Après l’ouverture récente de son capital, TGCC (travaux généraux de construction de Casablanca) est désormais sous les feux des projecteurs. Face à une conjoncture économique incertaine, un marché de l’immobilier vacillant et une commande publique moins importante, le groupe pourra-t-il mener à bien sa stratégie? La nouvelle valeur phare de l’immobilier saura-t-elle faire mieux que la concurrence?
Une chose est sûre. TGCC surfe sur une jolie vague de croissance. Avec 2,8 milliards de dirhams de chiffre d’affaires en 2017 et plus d’une cinquantaine de projets dans le pipe, sans compter le millier de projets livrés jusqu’à présent, il est clair que le groupe fondé par Mohamed Bouzoubaâ fait figure d’une belle success story marocaine. Même s’il faut dire que le groupe commence à peine à être connu du grand public. Et pour cause, TGCC n’est présent en propre sur l’immobilier résidentiel que depuis 2015. Jusqu’alors, il intervenait principalement dans la maîtrise d’ouvrage pour le compte justement des grands groupes immobiliers de la place. Et quant au core business de TGCC au départ, c’est d’abord le BTP. Il est d’ailleurs un des leaders dans les travaux industriels, publics et du bâtiment.
Avec plus de 8500 collaborateurs au Maroc et en Afrique subsaharienne, TGCC compte aujourd’hui à son actif plus de 1000 projets et d’ouvrages d’envergure. Le stade de Tanger, le grand théâtre de Casablanca, qui est pour sa part le 1er ouvrage du genre, ou encore la construction de la Tour BMCE à Rabat, la plus haute tour d’Afrique avec plus de 250 mètres sur 55 étages, ont donné au groupe une visibilité et une crédibilité sans précédent.
TGCC, c’est surtout aujourd’hui une entreprise pluridisciplinaire qui opère dans l’immobilier, l’hôtellerie, les travaux publics ainsi que des projets complexes comme les infrastructures, ports, aéroports, autoroutes, ouvrages d’art … Un développement tous azimuts qui pourrait donner le tournis, mais qui selon nombre d’observateurs permettra de jeter les bases de développement à même de permettre à TGCC de s’ériger au rang de géant du BTP, à l’instar des Bouygues et autres Vinci.
Un solide réseau
Né à Fès, c’est en 1960 que Mohamed Bouzoubaâ quitte la capitale spirituelle pour rejoindre
Casablanca, en compagnie de sa famille. L’homme d’affaires grandit dans le quartier Bourgogne où son père installe son usine de textile, et y fait sa scolarité.
Le bac en poche, il opte pour des études d’ingénierie et intègre l’école Ponts et Chaussées. C’est là qu’il côtoie plusieurs autres futures personnalités du monde des affaires tels que Omar Abbarou, directeur général délégué de Ciment du Maroc, Mohamed Saad Berrada, PDG de Michoc, Omar Bounjou, directeur général du groupe Attijariwafa Bank, Adil Douiri, PDG de Mutandis, ou encore Mohammed Boussaid, le ministre de l’Économie et des Finances.
Après être rentré au pays en 1985, il obtient une offre au département de l’Equipement, mais décide de rejoindre son principal concurrent actuel, la SGTM. «J’y ai énormément appris. J’ai travaillé sur le chantier du parlement, des projets à JorfLasfar, à Marrakech… et c’est là ou j’ai apprécié l’activité et ouvert les yeux sur un métier intéressant», explique Mouhamed Bouzoubaâ.
Mais à31 ans, il décide de créer sa propre entreprise. C’est ainsi qu’en 1991, TGCC voit le jour dans le garage de la demeure familiale. «C’était une période de crise. Si j’ai pu me lancer, c’est grâce à mes amis, notamment Mohammed Saâd Berrada qui m’a confié mes premiers chantiers», poursuit l’homme d’affaires. Puis l’entreprise évolue petit à petit jusqu’à ce qu’elle décroche son premier grand marché : la construction du stade de Fès, c’était en 1999. S’en suivront entre autres les trois aérogares à Marrakech, Essaouira, et Tangeren 2006. Avec des projets d’une telle envergure, le chiffre d’affaires de l’opérateur passe rapidement de 500 millions de dirhams en 2007 à 1 milliard de dirhams en 2010.
L’entreprise dispose aujourd’hui d’une cinquantaine de chantiers à travers le Royaume, dont 90% dans le bâtiment et le reste dans les travaux publics. Parmi les projets phares menés par TGCC, il y a l’Anfa Place Living Resort en plein cœur de Casablanca regroupant des logements de haut standing, des zones commerciales, des bureaux, des espaces de loisirs et des clubs financiers ainsi que le Four Season Hotel, pour un montant global de 600 millions de dirhams. L’entreprise a également réalisé le projet Al Houara Coastal Resort à Tanger, premier Resort intégré de la région du Nord dans le cadre de la vision de développement «Cap Nord» qui a pour objectif de contribuer au renouveau de l’industrie touristique dans la région, ainsi que le complexe Tanger City Center qui a couté la bagatelle d’1 milliard de dirhams ; ou encore le centre commercial IKEA qui s’étale sur 27 000m² pour un investissement d’1,2 million de dirhams.
Une diversification salutaire?
En 2013, l’entreprise crée sa première filiale en Afrique. La filiale T2G au Gabon a marqué ainsi le début de l’aventure africaine de l’entreprise, qui depuis a veillé sur son expansion et son développement sur le continent. Elle a été créée suite à un premier marché signé avec la Société nationale de construction de logements sociaux gabonais pour l’édification d’une 1re tranche de 15 immeubles sur une superficie de 3 hectares à Libreville. Très vite, une seconde filiale a vu le jour en 2014 en Côte d’Ivoire.Le développement de TGCC à l’international représente aujourd’hui un des enjeux majeurs pour son expansion. «L’intérêt est de développer l’activité à l’international. TGCC est présente en Afrique depuis 4 ans sur le Gabon et la Côte d’ivoire, mais nous sommes intéressés par d’autres pays comme le Cameroun, le Sénégal et le Ghana. D’autres pays d’Afrique ou du Moyen-Orient pourraient aussi nous intéresser dans l’avenir», poursuit Mohamed Bouzoubaa.
Aujourd’hui, l’entreprise aurait une quinzaine de projets d’investissements à l’étude en Afrique, en plus de la construction de deux hôtels: un 5 étoiles et un 3 étoiles à Abidjan (Côte d’Ivoire) pour le compte de Mangalis Hôtel Group. «Nous envisageons un nouveau pays africain tous les deux ans», avance même le PDG de TGCC. L’ouverture de capital (cf encadré) a justement pour objectif de financer cette croissance ambitieuse. Mais pas seulement.L’entreprise compte poursuivre son développement en s’attaquant à de nouveaux secteurs d’activité. «Dans le monde, on a vu évoluer les grands groupes de taille comparable vers d’autres secteurs d’activités liées au BTP, notamment les concessions de type PPP ou BOT (Build Operate Transfer). On peut construire et assurer la gestion de parkings, autoroutes, aéroports… pour une période déterminée, 20 ou 30 ans, puis les rendre à l’Etat. Pour l’heure, au Maroc, il n’y a pas encore trop d’opérations similaires, mais c’est quelque chose qui va venir et qui nécessitera des financements. Nous voulons être prêts. Nos partenaires vont donc nous accompagner pour ces financements type PPP. Pour les parkings, à titre d’exemple, nous avons déjà repéré 2 ou 3 appels d’offres à Rabat. Nous sommes intéressés aussi par des projets de parkings à Casablanca», vient de confier il y a quelques jours à la presse Mohammed Bouzoubaâ. Pour sûr qu’avec un tel périmètre d’activité assurant une diversification plus que sérieuse du risque, TGCC ne pourrait a priori que grandir davantage.
Quid de Mediterranea Capital
Tout récemment,TGCC a ouvert son capital à un consortium d’investisseurs mené par Mediterrania Capital III, pour un montant de plus de 620 millions de dirhams.L’opération consiste à consolider le développement de l’entreprise pour les prochaines années. Ce partenaire accompagnera le déploiement de TGCC à l’international,mais aussi au Maroc. La cession de 15% du capital TGCC à Mediterrania Capital Partners a été finalisée en janvier.Les nouveaux partenaires de TGCC sont des acteurs qui ont un réseau à l’international et qui de ce fait peuvent l’accompagner pour les projets avec besoins de financements, très courants en Afrique.
Mediterrania Capital Partners (MCP), société de capital-investissement dirigée par Saâd Bendidi, est axée sur les investissements de croissance pour les PME d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne. Celle-ci a effectué l’acquisition des parts de TGCC à travers son troisième fonds (MC III) aux côtés de DEG, Proparco et South Suez. Albert Alsina en est le fondateur et le CEO. Saad Bendidi est Partner et Chairman. MCP est présente au Maroc depuis 2008 et a des bureaux à Abidjan, Alger, Barcelone, Casablanca, au Caire, à Tunis et La Vallette.
Cette transaction marque le premier investissement du troisième fonds de Mediterrania Capital (MC III), qui a récemment réalisé son premier closing.«TGCC représente ce que nous considérons comme une entreprise à fort potentiel de croissance dans un marché de la construction, opérant dans les pays ayant besoin de méga infrastructures et où l’investissement privé est sur une tendance de hausse. Il est rapidement devenu une opportunité d’investissement pour nous et nous sommes heureux d’avoir DEG, Proparco et South Suez nous rejoignent dans la transaction: une preuve évidente que TGCC est un atout majeur avec un potentiel important», explique Hatim Ben Ahmed, associé chez Mediterrania Capital.
Récemment, MCP a également opéré le huitième investissement réalisé sous son deuxième fonds (MC Fund II) qui concerne une prise de participation dans le capital du groupe scolaire français René Descartes, opérant en Tunisie. Selon le management, cette opération lui permet de se renforcer dans le secteur éducatif au Maghreb.
Soumayya Douieb