«La religion est l’opium du peuple !», révélait le concept marxiste pour vitupérer à l’époque le christianisme sur les populations, soumises à l’emprise de la classe dominante. Ce dicton analytique de la pensée philosophique, était repris par la suite, sous d’autres formes pour anathématiser le diktat corroboré au sein des sociétés dominées… De nos jours, on recourt à une certaine analogie doctrinale sur ce que la furia du football exerce sur la foule effrénée des stades.
L’actuel mondial du Qatar, plaçant la barre bien au dessus de toute imagination, en termes d’affluence et d’hystérie populaire, fait penser à ce constat de naguère. Mais, au-delà du contexte purement idéologique, l’on se réfère à cette magie de coexistence entre les peuples toutes ethnies et cultures réunies, et surtout de l’explosion d’appartenance lors des vociférations à tue-tête, des hymnes des nations respectives.
Des moments de délire et de congratulations hallucinants qui sillonnent les gradins endiablés aux visages et torses nus frappés de couleurs nationales. Face à la joie diluvienne des flots humains, certains malins qui se croient beaucoup plus éveillés à l’égard de la duperie des régimes aliénants, fustigent ce qu’ils appelleront une supercherie, montée de toutes pièces contre les franges démunies.
Certes, la majeure partie de ces populations en transe qui jubilent à la folie pour la sélection favorite, endure le calvaire de la cruauté de la vie quotidienne, réprouve à mort la politique d’exclusion sur son compte et verse à cor et à cri, dans la dénégation de la patrie. Toutefois, ces affres ne sauraient l’empêcher de vivre ce désir à la jubilation commune qu’elle partage affectueusement avec les siens en symbiose.
L’envie sacrée de se rendre joyeux en dépit de la tyrannie, devant la féerie de la rencontre et la sorcellerie du football est un Droit spontané inaltérable que nul n’est en mesure d’occulter ni étouffer.
«Chaque chose en son temps !», serait-on tenté de dire, en ces circonstances. La prestigieuse compétition planétaire depuis sa création en 1930, par Jules Rimet, reposait sur les valeurs de communion et de concorde entre les peuples du monde. Au fil des ans, ce rendez-vous quadruple ne cessait de drainer les grandes affluences de tous les continents, malgré les différends qui éloignent les nations les unes des autres.
Une fois toutes les quatre années, la folie du ravissement conquiert les esplanades pour la volupté du succès ou le chagrin de l’insuccès. Est-ce un blasphème ou un péché contre l’engagement pour l’essor de la condition sinistre des souches déshéritées ? Pas du tout, la liberté de s’exulter est un Droit sacré et non pas un Opium, comme peuvent prétendre les trompeurs !