Au moment où la réflexion se développe sur une perspective économique censée trouver des solutions aux disparités sociales et spatiales qui n’ont cessé de s’accroitre avec le temps, le «retard des pluies» et son incidence sur la croissance montre que notre pays et notre société souffrent d’un certain nombre de «verrous» qui plombent l’émergence du pays et la modernisation de notre société dans son ensemble.
L’aléa climatique n’est pas le seul. Sauf que la sécheresse impacte négativement aussi bien «les revenus » que «le moral» de la population. Un moral déjà entamé par le «non-mouvement» politique qui semble exercer sa pesanteur sur le champ politique national.
Les compétences du gouvernement se sont engouffrées dans la routine de la gestion des affaires courantes et des équipes telles qu’elles se présentent dans l’attente de ce que adviendra des travaux de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement. De leur côté et en phase avec l’événement, les organisations politiques font de la communication sur «le nouveau modèle économique» et ronronnent sur les perspectives des prochaines échéances électorales. Seule la pétition populaire sur la création d’un fonds public pour lutter contre le cancer semble susciter de l’enthousiasme et donner à la «vox populi» un certain écho.
Dans le cadre de ce statuquo qui s’inscrit dans le «devenir indéterminé» caractérisant le champ politique national, la reconfiguration des alliances est au stade des frémissements. L’utilisation du conditionnel dans le discours aide à envisager toutes les possibilités sans faire état de ses préférences pour «ne pas insulter l’avenir». L’isolement est craint aussi bien par les uns que par les autres. L’exemple récent concernant la constitution d’un gouvernement en Tunisie après les élections législatives illustre clairement que rien ne sert d’être «en tête des élections…» si l’incapacité de constituer une majorité semble de plus en plus affirmée.
Qui alors de la classe politique actuelle sera-t-il sanctionné comme le voudraient ceux et celles qui ne cessent de «casser le sucre sur le dos» des partis politiques ? Et qui de la classe politique actuelle pourrait raviver l’enthousiasme populaire pour réaffirmer la consolidation du processus démocratique, la confirmation des acquis et la réalisation de nouvelles avancées vers les libertés et le bienêtre?
Au fait ; si on laissait aux connaisseurs de l’économie de marché, néolibérale et mondialisée, la responsabilité de faire le panaché adéquat et judicieux entre propositions «orthodoxes» et «hétérodoxes» pour booster la croissance et développer la production des richesses dans notre beau pays, il importe que cette approche spécifique à notre beau pays puisse être gérée démocratiquement. Que cette « réussite » du nouveau modèle économique ne se fasse pas dans un déni de la pratique démocratique.
Le développement durable est possible, comme le soulignait Michel Rocard (2003), «sous trois conditions majeures. La première est de donner la priorité absolue à tout ce qui touche la gouvernance : guerre ou paix, sécurité civile, nature des Etats, stabilité administrative, juridique et fiscale, pratique de la démocratie. La deuxième est d’accepter une remise en cause complète de tous les concepts, procédures et instruments dont se servent aujourd’hui les pays riches pour «aider» les pauvres. La troisième est d’accepter l’idée que le développement ne se parachute pas, et ne peut venir de l’extérieur. Il ne s’affirme que lorsqu’il est autocentré et puissamment piloté par une volonté nationale forte, éclairée et légitime».
Eliminons donc avec détermination les blocages au développement, évitons avec intelligence les blocages à la pratique démocratique dans tous ses aspects ; et seront alors réalisées «les conditions permettant de généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale».