Entretien avec le vice-président de l’AMSLP

Face aux derniers développements au Proche Orient, nés de la volonté sioniste d’engager une guerre régionale, notamment par l’assassinat à Téhéran, d’Ismaïl Hanieh, président du Bureau politique du Mouvement de la résistance palestinienne Hamas, nous avons posé 3 questions au Dr Abdelhafid Oualalou, vice-président de l’Association marocaine de soutien au peuple palestinien (AMSLP), de nous éclairer sur la dramatique situation que le peuple palestinien vit et les conséquences incommensurables que l’entêtement sioniste peut provoquer, notamment l’embrasement du Proche Orient.

1 – Camarade Abdelhafid Oualalou, en votre qualité de dirigeant de premier plan de l’AMSLP, quelle analyse vous faites de la série d’assassinats perpétrés, à Téhéran et Beyrouth, par Israël contre des dirigeants du Hamas et du Hezbollah libanais ?

Tout d’abord je remercie le journal Al Bayane  pour cette  interview afin d’éclairer l’opinion publique sur la situation en Palestine occupée. Permettez-moi avant de répondre à vos questions très pertinentes qui font l’actualité internationale pour rappeler le contexte politique au moyen Orient avec sa nouvelle géopolitique marquée largement par l’agression israélienne à Gaza depuis le 8 octobre 2023 suite à l’intervention de Hamas au nord de Gaza et en plein territoire palestinien occupé.

J’aimerais vous rappeler qu’avant cette date historique, le monde était occupé par d’autres conflits en Ukraine au Soudan et dans la région du Sahel en particulier. De ce fait, la question palestinienne était marginalisée, reléguée… et même oubliée par la communauté internationale et par les Nations unies alors que le gouvernement de Netanyahu, appuyé par des petits partis d’extrême droite, continue ses provocations dans la ville d’Al Qods et ses interventions militaires en Cisjordanie occupée.

J’aimerais également rappeler aussi que pendant ce temps plusieurs pays arabes, dont le Maroc, avaient normalisé leurs relations diplomatiques avec Israël croyant que les accords d’Abraham vont contribuer à relancer le processus politique pour des négociations entre les Palestiniens et les Israéliens pour un règlement politique définitif qui était prévu par les accords d’Oslo de 1993.

Face à ces tergiversations, la réaction de l’Iran et des résistants palestiniens n’avait pas tardé pour dénoncer la politique agressive de Netanyahu depuis la formation de sa coalition gouvernementale de droite en décembre 2022 grâce à 63 voix  à la Knesset. Son premier discours était dirigé contre l’Iran qualifié d’ennemi et son objectif était de poursuivre sa politique de normalisation avec les autres pays arabes dont l’Arabie Saoudite.

S’agissant de l’assassinat du dirigeant palestinien du mouvement Hamas à Téhéran et du dirigeant militaire de Hizbollah à Beyrouth, il faudra dire que ces crimes israéliens contre des leaders politiques et militaires ont été unanimement condamnés par la majorité des pays arabes en plus de la Russie et de la Chine comme nous les avons condamné au Maroc par notre association marocaine de soutien à la lutte palestinienne et par les partis politiques dont le PPS ainsi que d’autres associations nationales. Je pense que ces crimes israéliens sont le fait d’un échec flagrant de la politique de Netanyahu qui avait fixé comme objectif, depuis le 8 octobre dernier, d’éradiquer Hamas, de détruire la bande de Gaza et de libérer les otages israéliens par la force et non par des négociations afin d’échapper aux poursuites judiciaires dont il est l’objet, une fois l’agression à gaza finie.

Ces crimes ont été commis après le discours de Netanyahu au congrès américain qui avait applaudi son génocide contre les populations civiles à Gaza dont le bilan de plusieurs dizaines de milliers de morts et de blessés est connu par tous. Sans oublier, tout dernièrement, le vote de la Knesset de la loi de NON reconnaissance de l’Etat palestinien.

Tous les pays de la région comme les Nations Unies craignent l’élargissement du conflit et de la tension à d’autres zones surtout au sud de Liban, en Irak, en Syrie et même au Yémen après les appels et menaces de riposte forte contre Israël exprimés, suite à ces assassinats, par l’Iran et par le Hizbollah sans oublier les mouvements de la résistance palestinienne.

2 – Malgré les nombreuses et imposantes manifestations contre la guerre sioniste à Gaza et en soutien au people palestinien sont régulièrement organisées, notamment en Europe et en Amérique. Il est clair que les Occidentaux ont choisi le camp d’Israël et abandonnent le soutien au droit international.

Comment faire changer aujourd’hui, concrètement et efficacement, l’approche des Occidentaux sur la question palestinienne et faire valoir le droit international au sein de l’ONU ?

Nous avons assisté, après le déclenchement de l’agression israélienne contre Gaza et ses crimes contre l’humanité, à une barbarie sans précédent. La majorité des victimes de l’armée israélienne sont des enfants, des  femmes, des personnes âgées et même des journalistes et personnel soignant des ONG internationales. Le monde a assisté aux énormes destructions des hôpitaux, écoles, mosquée et même des camps de réfugiés palestiniens. Ces massacres ont provoqué la colère partout dans le monde et surtout en Occident, notamment dans les grandes villes, tout particulièrement dans les universités américaines et européennes pour exiger la fin de l’agression sioniste et revendiquer la liberté pour la Palestine. La mobilisation de l’opinion publique occidentale nous rappelle la guerre au Vietnam – et même en Afghanistan- qui avait poussé les militaires américains à arrêter leur guerre  après leur défaite cuisante.

Le constat aujourd’hui est que nous assistons à un soutien sans condition et sans précédent des USA et de l’Europe à Israël par la livraison des armes et logistiques, politique et diplomatique, à côté de l’utilisation du droit de veto américain au Conseil de sécurité contre tous les projets de résolution pour mettre fin à l’agression à Gaza et l’acheminement de l’aide humanitaire à la population palestinienne menacée pat la famine et les épidémies.

Il faudra également souligner le soutien des médias occidentaux et milieux sionistes dans le monde à l’agression commise par Tsahal qui ont démontre leur vrai visage et discours hypocrite sur le respect des droits humains et du droit international et humanitaire. L’incapacité des Nations Unies et leurs institutions et mécanismes dont le Conseil de sécurité était visible et sans fard devant les discours haineux des israéliens et leurs allies occidentaux qui qualifient la résistance palestinienne de mouvement terroriste et même les organisations dépendantes des Nations Unies comme l’Unesco et l’Unrwa qualifiés de pro Hamas…

Heureusement, les deux cours internationales de justice et pénale ont rendu leurs jugements historiques condamnant Israël et  exigeant la fin de son agression et réclamant l’expulsion des colons de la Cisjordanie en qualifiant l’occupation israélienne d’illégale et contre la légalité internationale et les résolutions onusiennes .Et malgré ces jugements, Israël, considéré comme État hors la loi et refusant toute tentative de paix et toute solution des deux États, continue ses massacres et ses crimes contre l’humanité, en toute impunité.

3- Face aux agissements de l’État sioniste à Gaza, qui ne relèvent pas de « l’autodéfense » mais d’une guerre de génocide, faudra-t-il que les pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël, annoncent en chœur la suspension de ces relations et leur soumission à une véritable paix des braves ?

Devant cette impunité et cet entêtement du gouvernement Netanyahu à ignorer tous les appels à mettre fin à son agression, il serait temps de revoir tous les accords de normalisation signés par certains pays arabes dont le Maroc qui avait cru qu’une normalisation allait ouvrir des perspectives d’avenir pour mettre fin à l’occupation israélienne et permettre des avancées pour la solution politique des deux États, la seule solution revendiquée par lOLP et l’autorité palestinienne et par la majorité des pays membres des Nations unies qui, en plus, reconnaissent l’Etat palestinien. Nous sommes convaincus que sans cette solution politique durable répondant aux résolutions des Nations unies, il serait impossible de croire à la paix et à la sécurité au Moyen Orient.

4 – Le peuple marocain est connu pour son soutien inconditionnel à la cause palestinienne. Mais les divisions visibles au sein des formations politiques composant l’Association marocaine de soutien à la lutte palestinienne, réduisent le fort impact solidaire et unitaire sur cette cause pourtant marocaine.

A votre avis, y a-t-il un espoir de faire disparaitre la « politique politicienne qui tend à exploiter la cause palestinienne comme une courroie de transmission politique ?

Il faudra rappeler que notre soutien inconditionnel à la cause palestinienne est  connu partout dans le monde.

Au Maroc nous considérons, depuis les années 80 du sicle dernier, que la question palestinienne est une question nationale au même titre que notre question de l’intégrité territoriale et du Sahara marocain. Nous avons toujours refusé d’intervenir dans les affaires internes palestiniennes par respect de l’indépendance et de l’autonomie de décisions et de leurs choix politiques comme nous avons toujours condamné tout amalgame artificiel que font certains entre la question palestinienne et la marocanité de notre Sahara.

Je dois rappeler que l’Association marocaine de soutien à la lutte palestinienne a été créée en 1968 par des personnalités politiques et syndicalistes de  l’époque représentant des partis politiques dont l’Istiqlal, l’UNFP – l’USFP d’aujourd’hui – , le PLS – actuel PPS –  et du syndicat UMT.

L’AMSLP est un cadre ouvert à toutes les sensibilités nationales et exprime, jusqu’à présent, l’unanimité nationale sur cette question palestinienne en organisant des activités de solidarité, des marches populaires et des collectes de dons et médicaments à envoyer à la Croix rouge palestinienne. De même SM le Roi Mohamed Vl, président du Comité Al Qods, ne cesse de soutenir effectivement le peuple palestinien et les populations de la ville Sainte Al Qods, à travers les projets et les activités initiées par l’agence Bayt Mal Al Qods depuis 25 ans.

Notre association est connue par sa cohésion entre ses composantes politiques et syndicales et par  l’adhésion de ses organisations des jeunes et femmes. Elle coordonne ses activités de solidarité avec d’autres ONG nationales dans  plusieurs villes marocaines .

Nous sommes fiers de cette association qui a pu résister et continuer sa mission noble que les fondateurs nous ont confiée. En outre l’association est très connue et estimée par toutes les composantes du mouvement palestinien,  par l’autorité palestinienne avec  lesquels nous entretenons des relations d’amitié et de respect mutuel.