Annoncer a une femme qu’elle a un cancer du sein, n’est pas chose aisée. C’est l’information que pratiquement tous les praticiens et ces derniers ont énormément du mal à le dire à leurs patientes. Cela produit l’effet d’un couperet, une bombe qui explose subitement dans le corps de la femme, qui est désemparée, pour laquelle tout vacille, et il est souvent très difficile d’accepter cette terrible réalité. Surtout, lorsqu’il s’agit d’une femme jeune. On fait le point avec le professeur Rajaa Aghzadi, spécialiste du cancer du sein qui était l’invitée du journal Al Bayane.
Le cancer du sein chez la femme est vécu comme une malédiction, car il touche à la féminité même, et bien souvent on assiste à un grand désespoir qui marque les visages : la prise en charge peut-être lourde et pénible, au regard des séances de chimiothérapie et de radiothérapie. Sans oublier le traitement chirurgical qui consiste à enlever totalement le sein malade. Ce sont des expériences souvent traumatisantes qui restent à jamais présentes dans l’esprit de bien des femmes. On comprend dès lors, toute l’importance d’un dépistage précoce dans ce type de cancer. Comme pour toutes les autres pathologies cancéreuses.
C’est quoi le cancer du sein?
Le cancer est une multiplication, une prolifération anarchique et incontrôlée de cellules anormales qui entraine la formation d’une masse ou tumeur. En ce qui concerne le cancer du sein qui représente près de 25%, il faut distinguer entre deux catégories:
1/Les cancers non invasifs et les cancers invasifs. Dans le cas des cancers non invasifs, les cellules cancéreuses restent confinées dans les canaux ou les lobules.
2/Les cancers invasifs ou infiltrants représentent 75% des cas. Dans ce type de cancer, les cellules cancéreuses envahissent les tissus entourant la tumeur et peuvent se propager vers d’autres parties du corps. On les appelle alors des métastases.
Les signes qui doivent alerter
Les signes qui doivent alerter sont multiples est variés. Il peut s’agir d’une boule ou une masse dans un sein. Cette masse, en général non douloureuse, est le plus souvent de consistance dure et présente des contours irréguliers. On peut aussi noter l’apparition de ganglions durs au niveau de l’aisselle. On peut aussi noter des modifications de la peau du sein et du mamelon. La peau du sein peut devenir capitonnée (et prendre l’aspect d’une peau d’orange) ou plissée. Le mamelon peut pointer vers l’intérieur, alors qu’habituellement, il est dirigé vers l’extérieur. Le sein peut se déformer et perdre de son galbe, des rides peuvent apparaitre. La peau du sein peut être rouge, écorchée (ulcérée), recouverte de croûtes et celle du mamelon peut se mettre à peler. Un écoulement d’un seul mamelon peut être le signe de cancer du sein, en particulier, s’il se manifeste sans qu’il n’y ait de compression du mamelon et s’il contient du sang ou s’il est verdâtre.
On peut noter aussi un changement de la taille ou de la forme du sein.
On peut noter la présence d’une ou plusieurs masses dures à l’aisselle. Cela signifie que le cancer du sein s’est propagé aux ganglions axillaires. Les ganglions restent toutefois indolores.
Les facteurs de risque
Comme dans toutes maladies, le cancer du sein peut être prévenu, et il est admis qu’il a beaucoup à faire en ce qui concerne la lutte contre certains facteurs de risque du cancer du sein sur lesquels il est possible d’agir.
L’alcool est un facteur de risque important, au même titre que le tabagisme, l’obésité est également un facteur de risque élevé. La sédentarité, la surcharge pondérale, sont autant d’éléments qui peuvent prédisposer certains sujets à développer un cancer incluant le cancer du sein.
L’alimentation doit être saine et équilibrée. Il faut éviter toutes sortes d’excès. Privilégiez les fruits et légumes, évitez les aliments en conserves (il a été prouvé qu’ils contiennent des éléments cancérigènes). Il faut également éviter la surconsommation des viandes rouges.
Des menstruations précoces, une ménopause tardive, une grossesse tardive ou l’absence de grossesse.
Avoir été exposée à des rayonnements ionisants.
L’hormonothérapie substitutive.
Les contraceptifs oraux….
Des chiffres effrayants
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) estiment le fardeau mondial du cancer à 18,1 millions de nouveaux cas et 9,6 millions de décès en 2018.
Aujourd’hui, le cancer du sein, c’est chaque année 1,8 million de nouveaux cas au niveau mondial, et 500.000 décès, c’est effrayant.
au Maroc. Selon les données statistiques officielles, on enregistre 40.000 nouveaux cas de cancers chaque année. Chez la femme, c’est le cancer du sein qui est le plus fréquent avec 36% des cas, soit près de 12.000 cas/an. Il est suivi du cancer du col de l’utérus (13%). Chez l’homme, c’est le cancer du poumon qui est le plus fréquent avec 24% des cas, suivi du cancer de la prostate (8%). Mais il faut dire que ces chiffres connaissent une courbe exponentielle, et que l’incidence du cancer du sein est en augmentation dans notre pays comme c’est le cas un peu partout à travers le monde. Cette augmentation des cas de cancer du sein est liée à de nombreux facteurs : vieillissement de la population, modification des habitudes de vie, augmentation du poids, accès aux soins, impact du dépistage organise….
Importance du diagnostic précoce
Le dépistage précoce de la maladie reste le principal moyen de lutter contre la maladie. Lorsque le cancer du sein est dépisté à un stade précoce, et si un diagnostic et un traitement appropriés sont disponibles, il y a de fortes chances qu’il puisse être très bien soigné.
Pour mettre toutes les chances de son côté, chaque femme doit procéder à un examen de ses seins. C’est ce qu’on appelle l’auto-examen régulier des seins. C’est une méthode simple qui permet de déceler d’éventuelles modifications de la poitrine. La meilleure période pour une palpation manuelle se situe entre le septième et le douzième jour suivant le début des règles. C’est aussi l’occasion de vérifier à l’aide d’un miroir si l’aspect de la poitrine a changé ou non. Important : tous ces gestes ne remplacent en aucun cas l’examen médical réalisé chez le médecin pour vérifier s’il y a des anomalies. Le praticien peut demander une mammographie (une radiographie de vos seins à faible dose), une échographie (permet de savoir si une masse est une tumeur solide ou un kyste)
Selon le professeur Aghzadi Rajaa, spécialiste du cancer du sein, une femme sur 10 risque de développer un cancer du sein au cours de sa vie. Ce qui en fait un problème majeur de santé publique. Fort heureusement, le taux de guérison de ce cancer est aujourd’hui de l’ordre de 90%, grâce aux progrès de la médecine, aux campagnes systématiques de dépistage qui sont réalisées chaque année au Maroc à l’occasion d’octobre Rose et qui permettent de poser un diagnostic précoce du cancer du sein et de sauver des milliers de femmes.
Qui du rôle des médias ?
En matière de prévention, de lutte contre les maladies, l’information, la sensibilisation des citoyens sont essentielles et doivent être continues dans le temps et non pas à l’occasion de tel ou tel évènement. Dans ce cas de figure, les medias ont un très grand rôle à jouer dans la lutte contre le cancer du sein
en mettant à disposition de citoyens des informations crédibles, vérifiées et vérifiables pour que chacun puisse en faire bon usage. L’information sur le cancer doit être structurée, claire, validée et actualisée…Les médias Marocains (presse écrite – audio – visuelle, électronique…) doivent tous se mobiliser pour la prévention du cancer du sein.
Cœur de Femmes
Le professeur Rajaa Aghzadi est une sommité du monde médical, elle est l’une des premières Chirurgiennes au Maroc.
Son parcours est tout simplement impressionnant, elle est née à Sefrou ou elle a grandi. Puis, elle a suivi ses études à Fès. Elle a décroché son bac à l’âge de 15 ans et devenue médecin à 22 ans dans la spécialité de chirurgie. Un long parcours que cette battante a su mener à bien.
Aujourd’hui, elle a plus de 30 ans d’expérience et met son savoir, son noble art au service des femmes du monde. C’est ce qui justifié la création de son association «Cœur de femmes».
Le professeur Aghzadi Rajaa organise chaque année des caravanes médicales pour aller vers les femmes afin d’opérer celles qui n’ont pas accès aux soins. Que ce soit au Mali, au Sénégal, en Gambie, au Niger, Ouganda, ou au Ghana, Raja Aghzadi répond toujours présente pour soigner, opérer, soulager, soutenir des milliers de femmes, qui sont toutes reconnaissantes.
Pr Aghzadia est consul honoraire de la Gambie.
Ouardirhi Abdelaziz