Notre champ lexical, sous l’effet de l’actuelle pandémie, se voit enrichi par de nouveaux concepts. L’un des plus en vogue aujourd’hui est certainement «confinement». Un détour du côté du dictionnaire m’apprend des choses.
«Confinement» action de confiner, d’enfermer… résultat de cette action; synonyme: cloîtrer cantonner… Exemple : le confinement d’un malade dans sa chambre (sic). Le sens vieilli me semble encore plus significatif: «isolement», par exemple isolement d’un prisonnier dans une forteresse; peine de grand usage encore aux USA.
Leur actuel président grand amateur des murs et des mesures protectionnistes est bien servi par la Coronamia globale. Apôtre de l’isolationnisme, il est bien servi y compris chez lui.
Enfin, il y a le sens biologique qui nous rapproche du sujet du jour : maintien d’un être vivant (animal ou plante) dans un milieu de volume clos et restreint!
Bienvenue à nous tous alors dans l’expérience du huis clos. Tiens donc ! Voilà une autre locution qui sied à notre état d’assignation à résidence. Huis clos signifie «à portes fermées» (cela date de1549), et renvoie au sens figuré de «petit comité». En matière de droit, l’expression «à huis clos» implique que les débats se déroulent sans que le public soit admis.
Mais c’est au sens dramaturgique qu’elle nous intéresse où le huis clos désigne une pièce aux caractéristiques particulières : un seul acte notamment, un seul lieu, fermé, et absence d’intrigue. Nous vient alors à l’esprit, la célèbre pièce de Sartre avec son attente inutile d’une fin inexistante… et son «atmosphère» : illusion fantastique due à la foi au «surnaturel» et au détournement des significations des objets présents. Et sa célèbre réplique «l’enfer, c’est les autres». A méditer!
On peut lire le confinement dans cette perspective, au-delà de son inscription dans une panoplie de mesures sanitaires préventives, l’aborder comme dispositif de signification comme porteur de sens.
On peut dire alors qu’il ouvre sur des pratiques nouvelles susceptibles de transformer notre mode de vie, notre rapport à l’altérité. Mais il est également révélateur d’un état de choses de la société actuelle mettant au jour les fractures réelles qui traversent le champ social, verticalement et horizontalement.
Oui, le confinement est une sorte de pause qui pourrait ouvrir sur des questionnements salutaires ; je cite Edgar Morin qui dit dans une intervention récente : «Le confinement peut nous aider à commencer une détoxification de notre mode de vie». L’occasion d’inventer de nouvelles formes de réappropriation de soi et de notre rapport aux autres. De découvrir et d’investir de nouveaux lieux/liens de sociabilités y compris à distance via le numérique.
Oui, le confinement est aussi révélateur des fractures sociales nées d’un mode d’organisation qui ne cesse de produire les inégalités, la destruction de la nature et la déshumanisation des rapports sociaux. On ne vit pas, tous, le confinement dans les mêmes conditions (voir l’épisode honteux du journal de Leila Slimani).
Cette pandémie démontre d’une manière hélas tragique l’impossibilité de la vie dans un système politique et économique délirant, néfaste, et qui s’est révélé incapable et inutile au moment où un immense besoin de soin et de solidarité se fait sentir. De ce virus, dit-on invisible, inconnu, implacable, émane pourtant des signes. Il nous parle. Il nous dit que nous avons besoin de solidarité, de générosité et de mesures qui mettent l’humain au centre des décisions. Il nous dit que l’austérité, la privatisation, le productivisme, la rentabilisation et le consumérisme à tout va sont criminelles.