Le bonheur du père et des enfants dépend du bonheur de la femme

La situation de la «femme» en 2017 est-elle toujours la même ? La lutte est sûrement continue grâce à la société civile et des efforts de certains politiques. Les voies de femmes se font de plus en plus haut, mais le rythme paraît toujours lent selon la militante des droits de l’Homme, Aicha Echenna, qui voit que jusqu’à présent, la politique consacrée à la question de la femme et des difficultés de différents ordres est encore, nonobstant les efforts déployés par les médias, toujours timide. Selon la fondatrice de l’ASF, il est indispensable de travailler sur la conscience collective pour mieux asseoir l’importance de la femme dans la société mais aussi dans la politique.

Al Bayane : Pourrions-nous parler d’une évolution du discours sur la situation de la femme en 2017 ?

En toute vérité, nous pouvons remarquer une évolution qui s’opère à travers la possibilité de s’exprimer. Maintenant, les médias contribuent à démocratiser l’objet de notre lutte au sein des ménages. Et cela donne plus de chance aux mentalités des Marocains pour changer et s’adapter avec le sillage moderniste. Parce qu’en fin de compte, il serait aberrant d’opter pour un changement brusque des lois qui connaîtra un rejet de la part de la société.

Mais il serait plus acceptable et positif pour la société, que nous procédions tout d’abord par le biais de la sensibilisation car nous ne pouvons comparer à l’Occident quant aux questions qui touchent à la question du «Genre» d’un point de vue juridique. Néanmoins, il est à dire que notre position est bien meilleure que celle de plusieurs pays arabes. C’est alors que nous pouvons nous permettre d’avancer que la situation de l’appréhension des affaires touchant à la «femme» a connu une amélioration que l’on peut qualifier de «saillante».

Aicha Echenna : En parlant de sensibilisation, quelle approche vous paraît la plus adéquate?

Comme je viens de vous le dire, le rôle des médias a été très prégnant pour démocratiser la lutte quotidienne menée par les acteurs associatifs. Et d’emblée nous ne pouvons que nous réjouir de cette avancée où les médias jouent, dans ce sens, le rôle qui leur échoit. Maintenant, l’idéal serait d’octroyer aux Marocains la possibilité de s’exprimer en manifestant les raisons de leur accord ou désaccord quant aux procédures et politiques réformatrices de la situation de la «femme» au Maroc. Comme ça, on aurait procédé intelligemment et surtout, démocratiquement. Car une décision prise à l’unanimité – ou à la majorité -, ne peut être que bénéfique pour l’ensemble de la société. La communication est donc indispensable pour démocratiser le débat constructif.

Quid du débat sur l’héritage au Maroc?

Concernant la question liée à l’«héritage», c’est à la société d’y réfléchir ! Sans nul doute, nous ne nions pas que le Coran nous indique bien le chemin à prendre dans cette question de l’ « héritage ». Mais sans intention mauvaise bien sûr, il faut dire que les piliers de l’Islam sont au nombre de cinq. Ce qui laisse une certaine liberté «raisonnée» d’appréhender toutes les autres questions qui ne sont plus les mêmes au 21e siècle qu’autrefois.

De nos jours, des familles se décident à régler la procédure de l’héritage égalitairement avant le décès du père ou de la mère parce que conscientes que les « filles » en sortiront perdantes de la répartition traditionnelle ; à condition de ne pas s’aliéner de l’héritage jusqu’après le décès.

Dans le même sillage, nous ne pouvons en aucun cas, aujourd’hui, prétendre que l’homme seul puisse subvenir à tous les besoins, sans aide aucune de la femme. La société a énormément changé. Aujourd’hui, il existe des femmes plus responsables financièrement parlant que les hommes, et qui gèrent des ménages, où l’homme est parfois absent ou en chômage. Sans parler des femmes qui, même mariées, prennent continûment en charge leurs parents.

Nous pouvons donc garder la «Chariaa» comme socle, mais parallèlement, une approche juridique basée sur le consensus et le raisonnement logique serait d’une grande utilité pour trouver une issue favorable au contexte actuel.

Les efforts déployés à l’égard de la femme citadine demeurent plus importantes que celles dont bénéficie la femme rurale? Qu’en pensez-vous?

Tout d’abord, nous devons partir du constat que l’Etat marocain est dans la position de « parents » par rapport à ses citoyens. Il faudra donc qu’il agisse naturellement avec égalité et équité dans tout le territoire et n’écarter aucune de ses partie des politiques adoptées. Dans ce sens, où est-ce que nous en sommes de l’Education, le rôle des ministères de la Famille et celui de la Santé dans les zones rurales !

Il est impératif aussi d’encourager l’«éducation sexuelle» pour éviter le pire à nos jeunes, mais également aux adultes ; cela permettra de conscientiser les gens de l’importance de limiter les naissances quand les moyens manquent.

Mais il ne faut pas nier que l’Etat a octroyé une liberté plus large aux médias pour faire sortir de l’obscurité à la lumière quelques réalités amères dont sont victimes les femmes. Aussi, l’Etat a rendu accessible aux patelins la radio et la télévision, moyens indispensables pour s’acclimater avec les rouages politiques et sociaux du pays qui est aussi le leur, parce qu’ils en font bel et bien partie. Chose qui leur permettra d’avoir connaissance des droits dont ils devraient jouir.

Qu’en est-il de la place de la femme marocaine dans la politique?

Je pense qu’avant de n’exercer la politique, il faudra y avoir été préalablement éduqué. Parce que quand tu deviens « politique », la responsabilité se voit doublée voire triplée. Dès lors, l’agissement ne se fait plus en fonction de l’individu que tu es ou de l’intérêt des tiens, mais en fonction de l’intérêt général. Au jour d’aujourd’hui, je ne vois pas de signes tangibles pour louer une politique saine, exercée par des politiciens imbus de la grandeur de la tâche qui leur échoit. Quant à la participation de la femme en politique, l’on est malheureusement toujours à un taux de participation féminine très timide. Il faudra pallier ce problème tout en œuvrant pleinement à repenser les conditions nécessaires pour accéder à la chose politique et avant de ne représenter une société qui est en réel besoin d’assistance, notamment sur le plan de la Famille dont la femme est l’élément clef, entres autres, de l’édifice social.

Un dernier mot?

Le Maroc a choisi la voie de la modernité et opté pour la modernisation de tous les secteurs. Mais pour épouser une politique moderne en bonne et due forme, il faudra secouer les mentalités et intégrer la femme de manière criarde dans tout le processus développemental de la société. La femme ne peut qu’enjoliver la société marocaine et faire d’elle une société moderne tout en restant attachée aux valeurs de la tradition qu’il ne faut surtout pas négliger, tout au contraire!

Sur le plan sociétal, je dirai que le bonheur du père et des enfants dépend du bonheur de la femme. En perte de ce bonheur, l’on ne peut que s’attendre à une génération future triste. J’espère que nos politiques seront à la hauteur de la confiance qui leur a été faite par une société qui est prête à communiquer et partager, mais qui attend toujours qu’on lui donne cette opportunité.

Ahmed Mesk

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