En pleine expansion dans notre pays, l’activité industrielle est génératrice de croissance, de richesse, d’emploi…, mais aussi de montagnes de déchets polluants, parfois très dangereux, déversés pêle-mêle dans les cours d’eau, dans des décharges non contrôlées ou à même le sol.
S’il est vrai que le progrès économique a inévitablement une facture environnementale, il n’en demeure pas moins qu’avec un peu de bonne volonté, de méthode et d’innovation, cette facture peut être sensiblement allégée, pour le bien de notre environnement, de nos concitoyens et de notre économie elle-même.
La «formule magique» pour y arriver s’appelle «la valorisation des déchets» et elle a un double bénéfice, environnemental et économique. Grâce à ce procédé qui a de plus en plus le vent en poupe, les rebuts des usines polluants, malodorants et parfois très dangereux, perçus comme un fardeau, deviennent une manne précieuse pour leurs producteurs ou pour les personnes qui les prennent en charge.
Moteurs d’automobiles, batteries de téléphones, ferraille, verre, plastique, papier-carton, huiles industrielles…tout y passe, tout est valorisable et tout peut s’offrir une seconde vie sous forme d’un nouveau produit destiné à un nouvel usage.
Il s’agit d’une activité d’avenir qui permettra de favoriser la transition vers l’économie verte, dont le Maroc a fait un choix stratégique. Les enjeux et les bénéfices sont énormes, à en juger par les chiffres : 1,5 million de tonnes de déchets éjectés par le système industriel par an, dont 256.000 tonnes répertoriés dangereux!
C’est dire qu’à côté de ses bienfaits écologiques indéniables, le processus de recyclage et de valorisation peut donner lieu à un business juteux, créateur d’une forte valeur ajoutée et d’emploi, à condition de savoir inventer des solutions novatrices pour les contraintes qui se posent dans ce domaine.
Le premier obstacle à vaincre n’est autre que la réticence et l’indifférence des entreprises qui continuent de percevoir le déchet comme une charge et sa gestion comme une dépense inutile.
Ce manque d’intérêt est l’origine de l’inaboutissement de nombre d’initiatives prises par le secteur privé, telles que la Bourse des déchets, un projet pionnier initié par la Commission développement durable de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et mis en place par le Centre marocain de production propre (CMPP), sous forme d’une plateforme de vente en ligne de déchets-ressources réutilisables entre industriels et repreneurs intéressés, qui est resté à l’état embryonnaire.
Le même sort triste a été rencontré par la charte environnementale élaborée en juin 2016 par Izdihar, l’association de la zone industrielle de Sidi Bernoussi en périphérie de Casablanca, qui n’a été signée que par une vingtaine d’entreprises sur un total de 500 ciblées.
Un deuxième bémol se rapporte à la prédominance du secteur informel qui se taille près de 90% de l’activité de collecte et de traitement des rejets industriels. En effet, sur les 256.000 tonnes de déchets dangereux produits chaque année au Maroc, seules 21.000 tonnes sont aujourd’hui prises en charge dans le circuit formel, soit moins de 10% du volume global.
Autant dire que la création d’une synergie publique-privée autour de la gestion et la valorisation des déchets industriels demeure insuffisante pour atteindre les objectifs escomptés. Il faudrait surtout cibler le secteur informel qui est la cheville ouvrière de ce processus, ces milliers de ménages qui font de la collecte, du traitement, du recyclage et de la revente des déchets leur gagne-pain.
Les autorités publiques et la société civile devraient trouver des mécanismes pour les intégrer dans cette nouvelle dynamique et les doter des moyens techniques et logistiques nécessaires. Et avant tout leur démontrer, ainsi qu’à tous ceux qui en doutent encore, qu’on peut gagner et faire de bonnes affaires avec l’environnement!
Managem, un champion de la valorisation des déchets
Jadis totalement absente de la liste des priorités des entreprises, la valorisation des déchets commence petit à petit à entrer dans les mœurs. Telle une boule de neige, les initiatives dans ce sens s’accumulent et si elles ne forment qu’une goutte dans un océan de défis, elles ont le mérite de montrer que « c’est possible » et de créer un effet d’émulation.
L’expérience conduite par le groupe minier Managem fait cas d’école à l’échelle nationale. Grâce à ses investissements dans la recherche et développement, Managem a pu valoriser des rejets cumulés depuis 1928 de ses mines de cobalt. La filiale minière de la SNI a réussi à développer un procédé industriel permettant de produire annuellement 500 tonnes de cobalt métal.
Le groupe a pu traiter ses effluents liquides de l’ensemble des unités hydro-métallurgiques, pour produire du sulfate de sodium et recycler l’équivalent de 500 m3/j d’eau. Du coup, plus du tiers de sa production de cobalt est issu de la valorisation de ses rejets.
Sur un autre créneau, le groupe a mis en place, en 2010, un atelier « Green Chip » pour former des jeunes déscolarisés au processus de démantèlement et de traitement des déchets électriques et électroniques, dans le cadre d’une convention de partenariat conclue avec l’association Al Jisr, le ministère de l’Education nationale et le ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle.
Les résultats sont impressionnants : 65 jeunes sont formés chaque année à un diplôme de technicien en maintenance informatique et bénéficient d’un accompagnement pour la création de leur micro-entreprise, et 7.000 ordinateurs sont revalorisés et remis gracieusement à des écoles publiques rurales.
Meriem Rkiouak (MAP)