«Contes de l’ogre Amẓa et autres contes berbères inédits» de Hassan Benamara

Vient de paraître

Hassan Benamara est professeur de linguistique française à l’Université Mohamed I, à Oujda.

Il vient de publier aux Editons Achab (Alger, 2020) un recueil de contes amazighe intitule «Contes de l’ogre Amẓa et autres contes berbères inédits». L’ouvrage est préfacé par le chercheur amazighe Mohand Akli Salhi, spécialiste en littérature amazighe.

A son actif plusieurs publications et articles (certains sont publiés dans la revue Tifinagh) sur la littérature, la langue et la culture amazighe dont un «Dictionnaire amazighe-français». Parler de Figuig et ses régions, édité par l’Institut Royal de la Culture Amazighe (2013).

L’ouvrage est une contribution majeure dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine littéraire oral amazighe.

Entretien avec Hassane Benamara

«J’espère que les Nord-africains se réconcilieront avec leur culture profonde»

Propos recueillis par  Moha Moukhlis

Vous venez de publier un recueil de contes amazighes, parlez-nous de sa genèse?

Hassane Benamara : Le livre est né dans des conditions un peu particulières. Il vient de sortir juste après le livre intitulé Proverbes, devinettes et expressions figées berbères (parujuin 2020) chez l’Harmattan. J’ai déjà, de par le passé, travaillé sur le conte berbère de la région de Figuig et j’ai publié en 2006 des contes Tanfust(Ministère de la Culture et IRCAM), en 2011 chez Harry Stroomer (BerberStudies N°34), chez Achab en 2013, et dans un livre collectif paru chez l’Harmattan en 2014 (8 contes). Dernièrement, je travaillais, et je travaille encore, sur la mythologie berbère dans sa réalisation figuiguienne. J’en découvre des merveilles insoupçonnées ! Curieusement, au cri de désespoir de certains anthropologues, de certains archéologues, et mythologues (Jean Loïc Lequellec par exemple) et même de certains historiens quant à l’inexistence d’une mythologie berbère, il faut répondre que rien n’est tout à fait perdu. Si l’écrit n’a pas fait son travail, nous pouvons nous en passer et interroger d’autres formes de conservation et de transmission d’une culture et d’un patrimoine.

Dans mon travail sur la mythologie, j’ai donc constitué un grand corpus de récitsque j’ai recueillissur le terrain à Figuig et à Ich. Ils sont essentiellement peuplés d’ogreset de géants. J’avais l’idée de les mettre en annexe à ce travail sur la mythologie mais, comme ils sont très nombreux, l’idée m’est venue d’en faire un livre à part et j’ai demandé à Achab si cela l’intéressait. La réponse était positive et elle ne s’est pas faite attendre. Mais en poursuivant ma recherche, j’ai découvert d’autres contes qui ne sont pas forcément liés aux ogres et je me suis dit qu’il faut les publier tous dans le même volume et ce livre est né ainsi. La gestation a duré quelques années !

De quoi est-il composé?

Le livre s’intitule Contes de l’ogre Amẓa et autres contes berbères inédits. Il est constitué de 148 récits de tailles allant de plusieurs pages pour les grands à un ou deux paragraphes pour les petits. Il est très volumineux (450 pages grand format, taille de police 11) et nous pensions, l’éditeur et moi, lors de sa conception en faire deux tomes mais nous avons changé d’avis par la suite. Il est préfacé par Mohand AkliSalhi, spécialiste de la littérature amazighe et professeur de littérature au Départementde Langue et Culture Amazighes à l’Université Mouloud Mammeri, Tizi-Ouzou (Algérie). On y trouve une étude sur le conte local, sur ses personnages hors du commun pour qui les montagnes ne constituent qu’un jouet d’enfant, ses spécificités… Une comparaison entre le conte de Figuig et celui de plusieurs régions berbères ou non s’y trouve aussi. J’y ai aussi comparé le conte de Figuig et celui de Kabylie (recueillis par Frobenius) aux récits des Mille et Une Nuits et je n’ai trouvé qu’un seul conte qui peut être soupçonné avoir un lien avec ces récits arabo-persans. Donc ce qui se dit sur l’influence ou le plagiat des Mille et Une Nuits n’est qu’une généralisation hâtive et simpliste dénuée de toute science ou alorsil s’agit de manipulation idéologiquement bien intentionnée. Les récits tinfas y sont présentés dans leur langue d’origine tamazight et accompagnés de leur traduction française en face ou en vis à vis ce qui peut rendre la comparaison et la compréhension de nos textestrès aisée.

Où placez-vous votre contribution?

C’est vrai, c’est une contribution ! De toutes les façons moi, je ne travaille pas dans un cadre institutionnel mais à titre individuel et par conviction car un tel travail use et nécessite une vraie conviction et un énorme investissement. Ma contribution abzarinuxse situe dans l’effort qui se déploie un peu partout dans le monde amazighe pour la sauvegarde et la valorisation d’une littérature berbère aujourd’hui ignorée même par ses propres enfants pour bien des raisons. Notre littérature est très riche et il n’est pas trop tard de la (re)travailler. Pour les jeunes auteurs, elle peut être une source d’inspiration ; ils peuvent se ressourcer dans ce travail et prendre conscience des particularités de la littérature berbère de façon générale. Comme les jeunes mamans ne savent plus narrer des contes à leur progéniture, un livre peut remédier à ce problème et garder ou rappeler aux jeunes leur patrimoine. Les jeunes qui aiment le cinéma, les animations etc. peuvent y puiser aussi… Pour les anthropologues, mythologues… c’est un vrai régal.

Quels sont vos futurs projets?

J’ai plusieurs travaux en cours d’achèvement mais celui sur lequel je travaille depuis maintenant cinq ans c’est celui de la mythologie berbère dans la région de l’Atlas Saharien (Figuig et son aire). Il s’intitule Une mythologie berbère. Les autres seront des surprises àvenir.

Un dernier mot peut être?

Je dois d’abord remercier mon cher ami Moukhlis qui m’a permis de m’exprimer sur ce journal pour sa générosité intellectuelle. Cela dit, j’espère que les Nord-africains se réconcilieront avec leur culture profonde etleur âme et cessent de s’égarer en cherchant une culture d’accueil. Il est temps quece complexe d’infériorité qui nous ravage se transforme en fierté et nous avonsvraiment de quoi être fiers !

Ssaramɣawimtuderttaẓiṛaṛt d wussaniẓiḍen s waṭṭaṣ ! Tanemmirt !

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