Par Mustapha Labraimi
Reprendre l’écriture d’une chronique hebdomadaire peut sembler chose facile, comme s’il s’agissait de continuer une action interrompue pour une raison ou une autre. Sauf qu’entre temps, le fil tenu qui pouvait assurer cette continuité s’est lui-même dissipé dans l’écoulement du temps et des événements qui ont marqué cet intervalle entre la dernière parution et l’actuelle.
Perpétuelle réinvention d’un début plus difficile que le premier pour faire part d’un point de vue à partir de l’observation de ce qui constitue notre environnement et des aspirations qu’elle suscite.
Voulue comme un partage avec celles et ceux qui le voudraient bien, c’est aussi une manière de réagir et d’agir malgré les contraintes de la méconnaissance de l’ensemble des éléments qui constitue la trame de notre quotidien. Ce manque pourrait constituer un handicap, voire un frein, à l’émergence d’une pensée libre et critique de plus en plus contrée par le cours méandriforme prononcé du processus démocratique que connaît notre pays depuis fort longtemps.
Il faudrait donc se réadapter pour que cet « autrement dit » réponde à cette exigence de vérité, une vérité pour soi d’abord avant qu’elle ne soit admise par autrui. Une acceptation relative qui aurait le mérite de susciter l’interrogation, voire une mobilisation, plus qu’uneapprobation totale réductrice ou un rejet absolu inhibiteur. Chacun restera avec sa vérité ; car la vérité reste subjective et personne n’en détient la quintessence.
Ainsi ; si aucun membre du gouvernement, même dans l’attente d’un éventuel remaniement annoncé mais qui tarde à se réaliser, ne doute du bienfait de son action pour l’ensemble du peuple et de la nation ; on peut se demander objectivement pour quelles raisons la très grande majorité de la population ne semble pas partager cette vérité ministérielle.
Gouvernement de classe qui ne se soucie guère des inquiétudes « terre à terre » de ses ouailles, croyant que leurs revendications pour assurer leur bienêtre relève du « raz des pâquerettes » alors qu’il se préoccupe de projets dont l’intitulé rappelle des ritournelles promises dans le programme gouvernemental et empaquetéesdans « une vision »qu’il compteencore compléter et la rendre plus intégrée.
Le nouveau modèle de développement, proposé en 2021,comme « un nouveau référentiel de développement qui vise à pallier aux fragilités causées par les mutations qui ont marqué le contexte socioéconomique du Maroc au cours des deux dernières décennies et les nouveaux défis qui ont en résulté »est de ce fait officiellement enterré à jamais !
La relance de l’investissement et la création des opportunités d’emploi envisagées pour 2025 soulignent l’échec de l’action gouvernementale jusque là suivie. Une « autre » Charte de l’Investissement est prévue ainsi qu’une « autre » réforme des Centres Régionaux d’investissement pour encourager les startups et le développement du cloud… Dans le nuage, en plein ; notre gouvernement !
Notre gouvernement méconnait-il que se nourrir est devenu un véritable fardeau pour la population suite à l’envol des prix à la consommation… Même la sardine se fait désirer et fait concurrence à la « hendya » quand on la retrouve …
Et reprendre le chantier de « l’Etat social » pour le consolider ne peut se faire par des déclarations aussi enjolivées soient-elles.
Dans un contexte général plombé par lasouvenance de « l’ajustement structurel » subi, le maintien du royaume à un niveau inacceptable en matière de développement humain, avec des crises en cours dans les systèmes de l’éducation et de la santé ; la domination de la logique marchandemarqueles mesures entreprises pour répondre aux besoins nécessaires des couches défavorisées et fait apparaitre ces mesures comme « un plâtrage » du désengagement de l’Etat,chaque jour davantage, des secteurs sociaux.
Notre gouvernement est encore loin pour réaliser « l’ambition à terme (qui) devrait être une éducation de qualité pour chaque enfant, un travail décent pour chaque actif,des soins de santé accessibles à tous les citoyens et un Etat protecteur pour que personne ne soit laissé pourcompte. »
C’est làune phrase, entre autres, du rapport de Bank Al Maghrib pour l’exercice 2023 présenté à Sa Majesté. Le même rapport préconise la « nécessité(d’)un recentrage de l’action publique sur les fondamentauxdu développement. Il s’agit de l’investissement dans le capital humain, du renforcement dela gouvernance et du cadre institutionnel, de l’amélioration de l’environnement des affairesparallèlement à la préservation des équilibres macroéconomiques. Elle suppose également lamobilisation de toutes les forces vives du pays dans un esprit de sérieux et de responsabilité,priorisant avant tout l’intérêt national. ». On ne peut dire mieux pour « reprendre ».