Au bord de l’oued Oum er Rbia en détresse, devant des remparts recouverts de ronces, la dixième session du festival Malhouniyate s’est tenue à Azemmour.
Malgré l’exiguïté relative de la place Abraham Moulnis, elle a pu contenir une population qui s’est présentée en nombre, en famille et en groupes durant les trois nuits du festival.
C’est vrai que le contexte impose le besoin nécessaire de se retrouver en dehors des contraintes du quotidien.
L’impact des prix qui s’envolent, celui de la chaleur estivale qui est exceptionnelle par rapport à la normale ; les conséquences du mutisme et de l’inanité du gouvernement envers les préoccupations du peuple et l’approfondissement des inégalités sociales font assombrir l’horizon et sapent le moral des ménages.
S’ajoute à cela, la situation désespérée dans laquelle se trouve la ville, abandonnée à sa dérive vers la paupérisation et la nécrose du patrimoine urbain. L’interpellation des élus locaux n’a fait que confirmer l’absence d’une vision pour la ville et révèle les chamailleries d’une majorité constituée, beaucoup plus, pour la structuration administrative du conseil municipal et la répartition des tâches entre ses membres que pour gérer convenablement les problèmes qu’affrontent la ville et ses occupants.
À croire que l’exemple de l’action gouvernementale à l’échelle nationale a ses adeptes au niveau de la municipalité. L’égarement de « la voie de la confiance » est patent ; du local au national.
C’est donc dans cet art de la parole populaire que la population va chercher son confort momentané. Des paroles, un rythme et une voix font que le malhoun, la parole populaire chantée, reste un patrimoine qui se renouvelle dans la mémoire du peuple marocain. Paroles, joyaux sertis, dans des rythmes qui bercent et qui emportent l’imaginaire du passé glorieux au présent vécu, et vers un avenir espéré.
Dans la chaleur de la nuit, le malhoun est déclamé à travers toutes ses formes, de l’évocation soufie à la sensualité. La prestation d’ouverture est réservée à qui de droit, l’homme au gembri qui a assuré la renaissance du malhoun dans la cité.
Chanter la ville, son histoire et son patrimoine suscite les rappels par des youyous stridents et les applaudissements. Ces voix de jeunes qui, parallèlement à la soutenance d’un master ou à des études en médecine en cours, se sont consacrées à se faire entendre et à frayer leurs chemins d’artiste par, et pour, le malhoun ne sont pas seules. D’autres après elles, sont venus enrichir le répertoire. Tous issus d’une école, dont le bâtiment censé l’abriter, reste clos depuis fort longtemps (!?) ; et que tous les participants ont formulé l’espoir de la voir ouverte pour le prochain festival.
L’activité culturelle, faut-il le rappeler, n’est pas seulement un loisir et/ou un moment de plaisir. Elle est nécessaire ; car elle constitue l’assise de nos facultés à acquérir des comportements qui nous intègrent dans la société. La crise des moyens de culture (l’éducation et la formation, le savoir scientifique et technologique, la pratique des arts et l’exercice de la démocratie…) dans notre beau pays et la question existentialiste de sa jeunesse devraient inciter à l’adoption d’une politique publique de la culture plus audacieuse.
Le processus démocratique en cours, malgré son aspect méandriforme, devra promouvoir son aspect culturel pour « permettre l’accès du plus grand nombre aux œuvres les plus précieuses de l’humanité. ». Dans le respect des constantes fondamentales de la nation, l’ouverture festive et intellectuelle ne peut que raffermir l’identité nationale, et permettre particulièrement aux couches populaires de consolider leur « engagement séculaire en faveur du dialogue des civilisations, de la tolérance et de la modération ».
En plus de l’action des organisations institutionnelles chaperonnées par l’autorité territoriale, le renforcement des associations locales de la société civile dans le domaine culturel requiert leur accès au financement et l’encouragement de leurs initiatives. Il s’agit de « promouvoir les émergences, les innovations et les propositions émanant de tous les acteurs du champ culturel. Mais également de structurer ce champ culturel autour d’une proposition centrale forte, qui (re)fait de la culture un service public d’importance, au même titre que la santé et l’éducation. » comme le souligne le Nouvel Modèle de Développement proposé.
Le malhoun est aussi de la poésie qui peut être interprétée en politique pour s’adresser aux gouvernants s’ils peuvent comprendre la détresse de l’appel :
زدتي قلبي نيران
وانت هايم ما جبت لي اخبار
قلبك حين شيان
ارجع قطران حليبو