Aiguebelle: Une deuxième usine pour mieux conquérir l’export

Rendue nécessaire par les marchés à l’export dont elle peine à servir les demandes, la Compagnie Chérifienne de Chocolaterie a décidé d’entamer la deuxième phase de sa vision 2010-2021 avec un investissement prévu dans une seconde usine à Bouskoura. De quoi lui donner le coup de boost nécessaire pour faire décoller définitivement son chiffre d’affaires et la positionner dans la strate supérieure des chocolatiers!

Décision prise un peu tard ou en temps opportun ? Dans tous les cas, l’annonce de l’investissement de quelque 300 millions de dirhams dans la construction d’une deuxième usine à Bouskoura vient à coup sûr marquer les 150 années d’existence de la marque Aiguebelle. Anniversaire particulier donc pour la plus ancienne des marques de chocolat au Maroc, établie sur le territoire depuis 1942. Porté par le groupe Omnipar de la famille Berrada Sounni, cet investissement permettra donc de renforcer les capacités de production de l’entreprise. L’usine de Bouskoura viendra de ce fait s’ajouter à celle de Ouled Ziane, première du chocolatier, construite depuis 1942. Cette dernière, quoique totalement modernisée n’arrivait pas à soutenir la demande. «Nos exportations ont été limitées par notre capacité de production. Grâce à ce nouvel investissement, nous pourrons répondre efficacement au marché local, mais aussi à nos marchés à l’export et nous développer davantage à l’international», déclarait à ce sujet le directeur général de la Compagnie Chérifienne de Chocolaterie (Aiguebelle), Amine Berrada Sounni. La construction de cette nouvelle unité industrielle débutera l’année prochaine et permettra de créer une centaine d’emplois supplémentaires au sein de l’entreprise. Prévue sur une superficie de 25.000 m2, elle viendra doubler la capacité de production du groupe et permettra de mieux servir ses ambitions internationales de leadership en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Les 300 millions de dirhams, à étaler sur les trois prochaines années, constituent la seconde phase d’un programme d’investissement entamé il y a quelques années déjà.

Une vision 2021 à 600 millions

En effet, cet investissement vient s’ajouter à un premier round d’investissements engagés depuis 2011 et qui a porté sur une enveloppe de 300 millions de dirhams. Celle-ci avait été investie dans l’acquisition de plusieurs lignes de production qui sont venues renforcer l’usine d’Ouled Ziane. Des installations de pointe qui ont permis à la marque de démultiplier sa productivité et d’acquérir une plus grande flexibilité qualitative, en plus de productions plus élaborées. Le triplement de sa production à l’occasion de ces investissements a poussé le chocolatier à chercher, à l’extérieur du marché local, des débouchés pour ses produits. L’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest, l’Europe et Moyen-Orient ont ainsi été identifiés comme marchés prioritaires pour le développement de ses exportations. Actuellement, le groupe prospecte de nombreux pays et ambitionne d’acquérir une position de leader en Tunisie, Libye, Liban, Jordanie, Palestine, Yémen, les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite. Dans la même veine, il vient d’entamer des exportations à destination du Nigeria. Une multiplication de ses débouchés qui devrait sensiblement relever la part de l’export dans son chiffre d’affaires. À fin 2017, l’export ne représente que 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise. Avec le renforcement de son unité d’Ouled Ziane et celle de Bouskoura à l’horizon, l’ambition est de porter cette contribution de l’export à 30% à l’horizon 2021. Au total, Aiguebelle emploie 520 personnes et avait réalisé en 2017 un chiffre d’affaires de 252 millions de dirhams, en croissance de 43% sur les 4 dernières années. Des réalisations qui restent en deçà des ambitions affichées au début de la première phase du programme d’investissement où l’entreprise visait en 2015 un chiffre d’affaires de 536 millions de dirhams et 630 millions de dirhams une année après l’achèvement de ce plan d’investissement. Aujourd’hui, les ventes de 2018 devraient s’inscrire dans la dynamique entamée depuis les 4 dernières années et le chocolatier table sur un CA de 350 millions de dirhams en 2021. Des ambitions visiblement plus raisonnables que les précédentes et basées sur la marge de progression de la consommation du chocolat au Maroc qui s’établit à environ 1 kg par personne et par an contre plus de 3,5 kg par personne et par an en Tunisie.

Une Académie pour transmettre son savoir

Le projet est à l’horizon et devrait bientôt voir le jour. Le chocolatier national ambitionne de mettre sur pied une académie, «Aiguebelle Academy» dont la vocation première sera de permettre une transmission de son expertise au plus grand nombre et structurer la filière pâtisserie. L’initiative vise à offrir aux clients BtoB de la Compagnie Chérifienne de Chocolaterie, aux chefs pâtissiers et aux futurs professionnels toute l’étendue des savoir-faire de la société. Ce projet novateur fait suite à un précédent projet qui rassemble depuis 2005 autour du chocolat. Il s’agit d’un concours annuel de chocolaterie lancé par le producteur national en partenariat avec l’OFPPT. Celui-ci récompense le chef/la cheffe qui réalise des mets gourmands au chocolat fourni par la marque. L’objectif de cette compétition est de booster la créativité des étudiants, des chefs installés ou de la ménagère qui s’inscrit pour faire valoir ses créations.

Aiguebelle : une histoire franco-marocaine

L’histoire d’Aiguebelle trace son chemin jusqu’en France. Créée en 1868 dans l’abbaye d’Aiguebelle aux confins du Dauphiné et de la Provence (France), la chocolaterie a fait ses premiers pas au Maroc dans une tentative de contourner « les restrictions sur le sucre et le cacao qui pesaient sur la France durant la Seconde Guerre mondiale », rappelle l’actuel directeur général de la Compagnie Chérifienne de Chocolaterie anciennement Aiguebelle Maroc, Amine Berrada Sounni. Dès 1942, la chocolaterie sort ses premiers chocolats de l’usine située à Ouled Ziane, Casablanca, sous la marque Caobel en plus du chocolat noir extra-fin.  L’usine de Casablanca jouissait d’un positionnement particulier car elle était spécialement outillée pour les petits moulages et les tablettes de 300 grammes. Ces produits étaient à la fois commercialisés sur le territoire marocain et exportés en France. Avec l’évolution de l’usine, la production marocaine finit par rejoindre la gamme de produits proposée par la marque en France. En 1950, la barre de chocolat et nougatine Frégalior est lancée sur le marché. Dix années plus tard, Aiguebelle Maroc rachète le chocolatier Bleda qui sera positionné comme une marque d’entrée de gamme, Aiguebelle devant rester la marque phare de l’entreprise. Mais trois années avant cette acquisition, Aiguebelle Maroc change de logo et adopte la gazelle. Puis, vient l’époque de la marocanisation. Fauchon qui était, depuis la Seconde Guerre mondiale, dans le tour de table d’Aiguebelle se retire, après que les moines aient ouvert le pas en 1978 avec la faillite d’Aiguebelle en France. En 1984, l’entreprise est vendue à la Compagnie automobile chérifienne (CAC) appartenant à la famille Elbaz. La production de chocolat ne faisant pas partie du cœur de métier du repreneur qui ne souhaitait pas non plus se lancer dans une diversification vers le secteur agroalimentaire, celui revend le chocolatier à la famille Berrada en 1987. Alors présent dans l’industrie du café, avec la marque Ennasr, les Berrada Sounni trouvent dans ce produit des synergies à mettre en place avec leur activité. Depuis lors, l’entreprise a connu une évolution continue, multipliant son chiffre d’affaires par 15 (déjà en 2014). La libéralisation de l’économie dans les années 90 va ballotter un peu l’entreprise qui doit désormais faire face à la concurrence d’acteurs étrangers. Aiguebelle se ressaisit et innove en lançant sur le marché de nouveaux produits tels que Sweeties, le mini-chocolat à 1 dirham ou la marque premium « Tentation ». En 2010, un plan d’investissement de 250 millions de dirhams sur 5 ans vient confirmer les ambitions de la Compagnie Chérifienne de Chocolaterie. Trois années plus tard, la CCC ouvre une autre page de son histoire et implante une usine au Cameroun, via sa filiale Cameroun Investment Company.

Douieb S.

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