«Dieu nous a créés éternels» de Jean Zaganiaris

Vient de paraitre aux Éditions Orion

Par Mamoun Lahbabi

Après «Le périple des hommes amoureux», «Un cœur marocain» et «Adam Bofary», Jean Zaganiaris nous livre un quatrième roman nimbé de métaphysique. Ce choix ne doit rien au hasard, l’auteur étant professeur de philosophie. Mais cette fois, armé de souvenirs algiques, il fait une immersion dans une page douloureuse de sa vie, ou plus précisément de «la» vie puisque Jean Zaganiaris est avant tout un écrivain et non pas quelqu’un qui se contenterait de publier son autobiographie. Jean Zaganiaris fait de sa vie un matériau qui sert le travail d’écriture littéraire. «Dieu nous a créés éternels» est marqué par le récit à peine brouillé de la disparition d’un être cher. Le résultat est un roman sensible qui donne autant à lire qu’à réfléchir sur nos existences.

Qui a-t-il de commun entre Adam de «Adam Bofary» et Adam le personnage central de «Dieu nous a créés éternels»? Pour l’un, une coïncidence à l’enjeu dérisoire, pour l’autre le ressac du même personnage qui se déploie pour dire sa vie sous le couvert de deux apparences.

Par l’entremise de cette ubiquité, Jean Zaganiaris dévoile sans ambages que l’écrivain est ce qu’il écrit, que sa prose emprunte le détour de l’imaginaire ou s’inscrit dans le physique de la réalité. Et c’est bien cette superposition qui caractérise ce roman servant d’écrin à l’auteur pour exprimer, par le caractère d’imprimerie P., sa souffrance de la disparition d’un être nommé seulement par une initiale, non pour cacher une identité mais par une sorte de pudeur à l’égard de la mort.

Il en va de même à l’encontre de cette femme sublimée qui n’existe qu’à travers la lettre V et qui symbolise probablement un désir de futur destiné à chasser ce passé pour toujours obstrué par la finitude d’un être aimé.

La rencontre d’un médecin aimanté aussi par l’écriture et au même prénom confirme derechef la démultiplication de l’auteur qui aspire à une authenticité que refreine le besoin de toujours entretenir un jardin secret.

La vie, la mort ; le réel, l’imaginaire. En évoquant les préoccupations essentielles de l’esprit, Jean Zaganiaris nous invite à nous interroger sur le sens de la vie et les tourments qui l’agitent. Non pas en s’entêtant vainement à déterrer des réponses, mais plutôt à essayer simplement de comprendre les questions. Car il ne s’agit pas de percer le mystère de l’existence, mais seulement, comme il le dit joliment, «de passer des passions tristes aux passions joyeuses».

Le virus Omega brandi telle une menace n’est qu’un pis-aller destiné à rappeler la fragilité de la condition humaine et le tragique implacable d’une existence fatalement vouée à la finitude.

Nous ne sommes pas dans «Les cimes du désespoir» de Cioran mais bien dans une fiction accréditée autant par la vérité des sentiments que par l’engagement narratif.

Et il ne faut pas se fier à cette atmosphère qui ombre le roman en donnant à croire à un pessimisme de mauvais aloi, mais plutôt s’enrichir de cette lecture émaillée de l’apport des plus célèbres penseurs qui nous aident à comprendre ce que nous sommes, comment nous sommes, d’où nous venons et où  nous allons. Jean Zaganiaris répond timidement à cette dernière interrogation en nous ouvrant la porte de l’éternité.

Il ne pourra dès lors qu’agréer à la pensée de Kundera : «Le roman comme exploration de l’existence».

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