Festival international du film du Caire
La 38ème édition du festival du Caire s’est terminée dans la soirée du jeudi avec la proclamation des palmarès ; il y a en effet deux compétitions au festival du Caire : la compétition officielle internationale avec un jury présidé par le réalisateur allemand Christian Petzold …et la compétition Horizons du cinéma arabe, créée en 2014 avec un jury présidé par la comédienne égyptienne Ilham Chahine. En attendant la proclamation des résultats, nous sommes déjà en mesure de vous livrer le palmarès de la seconde compétition où concourt un film marocain, Petits bonheurs de Mohamed Cherif Tribek.
C’est le film tunisien Zéro de Férid Boughedir qui a en effet remporté le grand prix suivi d’un film égyptien et d’un film saoudien. Le nouveau film du célèbre réalisateur tunisien s’inscrit à sa manière dans le sillage de la vague des films dits « post-révolutionnaires. Des films portés par des scénarios inspirés peu ou pou des événements de 2011. Boughedir a choisi de faire évoluer ses personnages (un réparateur de a=paraboles et sa petite amie) juste à la veille du soulèvement populaire. Une manière symboliser l’impasse et le blocage des relations sociales à partir d’une métaphore intime. Selon des sources proches du jury, le film de Tribek a suscité un vif débat ayant été jugé méritant de figurer au palmarès mais certains membres s’y étaient opposés sous prétexte que les dialogues du film ne sont pas accessibles « étant très marqués culturellement ». Une dimension qui a été soulevée déjà lors du débat public qui a suivi la projection du film. Un débat très cinéphile de la part d’un public qui a posé des remarques pertinentes et n’a pas caché sa séduction par les images et les sons des Petits bonheurs.
Au terme d’une dizaine de jours, cette édition du festival du Caire présente un bilan mitigé. Certes, les chiffres sont éloquents plus de 200 films émanant de 60 pays; une programmation riche (trop de sections selon certains observateurs) mais la fête ne fut pas au rendez-vous. La présidente du festival, Magda Wassef a formulé le souhait de voir le festival disposer d’un lieu central (elle a parlé du projet d’un palais des congrès !). La barre avait été placée très haut lors des précédentes éditions où le festival relevait des choix officiels du pouvoir de l’époque. Le festival était ainsi abrité des palaces où toutes les activités étaient réunies dans des conditions luxueuses. Là, le festival s’est déplacé dans les locaux d’un vaste complexe culturel, la maison de l’opéra où les conditions de projection sont juste correctes. On peut dire alors que le festival est à l’image du contexte général qui l’abrite. Il est en situation d’attente d’un nouveau souffle. Mais le festival continue à assumer sa mission culturelle en présentant des films de différentes tendances artistiques au public. Tels des films provenant de zones inédites de la géographie du cinéma. Comme le film Un train du sel et de sucre du Mozambique en compétition officielle internationale. Un retour édifiant sur les années de la guerre civile au Mozambique dans les années 1990. Un train de marchandises mais avec des réfugiés civiles va traverser une région aux mains des rebelles. Une troupe de l’armée loyaliste escorte le train. Très vite le récit instaure un schéma complexe : il n’y a pas d’un côté les méchants qui attaquent à l’improviste et les bons qui se défendent grâce à l’armée. Le film montre que le mal est partout et ceux qui sont censés défendre es victimes civiles reproduisent les mêmes pratiques de violence. Un récit nietzschéen : celui qui combat des monstres doit prendre garde de ne pas devenir monstre lui-même.
Autre cinématographie à découvrir, un film bulgare, Le dossier Petrov. Un thriller politique poignant (il y a le célèbre scénariste Jean-Claude Carrière au générique) sur les manœuvres de manipulation comme paradigme de pouvoir. Ou comment d’anciens membres des services secrets pendant la période stalinienne se sont convertis en riches hommes d’affaires manipulant les partis et détourant en leur faveur les élections, soi-disant libres. Du pessimisme dans l’air sauf que, avec aussi bien le film du Mozambique que le film bulgare, il y a un brin d’espoir : les deux films se terminent sur des plans de femmes sur une route.
Mohammed Bakrim