Débat confiné organisé par la Jeunesse Socialiste
Mohamed Nait Youssef
Les hommes et les femmes des planches marocaines ont fêté, le 14 mai, la journée nationale du théâtre. En effet, les célébrations de cette année ont un goût particulier et exceptionnel notamment avec la fermeture des théâtres, des salles de spectacles ainsi que le report, jusqu’à nouvel ordre, de toutes les activités culturelles et artistiques à cause de la crise sanitaire due au Covid-19.
A cette occasion, la Jeunesse Socialiste (JS) a organisé un débat confiné sous le thème ‘’Les enjeux de l’artiste marocain à l’heure de la pandémie de Coronavirus’’ avec la participation de Mohamed Amine Sbihi, membre du Comité Central du parti du progrès et du socialisme (PPS) et ancien ministre de la culture, Messaoud Bouhcine, artiste, syndicaliste et membre du Comité Central du PPS et Amine Nasseur, metteur en scène et professeur à l’Institut Supérieur d’Art Dramatique et d’Animation Culturelle (ISADAC).
Par ailleurs ce débat animé à distance par Réda Kadda, membre du bureau national du JS, était une occasion propice pour mettre les lumières sur la situation de la culture et des arts en ces temps de confinement et de crise inédite où toutes les activités culturelles et artistiques ont été suspendues au Maroc et ailleurs.
L’appel de Sbihi pour un mécanisme national exceptionnel et urgent pour soutenir la culture et les arts!
Pour Mohamed Amine Sbihi, le Maroc a une possibilité de faire de la culture et des arts des composantes essentielles du développement économique et social dans notre pays. Selon lui, il y a des idées, des expériences qui peuvent être élaborées dans le cadre d’une stratégie nationale de la culture.
«Notre pays regorge de potentialités et d’énergies créatrices qu’il faut soutenir, encourager et promouvoir pour donner un souffle nouveau au secteur des arts et de la culture», a-t-il fait savoir.
Afin de relancer ce secteur vital, l’ancien ministre de la culture et membre du Comité Central du parti du progrès et du socialisme (PPS) a proposé un certain nombres de mesures qui doivent être prises à titre d’urgence à savoir la mise en place d’un mécanisme national exceptionnel et urgent pour soutenir la culture et les arts avec une enveloppe budgétaire de 200 millions de dirhams pour la période 2020/2021 qui sera financée, explique-t-il, par le Ministère de l’Industrie dans le cadre de l’écosystème de la culture, le Fonds Hassan II pour le développement économique et social, les Conseils régionaux et le Ministère de la Culture. Ce mécanisme, a-t-il affirmé, sera encadré par un cahier des charges, des stratégies et des objectifs bien précis, et qui sera orchestré par des commissions indépendantes ayant de l’expertise en la matière.
Dans son intervention, Sbihi a proposé également des mesures structurelles qui contribueront bel et bien à la mise en place d’un modèle national du développement culturel et artistique. Pour ce faire, il a appelé à la mise en œuvre du statut de l’artiste et des métiers artistiques sans oublier bien entendu le renforcement de l’arsenal juridique de cette loi.
A cela s’ajoute, la mise en œuvre du décret des 82 métiers et services culturels dans le système de l’entreprenariat, la mise en œuvre de l’institution des droits d’auteur et droits voisins comme mécanisme pour la protection des droits et intérêts moraux et matériels des créateurs , la création d’une institution nationale pour soutenir les entreprises et les institutions culturelles et créatives sous forme d’une institution publique ou une entreprise nationale qui se chargera du soutien de la production, de la promotion et de la commercialisation des productions artistiques et culturelles afin de mettre les fondements d’une industrie culturelle et créative nationale solide.
Et ce n’est pas tout! Sbihi n’a pas manqué l’occasion pour appeler à une mise en œuvre du programme culturel et artistique du Ministère de la culture lancé en 2014, sans oublier bien entendu de donner un statut juridique pour les institutions culturelles notamment les théâtres, les centres culturels, les instituts de musique, d’art sous forme des institutions publiques afin d’élargir leurs revenus et de créer des offres d’emplois pour les professionnels du métier.
Un secteur entre vents et marées…
De son côté, Messaoud Bouhcine, artiste, syndicaliste et membre du Comité Central du PPS a souligné à l’importance de la protection et de la promotion des industries culturelles et créatives qui constituent, selon lui, un pilier important de l’économie. «La culture est l’une des activités contribuant à la dynamique de l’économie ; car elle joue un rôle primordial dans la promotion des secteurs de l’événementiel et le tourisme, pour ne pas citer que ceux-là», a-t-il fait savoir.
Quant au comédien et metteur en scène, Amine Nasseur, il a d’abord salué les efforts qui ont été déployés par l’ancien ministre de la Culture Mohamed Amine Sbihi qui avait, dit-il, une vision claire et une stratégie pour les secteurs des arts et de la culture. «Le théâtre national a eu la place qu’il lui due durant son mandat. Mieux encore, le festival national ainsi que le soutien accordé au secteur théâtral avaient connus une évolution remarquable», a-t-il fait savoir.
Nasseur a souligné dans son intervention que l’artiste marocain en particulier et le secteur culturel et artistique en général passent en ces temps de crise par une période difficile notamment avec l’absence d’une vision du Ministère de la tutelle pour le secteur pendant la crise de Corona et après. «Au début, il fallait penser à créer des activités parallèles ainsi qu’une stratégie nationale pendant cette période par le ministère de la culture», a-t-il affirmé. Toutefois, cette situation de vide a poussé un certain nombre d’artistes à créer des initiatives individuelles sur les réseaux sociaux, a-t-il fait savoir.
Le confinement a-t-il des retombées bénéfiques sur les artistes?
Pour Messaoud Bouhcine, ce confinement imposé est une occasion idoine pour certains artistes pour méditer, créer, renouveler leurs idées, leurs paradigmes et leurs matériaux de travail. C’est un instant fort, poursuit-il, pour repenser l’action culturelle et artistique dans son essence et sa globalité. En revanche, il y a une catégorie d’artistes qui souffre pendant cette période surtout ceux qui n’ont pas une source de revenus stable, a-t-il fait savoir.
De son côté, Amine Nasseur a rappelé que cette période de confinement a incité les artistes à chercher de nouvelles issues et d’autres alternatives pour promouvoir leurs créations sur les réseaux sociaux. Dans ce cadre, il a appelé à une stratégie nationale pour la promotion des pièces de théâtre marocaines sur les plates-formes digitales et opter pour le streaming afin de toucher un public assez large. «Il y a un public virtuel qu’il faudrait atteindre aussi», a-t-il expliqué.