Ouverture de la 29ème édition du festival international
Par M’barek Housni
La splendeur cinéphilique a son adresse où il est possible de la rencontrer, de s’y mirer, de s’en imprégner. C’est à Tétouan, à la porte de laquelle il faut frapper chaque printemps depuis près de trente ans, lors des fameuses Rencontres du Cinéma initiées par les Amis du Cinéma puis par la fondation du festival. Ce cadre associatif, dont le nom et l’emblème sont bien choisis, réunit l’amitié, les amis et l’amour du cinéma, offrant ainsi une expérience cinéphilique esthétique à l’écran. C’est là que l’homme « écranique », tel qu’a théorisé Eric Bonnet, répond magnifiquement aux attentes de « monts et merveilles; que l’écran doit, certainement, satisfaire bien de ses espoirs et de ses rêves».
En ce qui concerne les écrans, matériellement parlant, Tétouan possède de magnifiques exemples, dans le sens artistique du terme. À commencer par celui de la salle de cinéma Teatro Español, inaugurée en 1923, avec son architecture emblématique composée d’arcades et de motifs géométriques variés, créant un jeu entre vides et pleins, surplombant une salle ouverte en demi-cercle, face à une scène illuminée qui remplit son rôle de créatrice de plaisir pour les yeux de l’âme. Il y a aussi la salle Avenida, fondée vers 1948, avec son architecture baroque, offrant un cadre confortable pour une vision qui répond à tous les goûts recherchés dans n’importe quel cinéma digne de ce nom.
Cela montre que dès le début, le cinéma dans ce festival a établi un lien étroit avec l’art sous divers aspects. Le cadre respire le théâtral, imprégnant ses créations scéniques et légitimant ainsi le septième art. Les arts plastiques sont également présents avec les créations épurées et éloquentes d’Abdelkrim Ouzzani, parsemées à travers le festival : trophées, banderoles, imprimés… Tout cet aspect visuel contribue à l’authenticité du festival, procurant un « plaisir de film » similaire à celui du texte selon Barthes.
J’ai eu le privilège de vivre cette expérience pendant vingt ans, et à chaque fois, elle se renouvelle, offrant son lot de délices doubles : redécouvrir le cinéma à travers les yeux de Tétouan et découvrir Tétouan à travers le prisme du cinéma. En trente ans, tout ce qui compte dans le septième art méditerranéen a fait escale au moins une fois dans cette ville qui porte le nom des yeux en tamazight (titaouine), qui fut autrefois la capitale khalifide et celle du protectorat espagnol, qui est andalouse, jeblie, rifaine… et un centre culturel majeur. Entre ses montagnes à la fois tendres et tenaces, on se sent intellectuellement enrichi d’un degré d’intelligence lorsque l’on participe à des activités culturelles, lorsque l’on couvre des événements cinématographiques, ou lorsque l’on écrit des poèmes, comme cela a été mon cas pendant de nombreuses années.
Une édition parfaitement consacrée
Et une fois de plus, cela se vérifie dans les moindres détails. La 29ème édition s’est ouverte ce samedi dans un faste maîtrisé, dans une salle Espagnol pleine à craquer, accueillant un parterre de personnalités influentes du monde des arts et de la culture, avec une forte présence des responsables locaux, qui ont prononcé des discours bien préparés, saluant et glorifiant Tétouan et le cinéma. Cela démontre un engagement qui mérite d’être souligné.
Un mini-concert d’une grande valeur artistique a été offert par un trio espagnol mêlant flamenco, jazz et chanson andalouse, avec saxophone, trompette, guitare et danse ! Des hommages ont également été rendus à de grandes actrices. À la Turque Vildan Atasever, qui affichait un vrai bonheur, les yeux rieurs et le visage franc, et a prononcé des mots exhortant le monde à être plus fraternel, plus humain. Elle a montré le visage d’une actrice engagée, et cela réchauffe le cœur. Et à l’Italienne Isabella Ragonese, qui s’est dite heureuse de pouvoir flâner dans les rues de Tétouan où elle a découvert un peu de sa Sicile natale.
Les films programmés sont, comme d’habitude, soigneusement sélectionnés pour offrir un large aperçu de ce qui se crée et se déroule dans le pourtour méditerranéen. Le jury est présidé par le grand cinéaste palestinien Elia Suleiman, célèbre pour son film Intervention divine.
Ça promet !