Arménie : La seconde vie de Nikol Pachinian

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Alors que la débâcle de l’Arménie dans le conflit du Haut-Karabakh qui l’avait opposé à l’Azerbaïdjan, avait fait croire à la mort politique du Premier ministre Nikol Pachinien, 46 ans, et que de nombreux arméniens avaient même réclamé sa démission, la donne a changé depuis lors et c’est tout le contraire qui s’est produit à l’issue des élections législatives anticipées de ce dimanche et d’une campagne électorale particulièrement tendue puisque son parti « Mon pas » est parvenu à recueillir 54% des suffrages exprimés, bien loin devant  « Alliance Arménie » de l’ancien président Robert Kotcharian (1998-2008) arrivé deuxième avec seulement 21% des voix.

Mais l’ancien président qui compte, parmi ses amis, un certain Vladimir Poutine, s’est empressé de dénoncer des « falsifications planifiées à l’avance » et de clamer, haut et fort, qu’il ne reconnaît pas les résultats de ce scrutin même si la mission d’observation de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) a fait l’éloge d’une campagne électorale qui a été « démocratique », qualifié ces élections de « concurrentielles et bien organisées » et reconnu, enfin, que le dépouillement des bulletins a été « hautement transparent ». .

Autant d’éléments qui  pousseront, tôt ou tard, Robert Kotcharian à se rendre à l’évidence et à accepter sa défaite du moment que le Kremlin a validé ce scrutin et que cette validation est d’autant plus importante que la sécurité de l’Arménie dépend essentiellement de la Russie qui assure une mission d’interposition dans la province sécessionniste azerbaïdjanaise du Haut Karabakh permettant aux arméniens d’y vivre tout en jouissant d’une autonomie de fait depuis la signature de l’accord de paix du 9 novembre 2020.

Ainsi, la victoire obtenue par Nikol Pachinian, qui a choisi de miser son avenir politique sur des élections anticipées, a déjoué tous les pronostics qui lui prédisaient, dans le meilleur des cas, une « petite » victoire susceptible d’entraîner des tensions dans un pays qui, depuis son indépendance en 1991, a été, très souvent, en proie à la violence politique.

Il est donc clair que même les déçus de la politique du Premier ministre arménien ne se sont pas jetés aveuglément dans les bras de ses opposants que sont les anciens présidents Serge Sarkissian et Robert Kotcharian, réputés comme étant de grands corrompus.

Autant dire qu’un tel score vaut son pesant d’or si l’on tient compte du fait que, dans les cercles politiques d’Erevan, la défaite militaire de l’automne dernier qui avait aiguisé les haines entre le désir de vengeance et la volonté de reprendre en main les destinées d’un pays en plein désarroi après que sa souveraineté territoriale ait été sérieusement mise à mal, a fait perdre au dirigeant arménien la moitié de son électorat.

Est-ce à dire que l’esprit de la « révolution de velours » qui avait amené Nikol Pachinian au pouvoir en 2018 est en train de souffler sur l’Arménie ?

C’est à croire… mais encore faudra-t-il, à ce dernier, doter le pays d’une nouvelle doctrine géopolitique, militaire et voire même identitaire.

Or, de l’avis de Mikaël Zolian, politologue et député sortant de la majorité, ceci requiert qu’un « travail en profondeur » soit fait « par l’ensemble de la société et, en premier lieu, par les intellectuels » et, pour cela, il incombe à Nikol Pachinian de « créer » les conditions requises ; à savoir, « stabiliser » la situation politique interne, « relancer » l’économie et « garantir » la sécurité nationale. Y parviendra-t-il ? Il semble avoir toutes les cartes en main mais attendons pour voir…

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