Il est l’auteur de l’une des plus belles et des plus mythiques ballades du répertoire amazigh : «MaqarTlatougaarafoud» ou Taliouine de feu Haj Belaïd. Une chanson que l’on fredonne aujourd’hui comme hier, impactant même la mélodie amazighe moderne.
Pour saisir l’ampleur d’une telle présence, il faut d’abord comprendre la place qu’occupe Hadj Belaïd dans l’imaginaire culturel et artistique d’une grande partie de la population marocaine. Il est, pour oser peut-être un parallèle qui risque de surprendre quelques-uns, l’équivalent d’un Mohammed Abdelouheb Amazigh. La comparaison n’est pas fortuite, car les deux hommes se sont croisés à Paris. Hadj Belaïd, ce paysan rebelle venu du fond de l’Anti-Atlas, fut un grand voyageur. Autodidacte, il inscrivit la chanson amazighe dans la modernité. C’est ce qui explique l’engouement des générations successives pour son répertoire, véritable annale de l’histoire du Souss et du Maroc contemporain. Il est en quelque sorte le père spirituel du courant de la chanson Rouaïss, le maître historique du Ribab, la référence majeure en termes de création de mélodies et de composition musicale. Il y a en effet deux tendances qui traversent la chanson amazighe : les Rouaïss et l’Ahouach. Deux genres artistiques autonomes, traversés eux-mêmes par des variantes locales ou particulières à une région ou une époque. Mais ce sont deux façons, deux approches originales. Les Rouaïss renvoient à une tradition historique, celle grosso modo de troubadours, ces artistes ancrés dans un pouvoir et cherchant protection auprès des notabilités, jouant parfois sur les contradictions entre différents pouvoirs locaux pour se redorer le blason. Du point de vue sens, cela donne une chanson plus aristocratique, plus urbaine en quelque sorte, plus institutionnelle en tout cas. L’Ahouach, lui, renvoie davantage au terroir. Ces danseurs ne sont pas professionnels. Dans l’Ahouach, il n’y a pas de rupture entre l’art et la vie. Il en constitue au contraire le prolongement. Le soir d’une bonne récolte, le paysan met ses plus beaux habits et rejoint l’Assaïs (la grande place du village dédiée à la fête) pour rejoindre ses camarades pour une danse exprimant la joie ou la tristesse, sur des paroles dites en direct par des paroliers qui peuvent être des professionnels invités ou de simples villageois inspirés par l’ambiance de la soirée.
Mohammed Bakrim