L’expert marocain dans le domaine des médias et de la communication, Abdelwahab Rami, a souligné la nécessité de construire un discours alternatif aux énoncés imbus et regorgeant de stéréotypes et de clichés vis-à-vis de l’Islam et des Musulmans, colportés désormais par des moyens d’information aussi bien dans des pays islamiques qu’en Occident.
Face à la recrudescence et à l’exacerbation du phénomène de l’islamophobie, dont sont victimes les communautés de confession musulmane en Occident, une telle situation requiert donc la construction d’un discours alternatif aux énoncés émaillés de stéréotypes et de clichés vis-à-vis de l’Islam et des Musulmans, a-t-il affirmé à la MAP.
Cette action doit être l’œuvre de journalistes musulmans exerçant tant bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Occident, ainsi que par leurs confrères occidentaux qui s’intéressent aux questions de l’Islam, a souligné M. Rami, en marge des travaux d’un atelier régional sur « l’examen des mécanismes d’activation d’une stratégie médiatique pour lutter contre l’islamophobie et promouvoir le juste milieu en Islam » qui se sont ouverts, lundi dans la capitale sénégalaise, Dakar.
Aux yeux du professeur à l’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC), cette approche constitue l’ossature dorsale du manuel sur la formation de journalistes et de professionnels des médias en vue de corriger ces stéréotypes véhiculés à tort à l’encontre de l’Islam et des Musulmans dans les médias occidentaux qu’il a élaboré au profit de l’ISESCO (Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture) à l’issue de concertations et de consultations avec plusieurs experts en matière d’information et de communication.
Ce guide, a-t-il précisé, détaille de manière exhaustive et graduelle les concepts fondamentaux inhérents aux stéréotypes, leur genèse et les circonstances ayant présidé à leur apparition, ainsi qu’à leurs mécanismes, fondements et objectifs aussi bien au niveau de la société loin des médias, qu’à l’échelle de ces derniers ou en corrélation entre les deux.
A travers des travaux pratiques, a ajouté M. Rami, ce manuel décline les bases essentielles pour la confection et l’élaboration d’un discours alternatif aux stéréotypes et clichés et leur traitement à travers des modèles inspirés de médias occidentaux après leur appréhension et décortication entre ce qui a trait au volet médiatique et sociétal et à la socialisation de l’individu et sa conception de la religion.
Il a, en outre, attiré l’attention que les stéréotypes sur l’islam en Occident ne sont pas liés uniquement à la religion, dans la mesure où, a-t-il estimé, il s’agit d’une projection de la réalité des pays arabes, émaillée désormais par le sous-développement, sur l’Islam en tant que « référence ».
C’est dans ce sens, a-t-il estimé, que le manuel opère une dichotomie irréfutable entre l’Islam et les Musulmans. « L’on peut pénaliser certains actes commis par une personne de confession musulmane, mais lorsqu’on incrimine sa religion, cette condamnation touche et s’étend à l’ensemble des Musulmans », a-t-il fait savoir, relevant que les stéréotypes doivent être collés aux actes et non pas aux personnes physiques.
A propos d’une question sur si le journaliste n’est, en fin de compte, qu’un écho de ce qui se déroule sur la scène politique et culturelle, M. Rami a estimé que le domaine politique n’est pas nécessairement, voire foncièrement, innocent.
Si un politicien tente de lier le terrorisme à l’Islam dans le but de récolter des voix lors d’élections, il n’en demeure pas moins que le professionnel des médias est appelé à opter pour un agenda qui est le sien et d’éviter qu’il ne devienne une caisse de résonance du politique, a-t-il noté.
A cet égard, il a appelé au respect scrupuleux de la déontologie, à la vérification et au recoupement des informations et à être très vigilant vis-à-vis des stéréotypes véhiculés à l’encontre de l’Islam, même si parfois ils renferment une part de vérité, ainsi des actions de nature à valoriser l’image « écornée » de la religion musulmane. Par ailleurs, M. Rami a estimé que plusieurs pays européens ont adopté officiellement la laïcité, un cadre qui permet d’assoir une certaine cohabitation entre les religions, sans pour autant que l’une d’entre elles puisse s’ériger et s’octroyer le statut de religion d’État.
Le meilleur remède à ce genre de problématiques réside, selon lui, dans la conviction en la diversité culturelle et civilisationnelle, dans la mesure où l’humanité est un patrimoine commun, ajoutant que tout ce qui est susceptible de provoquer des guerres, d’exclure l’autre et d’imposer une hégémonie culturelle ne peut désormais contribuer à bâtir un monde harmonieux, même avec certaines marges subjectives qu’elles soient de nature confessionnelle ou autre.
Abdelatif Abilkassem (MAP)