Moscou et New-Delhi consolident leurs relations

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

N’ayant assisté ni au sommet du G20 à Rome en Italie, ni à celui de la COP26 à Glasgow en Ecosse, pour son deuxième déplacement hors de Russie depuis le début de la pandémie et après sa rencontre avec Joe Biden, en Juin, à Genève, le président Russe Vladimir Poutine a été à New-Delhi, ce lundi 6 décembre, afin d’y rencontrer le Premier ministre indien Narendra Modi dans le cadre du  21ème sommet annuel Inde-Russie ; une initiative qui avait été lancée, en 2000, par l’ancien Premier ministre indien Atal Bihari Vajpayee.

Bien que n’ayant duré que cinq heures, la visite-éclair effectuée dans la capitale indienne par le président russe a constitué une étape importante dans la consolidation des relations russo-indiennes puisque le Premier ministre indien avait noué des liens très étroits avec l’ancien président américain Donald Trump et qu’il a continué de le faire avec son successeur alors que la région est soumise à d’importants bouleversements géo-stratégiques.

Au cours de cette rencontre qui n’a pas débouché sur de grands contrats militaires puisque l’essentiel avait déjà été fait, les deux pays ont conclu un accord pour la fabrication, en Inde, dans l’Uttar Pradesh, de 600.000 fusils d’assaut russes AK-203 et reconduit, pour une nouvelle période de dix années, celui concernant la coopération militaro-technique. Pour le reste, il y a lieu de rappeler que l’Inde avait déjà acheté, en 2018 et pour 5,5 milliards de dollars, des S-400 russes, un système de défense aérien à longue portée dont la livraison est en cours et qui, du fait des menaces supposées venir du Pakistan et de la Chine, sont en train d’être déployés à proximité de la frontière occidentale de l’Inde. 

Ainsi, en dépit des intimidations de Washington qui, en vertu de la loi américaine « Countering America’s Adversaries Through Sanction Act », sanctionne les achats d’armements russes effectués par des pays ou des entités, New Delhi a maintenu ce contrat en arguant qu’il s’agit d’une « décision souveraine » ; ce qui fera dire au chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov : « Nous avons assisté à des tentatives de la part des Etats-Unis de saper cette coopération et d’obliger l’Inde à obéir aux ordres américains et à suivre la vision américaine de la manière avec laquelle cette région devrait être développée. Nos amis indiens ont clairement et fermement expliqué qu’ils sont un pays souverain et qu’ils décideront des armes qu’ils achèteront et de qui sera un partenaire de l’Inde dans ce domaine et dans bien d’autres ».

Premier fournisseur d’armes pour l’Inde puisque près des 2/3 des armes achetées par New Delhi proviennent de Russie, Moscou voit d’un très mauvais œil aussi le bien le fait que cette dernière essaie de diversifier son portefeuille commercial en matière d’armement que le désir bien affiché de Washington de faire de l’Inde, qui est un partenaire historique de Moscou, un pivot dans sa stratégie face à Pékin.

Pour rappel, pendant la « guerre froide », l’Inde était très proche de l’Union Soviétique et cette relation qui perdure encore aujourd’hui entre New Delhi et Moscou et qui est qualifiée par l’Inde de « partenariat stratégique spécial et privilégié », avait incité le premier ministre indien Narendra Modi à dire à Vladimir Poutine, lors de leur sommet virtuel de septembre dernier, que « l’amitié entre l’Inde et la Russie a résisté à l’épreuve du temps ».

Aussi, est-il clair que la visite effectuée, par Poutine, ce lundi, à New Delhi, avait pour objectif la consolidation des liens unissant l’Inde et la Russie en ce moment où, pour parer à la montée en puissance de la Chine dans la région, les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie ont instauré le QUAD, ce dialogue quadrilatéral sur la sécurité appelé à défendre « l’Etat de droit, la liberté de navigation et de survol, la résolution pacifique des conflits, les valeurs démocratiques et l’intégrité territoriale des Etats » et dans le cadre duquel, les pays-membres se sont engagés à « promouvoir un ordre libre, ouvert, basé sur des règles, ancré dans le droit international et non soumis à la coercition, pour renforcer la sécurité de la zone indo-pacifique ».

Au vu de tout cela, il semblerait donc que le « partenariat stratégique spécial et privilégié » qui lie Moscou à New Delhi a encore de beaux jours devant lui en dépit de l’existence du QUAD mais attendons pour voir…

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