Youssef En-Nesyri, le travailleur de l’ombre mal-compris

Par Ali Refouh- MAP

 Le Lion de l’Atlas Youssef En-Nesyri est un attaquant pas comme les autres : bon finisseur notamment de la tête, il excelle dans le pressing et la récupération, deux tâches plutôt défensives, ce qui en fait essentiellement un travailleur de l’ombre reconnu à sa juste valeur par les fins connaisseurs du football, mais mal-compris par les néophytes.
Svelte et mesurant 1 mètre 89, le natif de Fès (1er juin 1997) est un véritable athlète de sauts en hauteur, d’où ses buts mémorables défiant la gravité, mais également de course de fond capable de courir des kilomètres sur le terrain, ce qui en fait un joueur prisé par les entraîneurs optant pour un bloc solide défensivement, mais en quête d’inspiration devant… comme Walid Regragui.
D’ailleurs, le sélectionneur national a été critiqué par une partie de l’opinion publique sur plusieurs de ses choix, notamment la convocation d’En-Nesyri, jugé « inefficace » par ses détracteurs, d’autant plus qu’il revenait d’une blessure et d’une infection au Covid et passait par une période de doute.
En effet, En-Nesyri a souffert cette saison : Il n’a pas retrouvé sa place de titulaire à Séville et n’avait signé que deux buts en compétition, en Ligue des champions, l’un pour l’honneur au Borussia Dortmund (4-1) et l’autre contre le FC Copenhague (3-0). En somme, il a participé à dix matches de Liga espagnole sans marquer.
Défendant alors son choix, Regragui avait produit un discours sentimental sur le soutien de « l’enfant du pays » qui « représente l’avenir », mais a été trahi par une phrase qui, à l’époque, dévoilait à peine ses intentions tactiques, et qui a livré tous ses secrets pendant le Mondial : « Je ne m’intéresse pas au nombre de buts qu’il a marqués, car il y a des choses plus importantes que les buts et En-Nesyri remplit cette condition ».
C’est donc dans une optique de réalisme footballistique que Regragui a insisté sur la présence de ce pur produit de l’Académie Mohammed VI, qui a fait ses débuts au Moghreb de Fès, et ce dernier s’est bien intégré dans cette vision, en devenant le premier rempart de l’équipe du Maroc et l’élément perturbateur qui se charge de rappeler à l’adversaire ses devoirs défensifs et l’empêcher de jeter tous ses éléments dans la bataille, voire mettre la pression et pousser ses vis-à-vis à l’erreur.
On a vu, ainsi, comment En-Nesyri a contribué à l’ouverture du score face au Canada, en forçant le gardien Milan Borjan a dégager en catastrophe, avant de se faire tromper par Hakim Hakim Ziyech.
On l’a vu, aussi, parcourir inlassablement des kilomètres sur la pelouse, tout au long des « frontières » du bloc marocain, faisant montre d’une générosité et d’un dévouement pour le groupe du moins admirables, sans oublier ses buts mémorables contre le Canada (le 2ème), en prenant de court deux défenseurs et le portier, et -surtout- face au Portugal (1-0) sur un saut incroyable qui a valu aux Lions de l’Atlas une qualification historique aux demi-finales du Mondial.
Sur ce dernier but, En-Nesyri n’en n’était pas à son premier coup : lors de la Coupe du monde 2018 en Russie, alors que le Maroc affronte l’Espagne, il défie la gravité et marque d’un coup de tête sur un corner, quelques minutes après son entrée sur le terrain et permet au Maroc de tenir en échec sur le score de 2-2 la Roja.
Ce beau parcours lui a valu, jusqu’à présent, quelque records : il devient le premier marocain à marquer lors de deux éditions consécutives du Mondial et le meilleur buteur de l’histoire du Maroc en Coupe du monde, avec trois réalisations, en 2018 et 2022, devançant Abderrazak Khairi (2 buts en 1986), Salaheddine Bassir et Abdeljalil Hadda (2 buts en 1998).
Mais le plus important, est que ce Mondial sera un nouveau départ pour ce joueur bosseur, qui a entamé sa carrière professionnelle au Málaga CF (Espagne) en 2016, avant de rejoindre CD Leganés, deux saisons plus tard, puis le FC Séville en 2020, avec lequel il remporte la Ligue Europa la même année.
Reste que jauger En-Nesyri uniquement sur ses buts serait injuste et viderait de sens tous ses sacrifices sur le terrain en faveur du groupe. Heureusement pour lui, le schéma tactique gagnant de Regragui l’a propulsé au devant de la scène et commence à forcer l’admiration pour le rôle de cheville ouvrière qu’il assume avec brio.

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