long poème de Mohamed Loakira, que nous proposent les jeunes et néanmoins dynamiques Editions La virgule de Tanger.
Par sa qualité globale, l’ouvrage nous dit alors qu’éditer la poésie n’est pas seulement un geste courageux mais est aussi un acte poétique en soi. La forme épouse son contenu. D’autant plus que cette fois, le plaisir est double conjuguant le lire et le voir puisque le texte poétique/scriptural est escorté d’un texte iconique, l’œuvre picturale de Bouchta Elhayani. Le regard vogue ainsi dans un imaginaire convoquant des signes multiples dans un aller-retour, libre et complémentaire puisque les deux textes sont là pour un même geste, la lecture : les tableaux, plutôt dessins, de Elyayani sont autant visibles que lisibles comme le texte de Loakira ouvre sur un univers visuel riche de couleurs, d’images et de références iconiques. Comme le dit le critique d’art Rachid Khaless dans une brillante introduction : «l’auteur et l’artiste dans leur connivence amicale, semblent exiger de nous de nouveaux critères de lisibilité. Les images ne miment pas le texte, pas plus que le poème ne dit la peinture». Exigence me semble le mot clé. C’est à un lecteur actif que s’adresse cette ouvre : les textes de Loakira, indéniablement, l’un de nos plus grands poètes toutes langues confondues, sont des appels tantôt sous forme de murmure, de confidences tantôt sous forme de cris qui viennent de loin :
«Sang, murmure, bile, rougeurs, se fondent/ J’entre en transe, et pousse un coup de gueule à la cantonade :
Dégage !
Dégage !
Dégage !»
Ou encore cet aveu qui invite le lecteur à la connivence : «maintenant/ dois-je me mentir et gober l’arrivée du printemps en plein hiver ?».
Les dessins de Elhayani scandent ce chant épique dans des séquences visuelles autonomes mais maintiennent le même registre de lisibilité. Ces corps dénudés, nostalgie d’une innocence perdue, sont comme un appel d’air pour libérer le corps enfermé dans les interrogations existentielles du poème. C’est un hymne à l’intelligence face à l’abêtissement cathodique ; à la bêtise tout court.