Dans un entretien accordé à l’Association des Marocains aux Grandes Ecoles Lyon
M’Barek Tafsi
En se détournant de la politique et en boudant notamment la participation aux élections, tous les citoyens en âge de voter et les jeunes en particulier délèguent, qu’ils le veillent ou non, à d’autres qu’ils n’ont pas choisis, le pouvoir de décider du sort du pays et de gérer les affaires sans tenir compte des attentes et aspirations des larges couches populaires, a affirmé le Secrétaire Général du Parti du Progrès et du Socialisme, Mohammed Nabil Benabdallah.
Dans un entretien, jeudi 1er juillet, avec l’«AMGE Lyon», l’Association des Marocains aux Grandes Ecoles Lyon (France), le SG du PPS a tenté de répondre à la question de savoir pourquoi les jeunes se détournent-ils de la politique?
Le PPS ne compte que sur le vote politique
Selon lui, il s’agit d’un problème très grave qui ne touche pas le Maroc tout seul. C’est un comportement qui prive les partis politiques et le pays en général du renouvellement des élites politiques et de la relève politique et pénalise sévèrement les partis progressistes comme le PPS qui ne compte que sur le vote politique pour l’élection de ses candidates et candidats. Le PPS sait d’avance que seuls ceux qui adhèrent à son idéal politique et à son projet sociétal et qui se reconnaissent dans son programme électoral vont voter pour lui, contrairement aux partis politiques, qui entretiennent un discours islamiste ou tribaliste, ou ceux qui n’hésitent pas à acheter les voix des électeurs en distribuant argent, paniers ou avantages, assortis souvent de promesses bidon.
D’après lui, ce sont justement ces dernières pratiques, qui ont sali et taché l’histoire des élections au Maroc et fini par lasser de nombreux citoyens honnêtes, qui se disent désormais qu’il ne sert plus à rien de voter, puisque les résultats seront falsifiés pour que ceux qui sont au service de certains intérêts l’emportent.
Revenant sur son parcours politique, il a fait savoir que son militantisme en tant qu’étudiant en France dans les rangs de l’UNEM (Union nationale des étudiants du Maroc) et du PPS, lui avait permis de parfaire sa formation et d’enrichir ses connaissances.
Il consacrait, d’après lui, 50% de son temps à ses études et 50% à ses activités militantes dans les rangs de l’UNEM et du PPS, rappelant que les ventes militantes du journal Al Bayane, lui permettaient avec ses camarades de faire connaitre le parti dans les rangs des étudiants et des ouvriers et de le défendre contre les attaques des extrémistes (les Frontistes, 23 Mars, et bien d’autres).
Il n’a pas manqué aussi de rappeler les conditions difficiles pour les militants qui risquaient de se faire arrêter à tout moment pour leur prise de position ou autre.
Bravant tous les risques, les militants étaient animés par un ensemble d’idéaux, qui avaient trouvé écho dans les événements de 1968 en France. Les débats portaient aussi sur les luttes de libération nationale dans de nombreux pays à travers le monde (Vietnam, Palestine, Laos, Angola, Mozambique, Amérique Latine, Asie).
Il fût ce temps, celui quand les militants s’engageaient sur la base d’un idéal collectif. Ils se partageaient une aspiration collective.
Ce qui n’est plus le cas actuellement, car l’individualisme domine. Il ne laisse plus de place à cette aspiration collective d’amélioration des conditions de vie et de travail des larges couches populaires. Tout un chacun ne pense plus qu’à ses problèmes, car les conditions de vie sont devenues plus difficiles. Actuellement, même avec un diplôme, il n’est pas sûr de trouver un emploi une fois l’étudiant est de retour au Maroc, a-t-il dit, rappelant que ce problème ne se posait pas aux générations passées.
Pour ce qui est des élections au Maroc, elles ont connu différentes étapes, a-t-il dit, notant qu’elles étaient souvent truquées.
Et c’est en 2002-2003 que le Maroc a connu ses premières élections non truquées, a-t-il dit, rappelant que certaines pratiques nocives comme l’achat des voies, l’instrumentalisation du discours religieux et de l’appartenance tribale sont toujours monnaie courante.
C’est pourquoi, seuls quelque 17 millions de Marocains sur les 29 en âge de voter, sont inscrits sur les listes électorales, a-t-il dit ; et seuls quelque 8 millions d’inscrits iront peut être voter, dans le meilleur des cas, a-t-il ajouté.
Les autres 9 ou 10 millions qui n’iront pas voter vont laisser le champ libre à d’anciens élus de reprendre leurs sièges au Parlement pour continuer de gouverner le pays comme ils le font actuellement, a-t-il souligné avec regret.
L’Etat de cesser ses ingérences dans les affaires des partis
Pour réconcilier les citoyens en général et les jeunes en particulier avec la politique, il est temps pour l’Etat de cesser ses ingérences dans les affaires des partis politiques, qu’il faut encourager de jouer honnêtement et correctement leur rôle dans l’encadrement et l’éducation civique et citoyenne des adhérents. Il convient aussi de leur laisser le champ libre pour remporter le nombre de voix et de sièges qu’ils méritent non pas sur la base de l’achat des voix ou la distribution des avantages et des privilèges, mais sur la base de la compétition des programmes et des projets sociaux.
En l’état actuel des choses, il est difficile pour les jeunes de se reconnaitre dans les programmes des partis politiques, qui sont attaqués de toute part et mis sur le même pied d’égalité, comme l’a exprimé récemment à sa manière le Wali de Bank Al Maghrib, qui a remis en cause la crédibilité de tous les partis politiques. Selon lui, Ssi Abdellatif Jouhari ne visait en fait qu’un seul parti qui a avancé des propositions irréalistes.
Les jeunes doivent prendre conscience de leur rôle
Face à cette situation, les jeunes se tournent vers les réseaux sociaux pour s’exprimer et faire entendre leurs voix au lieu de participer à la vie publique de leur pays, a-t-il dit, appelant les jeunes à prendre conscience de leur rôle et à militer dans tous les domaines de leur choix : droits de l’homme, de la femme, de l’enfant, questions concernant le réchauffement climatique, lutte contre la corruption, la rente, etc.
Ce qui importe le plus pour les jeunes, a-t-il estimé, c’est de faire preuve de civisme là où ils sont.
Pandémie : Augmenter le volume des investissements publics
Evoquant les propositions du PPS pour faire face aux répercussions de la pandémie du Covid-19, il a indiqué que les développements intervenus au cours de cette période ont donné raison au PPS qui a de tout temps appelé l’Etat à jouer pleinement son rôle à travers l’augmentation du volume des investissements publics pour permettre au secteur public de devenir la locomotive véritable du développement. C’est ce qui a été décidé presque partout dans le monde y compris aux Etats Unis d’Amérique, où le président Joe Biden a annoncé un plan de relance de plusieurs milliards de dollars d’investissements de l’Etat fédéral.
Pour le PPS, a-t-il expliqué, la création de la richesse n’a de valeur que pour servir à l’amélioration des conditions de vie de citoyens.
C’est pourquoi, le PPS appelle à investir davantage dans le secteur de l’éducation pour permettre à l’école publique de dispenser un enseignement de qualité ainsi que dans le secteur de la santé, pour lui permettre de jouer pleinement son rôle, au moment où le Maroc s’apprête à concrétiser le chantier de la couverture sociale universelle, une revendication du PPS, qui remonte à des décennies.
Mettre fin au système des rentes et à la corruption
Dans le cadre de ce chantier, il importe aussi de généraliser la retraite, l’octroi de l’indemnité pour perte d’emploi et de créer un revenu minimum, a-t-il encore dit, ajoutant que le parti propose aussi de créer des entreprises championnes et de consommer marocain, d’arrêter une fois pour toute le système des rentes dans tous les domaines et de lutter contre la corruption sans oublier d’investir dans le domaine environnemental et culturel.
Le PPS appelle dans ce sens à une véritable industrialisation et au développement de la digitalisation, a affirmé le SG du PPS, qui a souligné que le Maroc a en somme besoin de plus de démocratie, de libertés publiques et individuelles et de forces politiques fortes, autonomes et crédibles qui ont la capacité suffisante pour porter haut le projet social et le nouveau modèle de développement annoncé.
C’est d’ailleurs pourquoi, ces forces s’apprêtent actuellement à signer un pacte politique pour contribuer à cet élan visant à la promotion du développement du pays sur les nouvelles bases, définies dans le rapport sur le nouveau modèle de développement.