Fatima Zahra Ouriaghli, directrice de la publication de Finances News Hebdo
Fatima Zahra Ouriaghli, directrice de publication de «Finances News Hebdo», souligne que la crise déclenchée par la pandémie a aggravé les difficultés d’un secteur qui était déjà sinistré depuis quelques années. Pour elle, la requalification du secteur requiert l’implication de trois composantes : les pouvoirs publics, les entreprises de presse et les journalistes. En termes plus clairs, «ces trois composantes doivent intégrer le rôle que joue la profession dans la démocratie et la liberté d’expression», martèle-t-elle.
Al Bayane : quel diagnostic faites-vous après que la presse papier a été contrainte de suspendre ses publications à cause de la pandémie Covid-19?
Fatima Zahra Ouriaghli : Avant de faire un diagnostic de l’après suspension des publications papier, je dois dire que la pandémie a touché les pays du monde entier, et le Maroc avec.
C’est ce qui a poussé le gouvernement à prendre des décisions pour préserver la santé des citoyens.
Au début de l’épidémie de la Covid-19, il a été considéré que le papier est une source de contamination; et c’est dans ce contexte que l’impression et la distribution du papier ont été interdites.
Il faut ajouter à cela que l’état d’urgence sanitaire a été décrété, avec pour conséquence le confinement. C’est-à-dire que la chaîne de valeur du secteur de la presse a été cassée.
Le diagnostic est très simple : les entreprises de presse se sont retrouvées du jour au lendemain privées des recettes publicitaires et des recettes de ventes par numéros dans les kiosques.
Cette crise a donc a aggravé les difficultés d’un secteur qui était déjà sinistré depuis quelques années.
Pour faire face à cette situation inédite qui a touché beaucoup de secteurs vitaux au Maroc, la majorité des entreprises de presse ont pris des mesures urgentes, dont notamment le recours au financement bancaire pour gérer les besoins de fonctionnement immédiats.
Comment envisagez-vous la reprise?
La reprise se fera progressivement et sera calquée sur la levée entière de l’état d’urgence sanitaire.
Aujourd’hui, la majeure partie des lecteurs est soumise à la situation dictée par le confinement (limitation de déplacement, fermeture des lieux de rencontre et de lecture – café, restaurant, librairie,…-, et donc se tournent vers le digital pour s’informer.
Une chose est sûre ; après la levée du confinement, le lecteur aura d’autres priorités que d’aller acheter les journaux, d’autant plus que l’information lui arrive gratuitement et en temps réel.
La reprise devra prendre en compte les conditions sanitaires et les mesures de relances qui seront prises pour accompagner les différents pans de l’activité économique nationale.
Certains analystes affirment que la presse papier n’a plus sa place dans le champ journalistique au regard d’une concurrence acharnée des médias numériques, partagez-vous cet avis?
Je ne partage pas du tout cet avis, parce que sous d’autres cieux où la digitalisation est beaucoup plus avancée qu’au Maroc, les journaux papier continuent d’être imprimés, diffusés et vendus. Le contact direct avec un support papier est impossible à éviter parce que le virtuel, qui est un complément du papier, a ses limites.
Quels sont les défis qui guettent la presse papier?
Les difficultés qui guettent la presse papier sont nombreuses, à commencer par le contenu rédactionnel qui compte énormément dans la relation qui règne entre le journaliste et le lecteur.
Il s’agit aussi de lutter contre les fake news à travers un travail journalistique profond qui démarre par la vérification des sources de l’information.
Il faut aussi s’armer pour défendre le droit d’accès à l’information.
La mise à niveaux des entreprises de presse, la formation des journalistes et le respect de la déontologie restent également les pièces maîtresses pour crédibiliser davantage le secteur et soutenir sa relance.
Peut-on dire que la baisse des ventes de la presse papier est due essentiellement à son contenu qui n’est guère différent de la presse numérique?
Je ne peux pas trancher, parce que la presse digitale a sa place et sa valeur ajoutée dans le paysage médiatique, notamment l’instantanéité et l’accès gratuit à l’information.
La force de la presse papier réside, par contre, dans le recul par rapport à l’information à diffuser et la manière avec laquelle elle est analysée. La presse écrite a un rôle à jouer dans l’investigation également.
Quel business model pour la presse écrite?
Il ne peut y avoir de business modèle standard, adaptable à toute la profession.
Chaque entreprise de presse ayant ses spécificités, le modèle économique devra s’adapter à sa stratégie développement, en tenant notamment compte du contenu éditorial, du lectorat, etc.
Selon vous comment doit-on procéder pour sauver la presse papier?
Pour sauver la presse implique l’implication de trois composantes : les pouvoirs publics, les entreprises de presse et les journalistes. Ces trois composantes doivent intégrer le rôle que joue la profession dans la démocratie et la liberté d’expression.
Les chantiers sont nombreux pour cet écosystème qui doit avoir un objectif commun : informer dans le respect de la déontologie. L’Etat doit donc accompagner valablement les entreprises de presse structurées afin qu’elles puissent accomplir leur noble mission qui est d’informer juste.