La FMEJ tire la sonnette d’alarme

Presse écrite et digitale 

Le bureau exécutif de la Fédération Marocaine des Editeurs de Journaux (FMEJ) a tenu, le jeudi 23 novembre 2023, sa réunion périodique ordinaire, en présence de tous ses membres et du Conseil de la Présidence, et a examiné les différents points de son ordre du jour relatifs à la situation générale du secteur et à ses derniers développements, en plus des questions organisationnelles et de gestion pour lesquelles ont été prises des décisions appropriées.

Lors de cette réunion, il a été fait état, au cours des discussions et de la présentation des rapports des sections régionales, de l’atmosphère de mécontentement et de tension résultant des dispositions annoncées par la Commission provisoire du Conseil national de la presse pour l’obtention de la carte professionnelle et la procédure spéciale qu’elle a mise en place concernant les modalités d’accès à la profession.

Après avoir passé en revue les avis exprimés par les différentes catégories des professionnels concernant cette nouvelle donne et examiné ses justifications légales, ses fondements et contextes, la FMEJ souligne que cette décision restrictive nécessitait au préalable une préparation et une concertation, en l’absence desquelles cette annonce est incompréhensible et manque de clarté, ce qui en fait plus une restriction, aux yeux du corps de la presse nationale.

Il aurait été plus judicieux, compte tenu du fait que l’institution d’autorégulation est actuellement gérée par une commission provisoire et que le renouvellement de la carte professionnelle a enregistré un certain retard cette année, d’éviter de recourir à la procédure du règlement spécial et, à la place, de réfléchir à des formes innovantes afin d’accélérer l’opération de renouvellement et de réalisation de la carte professionnelle, et partant ne pas ajouter une nouvelle tension à la situation de crise et aux divisions que connaît le secteur depuis un certain temps.

D’autre part, tout le monde sait que le secteur dans sa globalité souffre de nombreux problèmes, dont certains ont un caractère existentiel qui menace la pérennité d’entreprises entières, et donc en premier lieu le maintien des emplois. Et le fait que le gouvernement continue à payer les salaires de la plupart des journalistes est la plus grande preuve de la crise du secteur et ses dysfonctionnements. Par conséquent, il est insensé d’ignorer cette réalité objective et de demander à ceux qui voudraient obtenir la carte professionnelle, par exemple, de prouver le paiement effectif des obligations envers la sécurité sociale pour une année complète, d’autant plus que même le gouvernement qui paie actuellement les salaires est, lui-même, en retard dans le paiement des obligations de la sécurité sociale qui leur sont liées et s’en acquitte seulement par étapes.

A la lumière de cette donne, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la justification de transformer la condition de déclaration à la Sécurité sociale en condition de paiement effectif des droits qui en résultent pendant une année complète au lieu de trois mois, et sur la légalité de cette mesure, en plus du fait d’exiger le diplôme des études bien qu’il l’ait déjà été présenté auparavant.

Ceci n’est lié ni à la situation des salariés ni à aucune forme de fraude, en ce sens que la FMEJ exige que les entreprises membres respectent leurs obligations matérielles et sociales envers leurs salariés avant même leur adhésion. Elle a signé la convention collective et elle exprime toujours sa disposition à l’améliorer de manière permanente. Mais il s’agit ici de respecter les lois, les institutions et les prérogatives, sans surenchère ou unilatéralisme.

Le Conseil national de la presse, ou plutôt sa commission provisoire actuelle, ne doit pas se transformer en un service qui représente ceux de la Sécurité sociale et de la Direction des impôts dans le recouvrement des cotisations et des paiements, mais c’est plutôt la CNSS qui devrait faire son travail envers les entreprises, comme c’est le cas dans tous les secteurs, d’autant plus qu’il existe dans le pays un code du travail qui réglemente les relations entre l’employeur et le salarié, de même que tout régime spécial ne doit pas être en dehors ou en contradiction avec ce qui est initialement énoncé dans les lois.

Quant à ce qui concerne le salaire minimum, il y a les exigences fixées par la convention collective, signée il y a des années, qui concerne la presse écrite, et puis il y a une décision antérieure, mise en œuvre depuis des années également, qui concerne les sites électroniques et la presse régionale, et qui prévoit la moitié de ce qui est exigé dans la convention collective en vigueur.

Compte tenu de la réalité du secteur aujourd’hui et de la crise aiguë qu’il vit et que personne ne nie, il est logiquement, au moins, de continuer à appliquer cette exigence pour la presse régionale et les sites Internet, au lieu de la recherche du durcissement exagéré dans une conjoncture marquée par une grande crise, car cela serait un manque d’intelligence et ne pourra réussir qu’en tuant de nombreuses entreprises, ou en les poussant à l’anarchie et à la violation des lois et à leur contournement.

Dans le souci permanent de la Fédération de toujours alerter et conseiller, et dans le cadre de ses efforts à coopérer et éviter les tensions artificielles, elle appelle aujourd’hui toutes les parties concernées à examiner attentivement la réalité du secteur de la presse écrite et électronique dans notre pays et à prendre conscience de ses situations économiques telles qu’elles sont et non pas telles que certains le souhaitent ou l’imaginent.

Pourquoi répète-t-on dans divers forums que notre tissu entrepreneurial dans de nombreux domaines industriels, commerciaux et de services est fragile et que la plupart de ses entreprises sont petites et familiales, et ne pas accepter ce diagnostic lorsqu’il s’agit des entreprises de presse que certains veulent rendre toutes plus grandes et qu’on leur impose arbitrairement ainsi des conditions drastiques, que même les non-initiés comprendront qu’elles seront fatales pour la plupart des entreprises du secteur.

Même les entreprises journalistiques nationales qui prétendent être de grande taille souffrent aujourd’hui du problèmes de la faiblesse ou de l’absence de revenus, du caractère anarchique et rentier du marché publicitaire et des annonces, de la domination des moteurs de recherche et des géants du Web, de l’accumulation des dettes et de la difficulté de  recouvrement des dus auprès des administrations publiques et des collectivités territoriales, en plus, bien sûr, de la faiblesse du lectorat en général, y compris en ce qui concerne les médias électroniques, des dysfonctionnements de la distribution pour les journaux-papiers, de l’incapacité à récupérer leurs revenus modestes auprès de l’unique société de distribution, et aussi du coût élevé de production des journaux …

Lorsque nous nous rendons dans les régions et les provinces, nous constatons que les difficultés sont encore plus graves, en ce sens que la presse écrite et les journaux électroniques y souffrent d’un manque total de revenus et de l’absence de toute offre locale ou régionale de publicité.

Celui qui ne connaît pas cette réalité ne comprend pas la réalité du secteur qu’il souhaite développer, mettre à niveau ou changer.

Ces personnes savent-ils, par exemple, que des journaux organisés, légaux et présents dans les trois régions du Sahara, continuent d’exister sans aucun revenu, eux qui affrontent 24 heures sur 24 les adversaires de notre intégrité territoriale et leur propagande trompeuse, que certains de ces confrères travaillent à Smara sous les missiles terroristes, comme il s’est produit récemment, et tout cela grâce à leurs sacrifices matériels, et mènent la bataille nationale, en notre nom tous, sur la base de leurs convictions et principes, sans aucun soutien matériel.

Ces derniers méritent que nous leur rendions hommages pour leur détermination professionnelle et leur esprit de résistance nationale, et non pas de leur imposer des mesures restrictives de nature à les exclure et à faire taire définitivement leurs médias.

Exprimant l’ampleur de la crise et la dureté de leurs conditions de travail, ils ont commencé à arborer des brassards en signe de protestation et pour exprimer leur colère, ce dont la FMEJ exprime sa pleine compréhension tout en poursuivant ses efforts et ses initiatives pour les accompagner, et aussi pour aider à trouver des solutions aux problèmes qui existent. A cet égard, elle exhorte le ministère de tutelle et les autorités territoriales régionales à prendre conscience de la gravité de l’étape et de la nécessité d’intervenir de manière urgente et sérieuse.

Lorsque nous regardons aussi les conditions de travail de nos confrères dans la région de l’Oriental, qui est aussi une autre zone sensible, à l’image de nos régions sahariennes, ou de nos confrères dans la région Draa-Tafilalet, nous nous rendons compte que concernant toutes ces régions personne ne prend en compte, dans ses visions de planification ou d’investissement, l’importance des médias régionaux et de la presse de proximité.

Il en est de même dans les régions de Marrakech, Agadir, Fès-Meknès, Tanger, Béni Mellal et dans le Gharb, en ce sens que la presse régionale et les entreprises du secteur sont les seules que les responsables mettent en dehors de leurs intérêts et de leurs plans de développement et stratégiques.

Comment pourrions-nous alors reporter tout cela, fermer les yeux sur toutes ces difficultés et penser à commencer, en premier lieu, par des mesures restrictives et draconiennes en vue d’exclure la plupart de ces personnes de la profession.

Lorsque la commission provisoire impose l’exclusion de centaines, ou même de dizaines, de ces confrères, de l’exercice de la profession et leur refuse la carte professionnelle, a-t-elle réfléchi à leur sort ? Va-t-elle ordonner la fermeture de dizaines de journaux de la presse écrite et électronique ? Comment va-t-elle résoudre les problèmes qui en résultent concernant les salariés, leurs dus, leur avenir et leurs conditions de vie ?

Qui assumera alors la responsabilité d’une telle situation à laquelle pourraient nous conduire de telles décisions qui ne prennent pas en compte la réalité du secteur telle qu’elle est ?

D’autre part, le bureau exécutif de la FMEJ note l’absence continue de tout dialogue sérieux et réel avec le ministère chargé du secteur, et la monopolisation persistante par le ministère de la prise de décisions et leur planification.

Contrairement aux gouvernements précédents, il n’y a pas eu jusqu’à présent de dialogue ou de concertation avec la FMEJ concernant le dispositif de soutien public, le ministère menant seul sa préparation, selon la même méthode qui a été suivie dans d’autres dossiers au cours des deux dernières années, ce que nous trouvons étrange. Nous réitérons notre appel au ministère à un dialogue sérieux, productif et rationnel. Nous appelons également les différentes composantes du corps professionnel et les organisations professionnelles crédibles et véritablement représentatives à être attentives et vigilantes envers certains actions et plans restrictifs en passe d’être imposés aujourd’hui, dont personne n’ignore les mobiles et les petits calculs. Nous espérons la mobilisation de tous ainsi que la promotion de la coopération commune et le rejet de l’égoïsme et des petits calculs rentiers.

La FMEJ connaît sa dimension et la réalité de sa représentativité et est bien consciente de sa crédibilité. C’est à l’autre d’arrêter tous les plans qui ont été tentés auparavant pour l’éliminer, mais qui ont échoué, alors que la Fédération est restée unie et rationnelle, défendant les intérêts des éditrices et des éditeurs de journaux dans notre pays, ainsi que l’intérêt national et l’image du Royaume.

Essayez, cette fois, le dialogue et la coopération, en pensant d’abord à l’intérêt général et en œuvrant ensemble en vue d’affronter la trivialité et la vulgarité.

Le bureau exécutif de la FMEJ, en passant en revue certaines difficultés du secteur, communes aux entreprises nationales et régionales, reconnues et subies par la plupart des entreprises, y compris celles qui ne sont pas membres de la Fédération, espère que le gouvernement, ainsi que la commission provisoire, se rendront compte de l’étendue de ces difficultés et de la gravité de ce qu’ils s’apprêtent à mettre en œuvre comme mesures restrictives qu’il n’est pas le moment de prendre. Que celui qui veut la coopération et la recherche de solutions trouvera toujours la Fédération disposée comme une force de proposition et un allié positif et sincère.

La presse régionale est l’avenir du journalisme en raison de la proximité qu’elle permet, son élimination tuera le pluralisme dans notre pays, tout comme la restriction de la presse régionale dans nos provinces du Sud constitue une erreur grave commise contre notre cause nationale, et un cadeau offert aux adversaires du Maroc qui mènent des campagnes de calomnies, 24 heures sur 24, visant ces confrères, et promeuvent leurs médias de guerre hostiles contre notre pays.

Nous espérons que la commission et le ministère du secteur tiendront compte de cette mise en garde sincère de la Fédération avant qu’il ne soit trop tard.

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