Sur les nouveaux pourparlers inter-afghans de Doha

Nabil El Bousaadi

Après un retard de 6 mois suite à un profond désaccord portant sur l’échange des prisonniers, des négociations de paix se sont ouvertes ce samedi 12 septembre 2020 dans la salle des conférences d’un grand hôtel à Doha, au Qatar, entre le gouvernement afghan et les talibans.

Cette entrevue qui a fait suite à la rencontre qui, en Février dernier, avait eu lieu au même endroit et abouti à la signature d’un accord historique entre les deux parties entérinant le départ des forces étrangères d’Afghanistan d’ici mi-2021 avait ouvert la voie à un «dialogue inter-afghan». Cette revendication soutenue par l’Union européenne qui, dans un communiqué, avait demandé un arrêt des combats «immédiat (…) national et inconditionnel» a été, néanmoins, rapidement contredite par Zalmay Khalilzad, l’émissaire américain pour la paix en Afghanistan.

A noter que la rencontre de ce samedi s’est tenue pratiquement dix-neuf années, jour pour  jour, après les attentats du World Trade Center du 11 Septembre 2001 qui avaient donné lieu à l’intervention internationale menée par les Etats-Unis à l’effet de chasser les Talibans alors au pouvoir à Kaboul. Les travaux de cette conférence ont été ouverts par le chef de la diplomatie de Qatar, Cheikh Mohammed Ben Abderrahmane Al-Tani en présence du secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères Mike Pompeo et de l’ancien chef de l’exécutif afghan, Abdullah Abdullah.

Si, dans son intervention, le chef de la diplomatie américaine a invité les deux camps à trouver un moyen « de faire aller de l’avant (…) et accéder aux demandes des Afghans: un pays réconcilié avec un gouvernement qui reflète une nation qui n’est pas en guerre», l’ancien Premier ministre afghan a, pour sa part, appelé à un «cessez-le-feu humanitaire» et souhaité que son pays puisse se souvenir «de ce jour comme étant celui de la fin de la guerre et des souffrances» endurées par le peuple afghan.

Or, si, comme l’a rappelé Abdul Ghani Baradar au nom des insurgés afghans, les Talibans qui ne reconnaissent pas le gouvernement de Kaboul veulent que l’Afghanistan soit régi par un «système islamique» où la loi serait dictée par un islam rigoriste, le gouvernement d’Ashraf Ghani insiste, de son côté, pour préserver la jeune république afghane et sa nouvelle Constitution qui  a permis à la femme afghane de recouvrer les droits qu’elle avait perdu quand le pays était sous le joug des Talibans.

Autant dire que les positions des uns et des autres semblent carrément inconciliables !

Et si, par ailleurs, de nombreux afghans craignent qu’après leur accord avec les Etats-Unis, les talibans ne retournent en force au pouvoir alors qu’ils contrôlent déjà la moitié du territoire, Habiba Sarabi, l’une des quatre femmes sur les 21 négociateurs qui représentent le gouvernement de Kaboul, estime, de son côté, que cette première rencontre a été «très positive» et a permis «de bâtir la confiance». Elle ajoutera même que les talibans qui, «dans un geste de bonne volonté», ont annoncé la libération de 22 soldats afghans, semblent «mieux disposés que durant les rencontres précédentes».

Enfin, à l’heure où le président américain – dont la réélection en Novembre prochain paraît loin d’être acquise – reste déterminé à mettre fin à la guerre la plus longue de l’histoire des Etats-Unis, cette nouvelle rencontre inter-afghane de Doha est-elle suffisante pour ramener la paix dans un pays où la guerre qui aura coûté plus de mille milliards de dollars à Washington qui a perdu plus de 2.400 soldats, a fait des dizaines de milliers de morts du côté afghan et fait fuir des millions de personnes? Attendons pour voir…

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