Portrait d’Agadir
Saoudi El Amalki
«Les baobabs, avant de grandir ça commence par être petit !», avait dit l’écrivain-aviateur- reporter tricolore, Antoine de Saint-Exupéry, dans son conte publié en 1943 à New York.
La fleur de l’arbre tropical d’Afrique naissait aux méandres de la cité sinistrée et grandissait au fil des ans, dans ses mémoires et ses espoirs… Le baobab d’Agadir fut sans aucun doute, feu Larbi Babahadi, le dépositaire de la vertu dans l’étendue et la majesté du terme et détenteur de valeur humaine dans sa profonde essence existentielle.
Qui n’a pas été fasciné par l’azur et l’élixir de cet arbre mystique, de par son art fécond, son style raffiné et son tact lustré en permanence ? Guilleret et jovial à profusion, Larbi mettait du baume dans les cœurs de ses compagnies, emplissait les lieux de bien-être et se marrait à longueur de journée, par son propos onctueux à souhait, son ton loufoque à tenir en haleine les plus distraits, son verbe narratif à la fois burlesque et messager…
Nul ne s’en trouve pris de lassitude, encore moins de cafard, tellement son tempérament de bon vivant inspire de l’aisance et de la béatitude ! Larbi, n’avait nullement d’ennemis ni d’émules, puisqu’il était l’ami de tout le monde, le nid doux de tout égaré, le confident attentionné de tout désemparé, le gisement inépuisable de tout avide du Savoir…
Larbi tendait la main à la cité dans ses diversités et assouvissait les attentes des citoyens, sans exclusive ni calcul politicien…Larbi rendait l’âme et c’est tout à fait naturel que ce beau monde l’eût pleuré à torrent et continue à le faire au fond de lui-même, en catimini de crainte de décevoir le regretté dans sa tombe, lui qui était de son vivant, l’amoureux du sourire et de la joie de vivre ! Sa femme, Rabaa, une combattante de première heure, qui tenait de son mari l’aura de vivre dans la gloire, poursuivit le chemin de grandeur et de chevalerie qu’il empruntait, à jamais, jusqu’à ses ultimes convulsions.
Tel un troubadour aux haillons d’or, Larbi était d’une sobriété et d’un désintéressement hors pair, durant son parcours de personnage public et connu de toute l’élite intellectuelle, mais n’est nullement exhibitionniste ni égocentrique ni défaitiste en ses positions et analyses fleuves, au service du vivre-ensemble et de tolérance humaine.
Toute la génération de fin d’années soixante-dix alors qu’on se trouvait ensemble, lui, en tant que notre professeur au CPR et nous, en tant qu’élèves-professeurs, on garde toujours présentes à l’esprit de ce minaret de l’érudition, cette vitalité et cette fraîcheur de donner des leçons de communication qui ont fait germer des sensations de considération et d’estime pour ce monument de la littérature.
Qu’il soit ici gratifié de nos compliments les plus déférents et que son âme repose en paix ! Pour conclure ce pamphlet posthume, on lui dédiera cet extrait de poème du célèbre poète français du 20ème siècle, Louis Aragon, intitulé bizarrement «C» :
J’ai traversé les ponts de C
C’est là où tout a commencé
Une chanson des t’émis passes
Parle d’un chevalier blessé
D’une rose sur la chaussée
Et d’un corsage délacé
Du château d’un duc insensé
Et des vignes dans les fossés