Experts réunis à l’initiative des parlementaires du PPS
Le projet de loi de finances 2021, qui se situe dans la continuité des précédentes lois de finances, ne tient pas des nouveaux défis économiques et sociaux que le Maroc doit relever, du fait des répercussions de la pandémie de la Covid-19, selon des experts réunis, lundi 26 octobre, à l’initiative du Groupement parlementaire du progrès et du socialisme (GPPS : PPS) à la Chambre des représentants.
C’est ainsi qu’au niveau du financement du projet, le gouvernement a manqué d’imagination, en optant pour des solutions de facilité à travers le recours à l’emprunt et la privatisation de certaines activités tout en avançant des hypothèses trop optimistes. C’est pourquoi un tel projet ne peut être en mesure de répondre aux défis de l’étape actuelle.
Des solutions de facilité
Selon Abdelahed Fassi Fihri, membre du bureau politique du Parti du Progrès et du Socialisme, personne n’ignore que la crise de la Covid-19 a provoqué une récession de l’économie mondiale.
Il faut dire selon l’intervenant que la crise a frappé de plein fouet le pays et mis à nu la grande précarité dans laquelle vivent de larges couches de la population, comme elle a étendu le cercle de la pauvreté en y jetant des millions de nouveaux ménages.
Dans le cadre de ses analyses, le PPS tient évidemment compte non seulement des contraintes d’ordre interne, mais également d’ordre externe, dont il faut mesurer l’impact sur la situation dans le pays, a-t-il dit.
Il a toutefois fait savoir que cela ne doit pas servir de prétexte pour élaborer un projet aussi limité que l’actuel PLF 2021, qui est incapable de répondre aux exigences de l’étape actuelle, contribuer à la relance de l’économie et permettre l’amorce du chantier de la couverture sociale universelle.
Selon lui, il est risqué d’élaborer un PLF en se fondant sur des hypothèses improbables voire exagérées en optant pour des solutions de facilité, tel le recours à l’emprunt, notant que le déficit budgétaire dépasse 7,6% dans ce projet.
C’est ainsi qu’il est trop risqué de tabler sur une reprise économique chez les principaux partenaires du Maroc, notamment en Europe en 2021 et une récolte céréalière de l’ordre de 70 millions de quintaux, au moment où le pays n’a enregistré cette année qu’une production de 30 millions de quintaux. Ce qui est loin des prévisions de 80 à 90 millions de quintaux du Plan Maroc Vert.
Le projet se fixe aussi comme objectif de réaliser un taux de croissance économique de 4,8%, alors que le taux de récession varie entre 6,5 et 7,5 %, a-t-il expliqué.
Ce qui a fait dire à l’analyste que le PLF 2021 ne tient pas compte de toutes les contraintes liées aux répercussions de la pandémie du nouveau coronavirus. Pire encore, le projet ne prévoit pas de mesures courageuses et novatrices pour assurer la relance de l’économie nationale. Il ne prévoit rien de nouveau pour alléger le fardeau de la fiscalité sur les entreprises nationales appelées à prendre part à cette relance.
En d’autres termes, a-t-il dit, le PLF 2021 est loin de tenir compte des hautes orientations royales appelant à la relance de l’économie et au lancement de la généralisation de la couverture sociale universelle.
Faire preuve de volonté politique
Pour sa part, Dr Mohamed Benmoussa a souligné que le PLF 2021 n’apporte rien de nouveau et ressemble aux précédentes lois de finances. Il s’est fixé les mêmes priorités avec de légers changements concernant notamment l’augmentation des budgets de certains secteurs.
Selon lui, le gouvernement a choisi de continuer sur la même voie qu’avant, nonobstant la conjoncture difficile et compliquée liée aux répercussions de la Covid-19. Aucun effort n’a été fait par le gouvernement pour adapter ce projet aux besoins inhérents à cette crise de la pandémie et en particulier aux niveaux économique et social, a-t-il ajouté.
Il a également reproché au gouvernement de choisir des solutions de facilité en optant pour le recours à l’endettement et à la privatisation de certaines activités à travers la transformation de certains établissements publics et sociétés en reconduisant la fiscalité existante sans allègement, tout en créant une contribution de solidarité.
Selon l’expert, il est temps pour le gouvernement de mettre en place un régime fiscal performant et efficace, qui se réfère aux recommandations des Assises fiscales dans le but d’être plus rentable et plus juste envers l’ensemble du tissu économique et des unités de production.
D’après lui, le moment est propice pour réaliser une telle réforme fiscale, compte tenu des défis et des difficultés qui se posent devant le budget et les attentes sociales. Pour y parvenir, le gouvernement doit faire preuve d’audace et d’une véritable volonté politique, a-t-il dit.
Rien de nouveau
Intervenant dans le même ordre d’idées, la présidente du GPPS, Aicha Lablak a rappelé que ce débat intervient dans une conjoncture particulière marquée par la propagation de la pandémie, qui a aggravé la situation à différents niveaux.
Malheureusement, au lieu de tenir compte des nouveaux défis et des attentes des larges couches sociales, le PLF 2021 n’a rien prévu de nouveau pour redresser la situation, à l’exception de l’augmentation des budgets de certains secteurs qui n’est pas au niveau escompté.
D’après elle, le PLF 2021 a montré que le gouvernement est incapable de faire une lecture juste de la situation en optant pour des solutions de facilité à travers le recours à l’emprunt et à l’impôt pour financer le budget.
Elle a également souligné que le PLF 2021, tel qu’il se présente, est incapable de contribuer à la mise en œuvre des hautes orientations royales appelant à la promotion de certains secteurs comme la santé et l’enseignement, estimant que l’augmentation des budgets de ces deux secteurs est en deçà des défis qu’ils affrontent.
Définir les sources de financement
Pour sa part, Dr Meriem Ben Abdeslam neurochirurgienne et académicienne dans les domaines économiques et financiers a souligné que le PLF 2021 n’a rien prévu de performant pour assurer le financement du chantier de la généralisation de la couverture sociale universelle, à laquelle a appelé Sa Majesté le Roi, notant que la mise en place d’un impôt de solidarité soulève plus qu’une question sur le bienfaiteur et le bénéficiaire de cette solidarité.
Selon l’académicienne, la mise en œuvre avec succès de ce chantier requiert surtout la définition des sources de son financement, des outils de son fonctionnement et une forte volonté pour choisir le modèle de protection sociale le mieux adapté. Dans ce cadre, a-t-elle dit, l’on doit tenir compte notamment de la nécessité de combattre la précarité et la pauvreté dans laquelle vivent des milliers de familles marocaines. Il faudra aussi trancher entre l’intervention directe de l’Etat ou la contribution des individus, a-t-elle ajouté, appelant à la recherche de nouvelles sources de financement du chantier outre que les impôts de solidarité.
Pour un débat profond
De son côte, l’expert Salah Grine a estimé que nombre d’impôts prévus dans le PLF 2021 nécessitent un débat profond, étant donné qu’ils vont à l’encontre de la réalisation de la justice fiscale pour les entreprises et font fi des conditions difficiles créées par la pandémie et de la situation dans les pays partenaires du Maroc.
Selon lui, le pays a besoin plus que jamais d’une forte volonté politique pour procéder à la réforme du régime fiscal, telle que prévue dans les recommandations des Assises fiscales de 2019 à Skhirate. L’Etat se doit aussi d’œuvrer pour faire respecter la loi et faire valoir les droits économiques et sociaux des assujettis, a-t-il ajouté, appelant à la préservation des équilibres macroéconomiques.
Quant au chercheur Habib Kerradi, il a souligné que l’actuel PLF s’inscrit tout simplement dans la continuité et ne diffère en rien des précédentes lois de finances. Quant aux augmentations budgétaires sectorielles prévues, elles ne sont pas à la hauteur des défis, a-t-il indiqué, notant que l’enseignement et la santé ont besoin d’un effort plus conséquent pour leur redressement.
M’Barek Tafsi