Conférence-débat organisée par le Forum des Économistes du Progrès (FEP)
-Par Jamal Eddine Felhi
« Le projet de loi de finances 2025 à l’épreuve des défis économiques et sociaux du Maroc », tel a été le thème de la conférence-débat organisée par le Forum des Économistes du Progrès (FEP), lundi au siège du Parti du Progrès et du Socialisme à Rabat. Une rencontre qui a réuni les professeurs universitaires et acteurs politiques, Abdeslam Seddiki, Salah Grine, El Hassan Lachgar, Abdellah Bouanou et Mohammed Benmoussa, qui ont, tour à tour, exprimé de vives critiques à l’égard du PLF, un projet, selon eux, qui présente des insuffisances similaires à celles des précédents budgets présentés par le gouvernement actuel, dont aucun représentant des partis composant sa majorité n’a jugé opportun de prendre part à ce débat.
Abordant, la réforme de l’IGR telle que prévue dans le PLF 2025, M. Grine, professeur universitaire et membre du Comité directeur du FEP, a mis en avant les limites de la réforme de l’IGR, estimant qu’elle ne parviendra pas à améliorer significativement le pouvoir d’achat ni l’emploi des jeunes. Et ce bien que le PLF propose d’exonérer d’impôt les revenus salariaux inférieurs à 6.000 dirhams mensuels et certains salaires plafonnés pour les jeunes recrues, car les jeunes non diplômés perçoivent souvent des salaires proches du SMIG et les diplômés, parmi eux, débutent généralement avec environ 6.000 dirhams.
Lors de ce débat modéré par le journaliste et producteur média Karim Hadri, d’autres critiques ont concerné la retenue à la source de l’impôt sur les revenus fonciers et l’introduction de nouvelles fiscalités. M. Grine a surtout regretté la complexification accrue du système fiscal marocain, ce qui va à l’encontre des objectifs de simplification annoncés en 2019 lors du symposium sur la fiscalité, qui avait appelé à la création d’un Conseil national des prélèvements obligatoires – toujours en attente de mise en place.
De son côté, Abdellah Bouanou, président du Groupe parlementaire du Parti de la Justice et du Développement (PJD) à la Chambre des représentants, a dénoncé l’abandon par le gouvernement, à travers le PLF 2025, des priorités importantes, telles que celles relatives aux problématiques de l’eau, de l’emploi, des régimes de retraite ainsi que celles relatives aux entreprises et établissements publics, dont certains sont au bord de la faillite ou souffrent d’une mauvaise gouvernance, estimant que les réformes mises en œuvre restent purement techniques et manquent d’une dimension structurelle.
Quant à El Hassan Lachgar, vice-président du groupe parlementaire de l’Union socialiste des Forces Populaire (USFP) à la Chambre des représentants, il a critiqué la violation par le gouvernement des procédures et règlements dans la présentation du PLF à la Chambre des représentants, reprochant aux ministres d’imposer leurs procédures et agendas aux députés en plus de leurs attaques contre les institutions de la gouvernance dès que celles-ci formulent des observations.
Le parlementaire a également regretté le sort qui a été réservé aux recommandations du Nouveau modèle de développement par l’exécutif et son incapacité à le mettre en œuvre.
Le PLF 2025 reflète les choix néolibéraux du gouvernement
Pour Abdeslam Seddiki, professeur universitaire et membre du bureau politique du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), le budget est plus qu’une série de chiffres : c’est un reflet des choix politiques et des orientations de gouvernance.
Il déplore ainsi l’absence de volonté de relancer le processus démocratique et critique les atteintes aux droits de l’opposition au sein du Parlement, ainsi que les menaces potentielles pour la démocratie. Et d’enchaîner qu’il ne faudrait pas s’attendre à un miracle de la part d’un gouvernement qui représente les intérêts du grand capital.
Abondant dans le même sens, Mohammed Benmoussa, professeur universitaire et président du FEP, qui a rappelé que l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption ne s’est pas réunie depuis 3 ans, faute d’être convoquée par le chef du gouvernement qui en est aussi le président, a estimé que le PLF 2025 reflète une certaine orientation néolibérale fondée sur une idée fausse, à savoir « la théorie du ruissellement ». Il a ainsi relevé que le projet gouvernemental comprend certes quelques points positifs (poursuite de l’investissement dans les infrastructures, du chantier social, des autoroutes de l’eau, et des énergies renouvelables), mais aussi de très nombreux points négatifs. D’autant, selon lui, que le gouvernement manque de volonté d’y pallier et de remédier à ses échecs, notamment en ce qui concerne l’amélioration du taux de croissance, les questions de l’emploi, la lutte contre la pauvreté, et l’élargissement de la classe moyenne.
Concernant la question de l’emploi, les intervenants se sont arrêté, par ailleurs, sur plusieurs lacunes, notamment l’échec des différents programmes mis en place à ce jour comme Forsa et Awrach.
Évoquant les observations de l’OIT, qui attribue à 80 % la question de l’emploi aux politiques macroéconomiques, 10 % aux politiques publiques et 10 % à la législation du travail, M. Seddiki, qui était ministre en charge de ce département, a souligné que les collectivités locales et territoriales ont elles aussi un rôle majeur à jouer dans la création d’emplois.
Quant à M. Lachgar, il a estimé que l’absence de crédibilité du gouvernement en plus de la complexité de la fiscalité et de l’asphyxie des petites entreprises ne sont pas de nature à promouvoir l’investissement et, partant, la création de l’emploi. Un constat que partage M. Benmoussa qui estime que la faiblesse de la confiance explique, entre autres, la modestie des taux de croissance économique réalisés, soulignant, par ailleurs, la nécessité de créer une institution qui veille aux programmes relatifs à l’emploi.
De son côté, Khadija Rabbah de l’Association démocratique des femmes du Maroc, a critiqué le manque de justice sociale et d’égalité dans le PLF 2025, notamment en ce qui concerne l’accès des femmes à la santé, à l’éducation, à l’emploi et la question du renforcement des capacités économiques et sociales des femmes.
Régissant aux interventions des participants, l’assistance a aussi souligné la faiblesse des budgets alloués à des secteurs cruciaux comme la recherche scientifique, la culture, et le développement du monde rural, un facteur susceptible d’aggraver encore plus les disparités territoriales, l’exode rural et l’émigration.