Attendons pour voir…
Le 2 Octobre prochain, les brésiliens seront appelés à élire celui qui présidera aux destinées de leur pays durant les quatre prochaines années.
En lice, cinq candidats qui sont, outre le président sortant Jair Bolsonaro et l’ancien président Lula, Ciro Gomez, un ancien ministre de centre-gauche dont les relations avec la classe politique brésilienne sont assez difficiles et qui, pour avoir le soutien des déçus du Parti des Travailleurs propose une politique industrielle forte qui relancerait les exportations, Joao Doria, le candidat du parti de la social-démocratie brésilienne qui, de son côté, propose un programme très conservateur sur les questions sociales et très libéral sur les questions économiques et, enfin, le très controversé juge Sergio Moro qui bénéficie du soutien d’une partie du patronat et des médias et qui s’était fait connaître au Brésil et dans le monde entier lorsqu’il avait fait incarcérer l’ancien président Lula avant d’être nommé par Bolsonaro à la tête du ministère de la Justice ; ce qui avait donné lieu à de nombreuses interrogations tant à l’intérieur du pays qu’au-delà de ses frontières…
Ayant les faveurs des sondages, le président sortant Jair Bolsonaro et l’ancien chef de l’Etat Luiz Inacio Lula da Silva, qui avaient commencé à sillonner le pays depuis plusieurs semaines déjà, ont lancé officiellement leur campagne ce mardi 16 Août dans des lieux qui ont profondément marqué leur carrière politique.
Ainsi le premier s’est rendu à Juiz de Fora, dans le Minas Gerais au sud-est du pays, là où il avait frôlé la mort lors de la campagne électorale de 2018 lorsqu’il avait été poignardé par un « déséquilibré ». Voulant pousser la symbolique jusqu’à son extrême, le président sortant a prononcé un discours à partir de l’estrade même où il avait été attaqué à l’arme blanche quatre années auparavant, non sans avoir, bien entendu, pris le soin, cette fois-ci, de porter un gilet pare-balles et d’être entouré de nombreux garde-du-corps.
Jouant sur la symbolique à l’instar de son rival, l’ancien président Lula a visité, dans l’après-midi, l’usine Volkswagen de Sao Bernardo do Campo, près de Sao Paulo dans le sud-est, celle-là même où il avait débuté sa vie professionnelle en tant que tourneur-fraiseur avant de devenir leader syndical.
Si donc, pour Adriano Laureno, un analyste politique du cabinet de consultants « Prospectiva», « Bolsonaro veut se présenter comme un ‘élu de Dieu’ qui a survécu à l’attentat » de 2018 et pour lequel cette élection est « la plus polarisée depuis la redémocratisation » du pays après la dictature militaire (1964-1985), la visite effectuée par Lula à son fief de Sao Bernardo do Campo et à son « ancienne usine » est tout aussi emblématique que celle de son concurrent car « il s’y est toujours rendu lors des moments marquants de sa carrière politique, pour renforcer son image de représentant des travailleurs ».
A noter, également, que ce mardi a été marqué par l’intronisation à la tête du Tribunal Supérieur Electoral (TSE) du juge Alexandre Moraes, bête noire de Bolsonaro qui avait ordonné l’ouverture d’une enquête à son encontre pour diffusion de fausses informations sur le système électoral ; un système électoral dont la fiabilité est sans cesse remise en cause par le président sortant qui a toujours invoqué des fraudes sans jamais en apporter la preuve alors même qu’au Brésil, il est fait usage d’urnes électroniques depuis 1996. Mais là où le bât blesse c’est qu’en attaquant sans vergogne le système électoral, le président sortant laisse penser qu’en cas de défaite, il ne reconnaîtra pas les résultats du scrutin ; ce qui ne peut qu’ouvrir la voie à une crise politique dont le pays n’a vraiment pas besoin.
Si donc l’enquête d’opinion faite fin juillet par l’institut Datafolha avait accordé 47% des intentions de vote à Lula et 29% à Bolsonaro et que le sondage de l’Institut IPEC en date de ce lundi a attribué 44% des voix à Lula, au premier tour du scrutin et seulement 32% au président sortant, c’est que la bataille post-électorale qui se profile à l’horizon risque d’être longue.
Alors, attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI