Aïssa Ikken le «créateur»: un singulier pluriel…

Avec la disparition du «créateur» Aïssa Ikken, la scène artistique, littéraire et pédagogique nationale aura perdu un de ses grands piliers ayant légué aux générations montantes un patrimoine précieux et inestimable qui demeurera une étincelle et une influence positive artistique.
Pluridisciplinaire et artiste-plasticien, le défunt s’est distingué par sa maitrise et sa singularité dans divers domaines allant de l’art plastique à la poésie, en passant par le roman, la peinture, la sculpture et le design des pierres précieuses. Le point d’orgue: ses dernières toiles qui transcendent le symbolique et le signe en réussissant à allier, de la manière la plus harmonieuse et éloquente, entre la magnificence et la culture au sens large du terme.
Il était surtout connu pour son œuvre graphique, dominée par des signes inspirés du patrimoine amazighe. «Des empreintes qui m’ont donné l’amour du dessin. Tout territoire porte un héritage qui ne meurt pas mais évolue pour donner naissance à d’autres héritages. Tout se tient, tout est un. C’est peut-être le sens de mon œuvre», avait-il déclaré à la presse, lors de l’une de ses expositions.
Si la préoccupation du défunt (79 ans), de son vivant, après qu’il eut quitté sa fonction administrative au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports, n’était autre que sa passion, sans limite, pour l’art plastique, il n’en demeure pas pour autant qu’il a été également réputé par ses contributions et apports au théâtre depuis ses balbutiements «inaudibles», dans les années soixante du siècle dernier.
Certes, la scène théâtrale nationale se rappellera pour toujours du soutien d’Aïssa Ikken à la troupe «Maâmoura» dans l’exécution de plusieurs œuvres inspirées des dramaturges de renommée mondiale, en particulier «Le marchand de Venise», «Othello» et «Hamlet» de William Shakespeare, dont l’adaptation et la réécriture étaient l’apanage de feu Ahmed Taïeb Laâlej.
En signe d’encouragement du théâtre des jeunes, feu Aïssa Ikken avait, dès sa désignation au poste de directeur de la Jeunesse et de l’Enfance (ministère de la Jeunesse et des Sports), à la fin des années soixante-dix et début quatre-vingt du siècle écoulé, s’est investi, corps et âme, et n’a épargné aucun effort dans sa démarche d’aller à la rescousse de ce mouvement par le truchement de la Fédération nationale du théâtre amateur, outre sa défense acharnée et hors-paire en faveur de la formation dans cet art scénique par excellence.
Feu Ikken, qui a rendu l’âme à son Créateur, jeudi dernier à Rabat, a roulé sa bosse et travaillé pendant de longues années au ministère de la Jeunesse et des Sports dans le service Ateliers arts plastiques, musique et pratique théâtrale. Il avait été directeur de la cérémonie d’ouverture et du graphisme des Jeux méditerranéens en 1983 puis conseiller du ministre de la Culture avant d’occuper le poste de directeur de l’Institut royal de formation des cadres de la jeunesse et des sports.
De par son long et riche parcours autant artistique qu’administratif, feu Ikken a également réussi à tisser des relations courtoises et raffinées avec les Organisations marocaines en charge de la jeunesse et de l’enfance, partant de sa conviction inébranlable que l’action associative relève, sans conteste, d’un des canaux fondamentaux et incontournables de nature à contribuer à l’édification du pays. Il a été l’un des initiateurs et précurseurs ayant œuvré de concert avec ses structures, en ce sens qu’il avait été derrière la mise en place de la Commission nationale des colonies de vacances en 1983, une structure fraichement mise sur pied qui a pu, en l’espace de quelque temps seulement, organiser cinq Assises nationales dédiées à ce secteur primordial, outre sa contribution à la création d’un mécanisme de gestion conjointe entre le ministère de tutelle et les Associations nationales.
Décidément, l’action et le rôle du défunt ne se limitaient guère à conférer du tonus et une plus-value stricto sensu à la promotion des relations internationales du ministère dans le domaine de la jeunesse, mais sa détermination leur a plutôt permis d’acquérir une dimension institutionnelle, d’autant que c’est bel et bien à lui que revient le mérite de prévoir et programmer la coopération et l’échange de visites entre délégations de jeunes marocains et leurs vis-à-vis européens, maghrébins et arabes, dans le cadre de protocoles y afférents conclus par le Royaume et les pays frères et amis.

Ces «prouesses» se sont reflétées dans ses tableaux abstraits peints à l’acrylique sur toile et à l’encre de Chine, mais également dans des dessins et des sculptures. Des œuvres à la fois mystérieuses et poétiques qui recèlent de nombreux messages sur l’histoire de l’humanité, l’épopée et les civilisations ayant marqué de leur sceau et de leur empreinte l’histoire millénaire du pourtour méditerranéen, du Maghreb, de l’Afrique et du monde arabe avec leurs «expressions mystérieuses».
Ces démarches se sont également traduites sous-forme de propositions, lorsque le défunt avait plaidé pour la création de Musées dans les grandes villes du Royaume, à l’instar du Musée Mohammed VI de l’art contemporain à Rabat, dans le dessein de promouvoir davantage le rayonnement culturel artistique.
Bref, feu Aïssa Ikken était un intellectuel engagé et attaché aux nobles valeurs humaines universelles et un grand artiste au parcours impressionnant.

Jamal El Mohafid

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