Après deux semaines d’attente lassante des résultats de la Présidentielle du 07 octobre, le Conseil constitutionnel camerounais a proclamé lundi dernier les résultats définitifs du scrutin à un seul tour.
Le président sortant, Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, a obtenu 71,28% des voix contre 14,23% pour Maurice Kamto, érigé comme l’icône du changement dans le pays parmi les 8 candidats de l’opposition. Il entame ainsi un 7e mandat, dans un climat politique délétère, un pays morcelé par des tensions virulentes principalement dans les zones anglophones du pays depuis déjà plus de deux ans, l’insécurité dans la partie Nord du pays, la grogne et le ras-le-bol de la population…
Si l’opposition a donné cette fois du fil à retordre au parti au pouvoir, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), dont est issu Paul Biya, notamment le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) du candidat Maurice Kamto, principal adversaire du président élu, les résultats proclamés lundi dernier sont loin de surprendre. Après le rejet par la Cour constitutionnelle des 18 recours postélectoraux de l’opposition en fin de semaine dernière, les cas de fraude massive avérés dans plusieurs bureaux de vote et même au sein d’Elecam, organe en charge des élections, des Procès-verbaux truqués et falsifiés dénoncés par plusieurs partis de l’opposition…tout laissait présager que le candidat traditionnel du RDPC briguerait son 7e mandat consécutif. Selon les résultats officiels d’Elecam, il arrive en tête dans les 9 des 10 régions du pays, même dans les régions anglophones en froid avec le pouvoir en place et où le taux de participation au Scrutin était faible.
Dans les régions de l’ Adamaoua, Centre et Est, il fait carton plein en y obtenant respectivement 79,77%, 71,10% et 90,43%. Dans le Sud, région dont il est originaire, il fait un sans faute, en obtenant 92,91% des suffrages. Toutefois, dans certains régions et départements, anciens bastions du parti au pouvoir, son principal adversaire Maurice Kamtoa renversé la donne. Au Littoral, il se classe en tête, notamment à Douala, capitale économique du pays, avec 38,60% des voix, suivi en seconde position par le RDPC (35,75%). Le candidat du parti L’Univers, Cabral Libii, y décroche pour sa part 12,79% des voix.
Après cette «débâcle» de l’opposition, plusieurs ont décrié l’échec des partis opposants à avoir constitué une coalition et s’être présentés en rangs dispersés.
L’opposition persiste et signe
Après l’annonce des résultats de la Présidentielle, qui l’ont donné vainqueur, le président sortant ne s’est pas exprimé en public, pour célébrer sa victoire. Ce n’est que sur Twitter où il avait précédemment annoncé sa candidature pour la Présidentielle de 2018, que Paul Biya s’est adressé aux Camerounais, en quelques mots, les «remerciant» de lui avoir renouvelé leur confiance. En journée, ce sont plutôt les membres du Bureau Politique du parti, qui sont apparus ça et là sur les plateaux télévisés … pour célébrer la victoire du RDPC.
Du côté de l’opposition, c’est surtout le candidat du MRC qui s’est démarqué par ses interventions sur les chaines internationales, notamment France 24 où il a contesté catégoriquement les résultats du Conseil Constitutionnel. Le candidat, qui s’était proclamé plus tôt vainqueur au lendemain du scrutin «Je ne peux pas reconnaitre les résultats qui proclament vainqueur celui qui n’a pas été élu. Personne ne peut attendre de moi une autre réponse que celle-ci. J’aurais l’air d’une personne pas sérieuse si je venais à admettre maintenant que oui effectivement c’est lui le vainqueur», a-t-il déclaré sur la chaine française. Selon des chiffres proclamés par Maurice Kamto et qui seraient plutôt les vrais procès verbaux d’Elecam sur les élections, le candidat du MRC aurait obtenu 39,74% contre 38,47% pour le RDPC.
Les militants de l’Ancien ministre délégué de la Justice, le principal candidat de l’opposition, qui a pris la vedette sur l’opposant d’antan John FruNdi, du Social Democratic Front (SDF), jugent irrecevables ces résultats. D’ailleurs, des marches de contestation ont été organisées par les Camerounais de la diaspora, pour contester les résultats. Dans le pays, plusieurs marches étaient prévues, le jour de la proclamation des résultats.
A part les félicitations anticipées du président équato-guinéen à son homologue camerounais, avant la proclamation des résultats de lundi, aucune félicitation des instances internationales, chefs d’Etats… n’a été adressée au président élu, au cours des heures qui ont suivi son élection. Dans un communiqué, le secrétaire des Nations-Unies, Antonio Guterres, a plutôt indiqué avoir «pris note» des résultats de la Présidentielle et appelé à ce qu’en cas de revendications, que celles-ci suivent la «voie légale». Il a réaffirmé «son encouragement à toutes les parties prenantes à privilégier le dialogue qui est le meilleur chemin vers la cohésion social été l’unité nationale».
Danielle Engolo