dans l’indo-Pacifique et au devenir de l’île de Taïwan, cette enclave démocratique de plus de 24 millions d’habitants de plus en plus menacée par « la dictature chinoise », à laquelle, lors de sa tournée dans la région, le président américain avait promis d’accorder tout le soutien nécessaire en cas d’invasion par l’Empire du milieu.
S’agissant de la mer de Chine méridionale, revendiquée à la fois par le Bruneï, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et le Vietnam, en faisant fi de la décision par laquelle, en 2016, un tribunal international avait jugé comme étant « sans fondements » les prétentions « historiques » de la Chine, cette dernière brigue la quasi-totalité de cette voie navigable par laquelle transitent, chaque année, des milliers de milliards de dollars d’échanges commerciaux.
Pour ce qui est de Taïwan, il y a lieu de signaler que Pékin, qui ne contrôle pas directement ce territoire bien qu’il soit considéré comme faisant partie intégrante de la République populaire de Chine, a accru, ces dernières années, la pression contre Taïpeh, la capitale, en menant des campagnes d’incursions dans la zone de défense aérienne de l’île.
Ainsi, le 30 mai dernier, l’aviation chinoise avait procédé à sa deuxième plus grande incursion de l’année à l’aide d’une trentaine d’avions de chasse ; ce qui fut qualifié de « provocation » par Antony Blinken, le secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères.
Il n’en fallait pas plus pour soulever l’ire de Pékin qui a prévenu, ce vendredi, par la voix du porte-parole de son ministère de la Défense, à l’issue d’une rencontre à Singapour entre le ministre chinois de la Défense et son homologue américain, Lloyd Austin, que « si quiconque osait séparer Taïwan de la Chine, l’armée chinoise n’hésiterait pas, un instant, à déclencher une guerre quel qu’en soit le prix ».
Aussi, en réponse au communiqué du ministère chinois de la Défense, qui déclare que Pékin, qui considère l’île « rebelle » comme partie intégrante de son territoire, « briserait en mille morceaux » toute tentative d’indépendance, le Pentagone a réaffirmé « l’importance de la paix et de la stabilité dans le Détroit (de Taïwan) » et invité la Chine à « s’abstenir de toute nouvelle action déstabilisatrice envers Taïwan ».
Force est de reconnaître, toutefois, que les déclarations faites par Pékin font suite à l’approbation, par Washington, de la vente à Taïwan, de pièces de rechange pour ses navires et à l’octroi, à « l’île rebelle », d’une « assistance technique logistique ».
En outre, dans une déclaration faite par l’Agence de coopération pour la défense et la sécurité du Pentagone, il a été clairement affirmé que cette transaction commerciale, qui est la quatrième depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, « contribuera au maintien de la flotte de navires de surface du bénéficiaire » et améliorera « sa capacité à faire face aux menaces actuelles et futures».
Pour rappel, les Etats-Unis et Taïwan, qui a rejoint l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 2002, sont liés, depuis 1994, par un « accord-cadre » pour le commerce et les investissements.
Mais, dans la liste des « oppositions » qui existent entre Washington et Pékin, figure, également, la guerre d’Ukraine au titre de laquelle la Chine soutient tacitement la Russie car même en appelant, de temps à autre, à des discussions pour mettre fin à ce conflit, la puissance asiatique n’a jamais ouvertement condamné Moscou mais, très souvent, fermement critiqué la fourniture d’armement américain à l’Ukraine.
Au vu de tout cela, est-il permis d’affirmer qu’un affrontement militaire entre Pékin et Washington à propos de Taïwan ne serait pas à exclure ? Attendons pour voir…