Le deuxième malentendu

par Mustapha Labraimi

Malgré quelques efforts prodigués pour animer le champ politique national, ce dernier reste dans une inertie remarquable.

Le congrès d’un parti politique, membre de la majorité gouvernementale, s’est réuni tel un casting ; l’important s’est cristallisé sur la nouvelle direction laissant de côté l’action menée et à promouvoir pour la modernité de la société dans le respect de son authenticité. Ni bilan ni prospective.

Un autre se trouve bloqué, faute, semble-t-il, d’un accord préalable sur les membres de la direction exécutive du parti ; alors que l’unanimité de la direction actuelle est accordée à l’actuel secrétaire général pour un nouveau mandat. La sécheresse politique sévit ! On pourrait se demander pourquoi on ne le laisse pas choisir son équipe ou laisser le libre choix aux congressistes en évitant de recourir au « jet d’assiettes ».

Sans parler des autres qui sont en standby ou risquant des propositions à toutes fins utiles.

L’engagement partisan responsable et encadré souffre de l’individualisme des acteurs politiques qui gèrent leur carrière personnelle beaucoup plus que la mise en œuvre d’un projet de société. La pression des mesures néolibérales entreprises redouble la recherche du « développement personnel » chez la très grande majorité des individus qui n’arrive pas à se retrouver dans les méandres du processus démocratique.

Il faut reconnaitre que les encartés eux-mêmes, et dans toutes les organisations, y compris celles relevant de l’associatif, sont devenus formatés aux nouvelles normes régissant l’affiliation.

Un deuxième malentendu est en train de s’ériger entre les pratiquants de l’art du possible, la politique, et les forces vives de la nation ; le premier malentendu s’étant établi après la fin du protectorat du royaume, entre certains partisdu mouvement national et le palais sur la conduite du développement à promouvoir.Il a duré une quarantaine d’années et malgré ses moments pénibles, les nostalgiques le qualifient de « azzamane al jamil ». Cette nostalgie ne peut s’expliquer que par la sincérité de l’engagement politique pour le changement démocratique, la justice sociale et l’émancipation de la personne humaine de son aliénation culturelle. Il fût un temps avec ses bonheurs et ses malheurs.

Depuis l’alternance consensuelle, beaucoup de choses ont été faites pour faire de la politique autrement que celle pratiquée au siècle dernier.Il s’en suivit un désamour, pour le moins que l’on puisse dire, qui a abouti à une séparation des corps entre le politique et la politique.

L’art du possible se consommedans le royaume sans engouement. Fort d’une majorité à tous les niveaux de la représentation électorale, le gouvernement croit fermement qu’il est dans le vrai sans trop se soucier des oppositions qu’il soulève tant au niveau institutionnel que populaire. Le corporatisme anime le mouvement social et ses coordinations s’affirment non politiques pour assurer leur légitimité en dehors des cadres organisés. Les réseaux sociaux bouillonnent alors que l’expression politique s’évapore. Les élections partielles confirment la dérive du processus démocratique par l’usage de l’argent et la misère des élites. L’alternative se construit avec enthousiasme sans pour autant poindre dans le proche avenir ; et qui vivra verra.

Le déficit politique ne nous est pas imposé par autrui. Il relève de choix et de pratiques intrinsèques à notre société dont la transformation bute sur des conservatismes reliques et dépassés. Il affaiblit l’enthousiasme populaire pour un lendemain meilleur.

A celles et ceux, forts en compétences de science politique, qui pourraient remarquer que ce déficit politique n’est pas singulier au champ politique national mais qu’il a été constaté bien avant dans toutes les « démocraties libérales », on répondra que comparaison n’est pas raison ; d’autant plus que notre société est encore à la recherche de « sa démocratie » tout en subissant les contraintes du néolibéralisme. Et si comparaison est nécessaire, il faudrait commencer à le faire pour l’ensemble des facteurs du développement humain qui déterminent le comportement politique in fine.

Notre peuple a besoin d’une dynamique politique saine et permanente pour relever les défis de l’émergence économique et du progrès social, dans le libre choix, la clarification des objectifs déterminés et surtout sans malentendus.

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