Une seule molécule extraite du requin guérit plusieurs pathologies

Le chercheur Mohammed Fekhaoui : le Maroc est une mosaïque d’écosystèmes

Quel rôle de la communauté scientifique joue dans l’atteinte des objectifs de la décennie de la biodiversité est la question à laquelle le Directeur de l’Institut scientifique de Rabat (ISR), le chercheur Mohammed Fekhaoui a tenté de répondre dans un exposé présenté lors d’une table ronde organisée, vendredi 15 février 2019 au siège national du PPS sous le thème le thème : la biodiversité au Maroc, de la connaissance à la gouvernance.

La rencontre s’était déroulée sous la présidence du SG du PPS, Mohamed Nabil Benabdallah, selon lequel le nouveau modèle de développement que le Maroc est en cours d’élaborer, se doit d’accorder à la préservation de la biodiversité tout l’intérêt requis, sinon il sera incomplet.

Quant au modérateur de la rencontre Jalal El Moata, membre du Comité central, il avait entre autres recommandé de développer davantage de recherche scientifique, d’exploiter de manière optimale et rationnelle les ressources disponibles et d’enrichir le fondement juridique par de nouvelles lois dont en premier le code de la forêt.

Dans son exposé, Dr FEKHAOUI a défini la diversité biologique comme étant la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris entre autres les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes.

Pour les besoins de la solidarité intergénérationnelle, il importe d’élaborer des stratégies, des plans ou programmes nationaux, d’assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, d’intégrer, dans toute la mesure possible et comme il convient, la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique dans ses plans, programmes et politiques sectoriels ou intersectoriels pertinents, a-t-il expliqué.

Le Maroc est une mosaïque d’écosystèmes:

Pourquoi ? Parce que le Maroc est une mosaïque d’écosystèmes. Il a une grande diversité biologique et constitue de ce fait un HotSpot de ressources génétiques.

Le pays s’est doté pour ce faire d’une stratégie et d’un plan d’action comprenant la version de 2001, la version de 2004 et la version de 2016.

Cinq rapports nationaux ont été élaborés sur la mise en œuvre de la convention sur la diversité biologique.

A l’échelle mondiale

A l’échelle mondiale, la biodiversité est en difficulté. Les principales pressions qui entrainent l’appauvrissement de la biodiversité ne sont pas juste constantes, mais s’intensifient.

« Nous continuons à perdre la biodiversité à un rythme jamais vu dans l’histoire. Un nouveau pacte plus intelligent entre l’humanité et les systèmes terrestres doit voir le jour en toute urgence en 2010 », explique-t-il.

Plan stratégique 2011-2020

Une stratégie nationale tenant compte des 20 objectifs d’Aichi (nom d’une ville au Japon) a été mise en place au Maroc.

Pour ce faire, a-t-il dit, les Parties à la Convention sur la diversité biologique ont accepté de convertir ce cadre international général en stratégie et plan d’action nationaux pour la biodiversité pour  « vivre en harmonie avec la nature, avec comme vision à l’horizon 2050 que d’ici là, « la diversité biologique est valorisée, conservée, restaurée et utilisée avec sagesse, en assurant le maintien des services fournis par les écosystèmes, en maintenant la planète en bonne santé et en procurant des avantages essentiels à tous les peuples».

L’objectif est de réduire au moins de moitié, ou lorsque c’est possible à près de zéro, le taux de perte d’habitats naturels, y compris les forêts et de fixer un objectif de sauvegarde de la biodiversité pour 17% des zones terrestres et des eaux continentales et pour 10% des zones marines et côtières. Les gouvernements s’engagent en outre à restaurer au moins 15% des zones dégradées et feront un effort spécial pour réduire les pressions affligeant les récifs coralliens.

Mise en œuvre du protocole de Nagoya

Le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation à la Convention sur la diversité biologique, plus communément appelé Protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages (APA), est un accord international sur la biodiversité. Il a été adopté par la dixième réunion de la Conférence des parties à la convention sur la diversité biologique des Nations unies, le 29 octobre 2010 à Nagoya, au Japon, et est entré en vigueur le 12 octobre 2014.

Il a pour objectifs la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques.

Exemple de l’utilisation durable et équitable

Milieu marin … principales sources pour le développement durable

Selon Pr FEKHAOUI, presque toutes les économies fondées sur les richesses apparentes (argent, pétrole, diamants…) sont extrêmement fragiles (Irak, Libye, Tunisie, Venezuela).

Les plus fortes économies sont celles fondées sur la capacité de créer l’information utile (Europe, pays scandinaves, Maroc par rapport à d’autres pays africains et Mena).

La preuve : Bagdad ( du 8ème au 13ème siècles) était infiniment beaucoup plus prospère et économiquement plus riche quand elle n’avait que l’art, la culture et la science (connaissance) à vendre que quand elle a trouvé du pétrole.

Selon lui, la sécurité alimentaire (pêche, aquaculture), l’énergie et l’eau sont les domaines stratégiques auxquels le milieu marin doit contribuer pour le développement durable.

La pêche

Malgré le fait que les prises sont au plus haut niveau et que les stocks sont pour la plupart surexploités, l’on continue d’investir dans les activités de pêche pour exploiter davantage les richesses existantes, a-t-il dit.

C’est ainsi que le programme national d’aménagement du littoral (PNAL) au Maroc s’est fixé comme objectifs : La réalisation d’infrastructures de base nécessaires à l’exercice de l’activité de pêche, La création de micro-pôles de développement générateurs d’emploi et d’activités de nature à sédentariser la population et atténuer l’exode rural et L’aménagement de 43 sites dont 7 en construction, La création d’un site de pêche tous les 55 km (en comptant les ports de pêche).

250 millions de dollars US d’investissements sont réalisés pour la production de 0,9 milliard de Dirhams en valeur des débarquements en 2013 (soit 16 % du total) et 15 nouveaux sites programmés.

La gestion des sites est confiée à des coopératives locales de pêcheurs.

Quant à la transformation/valorisation, elle reste peu ambitieuse fondée sur l’emballage et la présentation.

Elle concerne en premier, selon Pr. FEKHAOUI, la conserve, la semi-conserve, la congélation, le conditionnement à l’état frais, la fabrication de farine et d’huiles de poisson et le traitement des algues.

Le résultat, c’est qu’on écoule près d’un million de tonnes par an de poissons alors que des déchets d’une seule sardine on peut extraire des médicaments, des produits cosmétiques et des substances hautement nutritives,  créer des emplois… et promouvoir la dimension genre, selon lui.

Peut être moins de tonnage et plus de valorisation  c’est mieux

Pour y arriver, il a proposé notamment une aquaculture ciblée pour la sécurité alimentaire et la création de l’emploi.

Pour une aquaculture citoyenne ciblée :

Mais est ce que l’aquaculture telle qu’elle est conçue actuellement répond à l’un des besoins du développement humain en l’occurrence la sécurité alimentaire ?, s’est il interrogé.

Les Marocains ne se nourrissent ni de coquillage ni d’algues, mais à la rigueur de poissons.  61 % de la production aquacole sont des huitres, presque inutilisables par les citoyens contre  39 % de poissons. Produire des huitres c’est produire essentiellement du calcaire (coquille) non consommable et pour être mangées par qui ? Certainement pas le commun des Marocains, répond-t-il.

Le secteur emploie quelque 250 personnes dans une ferme d’huitres (300 T/an) et une ferme de moules (540 T/an).

Pour pouvoir jouer comme il se doit son rôle, le secteur a besoin d’une aquaculture de production citoyenne ciblée (sécurité alimentaire, ressources génétiques) une aquaculture de repeuplement responsable et une aquaculture de soutien réparatrice, a-t-il martelé.

Il est également indispensable d’initier des programmes de valorisation des ressources génétiques marines en procédant notamment à l’extraction de médicaments, de vitamines et de produits cosmétiques à partir des espèces marines et ce sans avoir à les exterminer.

Une seule molécule extraite du requin guérit toutes ces maladies : Parkinson, fièvre jaune, la dengue antivirale, bactéries multirésistantes, tumeurs, l’hépatite, et l’anti- arthrite.

M’Barek Tafsi

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