L’affaire Jacques Bouthier débarque au Maroc
Karim Ben Amar
L’affaire « Jacques Bouthier », ex-PDG d’Assu2000, mis en examen et incarcéré en France pour viols et séquestrations de mineures est d’actualité au Maroc. Suite au dépôt des plaintes de quatre victimes de l’ex-homme d’affaires français, l’Association marocaine des droits des victimes (AMDV), a organisé vendredi 17 juin à Tanger, une conférence de presse sous le thème, « Tous unis pour rendre justice aux victimes des abus sexuels du système Jacques Bouthier ». Objectif de cette conférence de presse : éclairer l’opinion publique sur cette affaire ainsi que sur les plaintes qui ont été déposées auprès du procureur général de Tanger. Trois des quatre plaignantes marocaines étaient présentes. Sous couvert d’anonymat, elles témoignent.
Le mouvement « Me Too » ne faiblit pas. Après l’affaire Harvey Weinstein qui avait secoué l’industrie du cinéma américain, place à l’affaire Jacques Bouthier. L’ex-PDG d’Assu 2000 est écroué pour viols sur mineurs et traite d’êtres humains à Paris, suite à une enquête préliminaire.
Depuis son arrestation, au Maroc et précisément à Tanger, les langues se sont vites déliées. Voilà près de deux semaines déjà que nous savions que le volet marocain de cette sordide affaire allait bientôt apparaitre au grand jour, vu le nombre de victimes de ce prédateur sexuel.
Lors de la conférence de presse organisée par l’Association marocaine des droits des victimes (AMDV), vendredi 17 juin 2022, à l’hôtel Ibis, en plus de la présidente de l’association, et de l’avocat des victimes, trois des quatre plaignantes étaient présentes.
A ce sujet, la présidente de l’AMDV, Me Aïcha Guelaâ, a affirmé dans une déclaration à la presse que « les responsables de l’association sont persuadés de l’existence d’autres victimes et espèrent qu’elles vont aussi porter plainte et parler ». Et d’ajouter, « il y a des témoins, il y a des preuves tangibles, il y a des échanges sur WhatsApp, par mail. »
Mettant l’accent sur le « système Jacques Bouthier, la militante associatif avance en faisant allusion à l’inculpé, qu’ «il n’a aucune morale, ni éthique. Il est persuadé qu’avec son pouvoir financier, il peut tout se permettre en toute impunité ». L’avocate a aussi déclaré que ce dernier « a cru qu’avec son argent, il pouvait acheter la complicité des uns et le silence des victimes, des témoins, voire même des autorités et des services de police ».
Sous couvert de l’anonymat, leur identité protégée par un masque sanitaire et des lunettes noires, les victimes ont partagé avec un auditoire fortement touché par rapport au calvaire vécu alors qu’elles étaient salariées dans le groupe de courtage en assurances présidé par Jacques Bouthier.
La première victime a déclaré que le harcèlement a duré près un an et demi, soit entre octobre 2020 et avril 2022. Cette dernière a aussi souligné que plusieurs responsables de ce groupe étaient au courant de cette affaire peu catholique.
Cette même source affirme que Jacques Bouthier a profité de la situation économique de l’époque de la pandémie pour obliger ses victimes potentielles à céder à ses avances répétées. Elle avance aussi qu’une plainte avait été déposée contre elle. Motivation de la plainte : exploiter la victime en lui demandant d’envoyer des photos à caractère sexuel et aussi de rencontrer Jacques Bouthier pour entretenir des relations sexuelles.
Après avoir refusé de céder au chantage de Jacques Bouthier et de ses complices parmi les cadres de la société à Tanger, des responsables lui ont demandé de présenter à l’ex-PDG une proche, soit une de ses sœurs, de ses cousines ou de ses amies, en échange d’un cadeau. Elle rappelle que ce chantage s’est poursuivi malgré son refus catégorique.
Une seconde victime a indiqué que trois responsables, complices de Jacques Bouthier, lui ont proposé d’entretenir des relations sexuelles avec eux, contre beaucoup d’avantages. « Après avoir répondu par la négative à leur demande, ils ont commencé à me harceler moralement », a-t-elle confié.
La troisième victime a affirmé que l’ancien patron français lui avait touché les épaules et avait glissé sa main sur la poitrine dès son premier jour de travail. « J’avais 20 ans, ça m’a choquée. Après avoir refusé de céder à ses avances, j’ai été licenciée et j’ai reçu des menaces de mort », a-t-elle attesté.
Soulignons que l’AMDV est en train d’écouter d’autres victimes, et ainsi les encourager à porter plainte et à briser cette « Omerta ». Sans nul doute, dans l’engrenage de cette affaire, d’autres têtes tomberont.
En rouge facultatif
Âgé de 75 ans, Jacques Bouthier a été mis en examen en mai à Paris à l’issue d’une enquête préliminaire ouverte mi-mars, avec cinq autres personnes, notamment pour traite d’êtres humains et viols sur mineures. L’ex-chef d’entreprise est aussi poursuivi pour association de malfaiteurs en vue de commettre le crime d’enlèvement et séquestration en bande organisée et détention d’images pédopornographiques. Le septuagénaire a été incarcéré fin mai.
En 2020, le magazine Challenges classait Jacques Bouthier 487e dans son classement des principales fortunes de France, avec un patrimoine estimé à 160 millions d’euros. Il est sorti du classement en 2021.
Fondé en 1975 par Jacques Bouthier qui le dirigeait depuis, Assu 2000 ( rebaptisé Vilavi en janvier) se présente comme le « premier courtier expert en assurance et en crédit dédié aux particuliers en France ». Il revendique 1800 collaborateurs, 163 millions d’euros de chiffre d’affaires et près de 550 000 clients assurés.