Au MMVI, Chaïbia Tallal/CoBrA au croisement des Libertés et des affinités artistiques

Exposition visible jusqu’au 03 mars 2025

Mohamed Nait Youssef

Pour entamer la nouvelle année 2025 en beauté et en couleurs, le Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain (MMVI) invite le public et les férus de l’art plastique à  découvrir l’univers pictural et coloré de Chaïbia Tallal (1929-2004), figure essentielle de la scène artistique nationale. Placée sous le thème  «Chaïbia / CoBrA : Au croisement des Libertés», le vernissage de l’exposition a eu lieu mardi 07 janvier. Les œuvres seront visibles jusqu’au 03 mars 2025.

Chaïbia et CoBrA quel rapport ?

Chaïbia et CoBrA ont certainement des affinités artistiques. Chaïbia geste coloré et pictural  spontané, le fait d’intégrer la main comme moyen d’expression artistique dans l’œuvre, le fait de travailler avec des couleurs vives sont parfaite en résonance avec les fondements  du mouvement CoBrA ; un mouvement artistique et culturel  majeur ayant marqué l’Europe entre 1948 et 1951.

«Je tenais personnellement à trouver le lien et la résonance qui existe entre un artiste marocain et le mouvement Cobra. N’oubliez pas qu’aujourd’hui le Maroc peut être fier des expositions qui se font dans ses musées, et de voir que ce qu’on fait aujourd’hui est digne des plus grands musées du monde parce que nous avons produit cette exposition avec le musée Cobra à Amsterdam.», nous explique Mehdi Qotbi, président de la Fondation Nationale des Musées. Et d’ajouter : «nous avons voulu aussi montrer que nous avons aussi des artistes marocains qui sont de très grande qualité et qui peuvent être en résonance avec des artistes aussi importants que le mouvement Cobra.

Deux univers artistiques singuliers, deux démarches artistiques, et pourtant,  l’exposition donne à voir une forme de dialogue esthétique et pictural inédit.

«Ce qui est assez intéressant et passionnant, c’est de voir que dans ce mouvement Cobra qui a voulu détruire le classicisme et l’académisme après avoir eux-mêmes étudiés et étaient formés par les beaux-arts , je dirais dans un contexte classique et académique ,  et de voir par exemple que Chaïbia qui n’a pas été formée, que spontanément est arrivé à la peinture et à la couleur, elle-même avait déjà une forme de spontanéité de la destruction de ce qui est l’académisme, le classicisme qu’elle n’avait jamais connue.   Donc on a trouvé un parallélisme entre les deux et une bonne résonance, et ce qui était intéressant, on a des documents qui prouvent qu’elle a été en contact avec certains artistes du Cobra qui sont venus lui rendre visite et qui ont certainement compris qu’elle était des leurs.», nous déclare Mehdi Qotbi.

De la magie des rencontres…

Les rencontres artistiques de Chaïbia ont changé son sort. Il fallait alors attendre l’année de 1965 pour que l’artiste trouve une place au soleil et s’impose comme l’une des palettes importantes de la scène artistique internationale. À vrai dire ses  rencontres notamment  avec galeriste et collectionneuse d’art, d’origine brésilienne Cérès Franco, et l’artiste Corneille, membre fondateur de CoBrA, ont bouleversé son parcours d’artiste en exposant dans les galeries parisiennes et en intégrant le cercle des artistes internationaux.

«Le mouvement Cobra, comme vous le connaissez, est un mouvement artistique qui a marqué le début des années cinquante. D’abord par le choix artistique qu’ils ont fait, et ensuite par leur manière de faire, par leurs ouvertures sur la scène internationale, et ils étaient en quelque sorte avant-gardistes et même surréalistes à un certain temps. Donc, ce mouvement a nourri les réflexions chez les artistes, il a ouvert également les horizons pour les artistes qui viennent d’autres cieux que l’Europe.», affirme Abdelaziz El Idrissi, chef de la division des musées au sien de la fondation nationale des musées.

Les œuvres de Chaïbia dialoguent avec celles de André Laude, Georges Boudaille et Alain Flamand. Ces similitudes et affinités artistiques rejoignent  ainsi l’esprit de ce mouvement artistique et pictural  avant-gardiste.

Selon Abdelaziz El Idrissi, Chaïbia  a connu au moins deux artistes de ce mouvement : Corneille à Paris et grâce à lui, elle a pu exposer à la galerie l’œil de bœuf durant les années 1990  et en même temps elle  a connu Alechinsky. En effet, les deux artistes, dit-il, ont considéré l’œuvre de Chaïbia comme une œuvre proche de l’œuvre de Cobra.

Pour le directeur général des musées du Maroc, Chaïbia n’était pas seulement une plasticienne, elle était aussi poétesse sachant que le mouvement Cobra était un mouvement fondé au début par des poètes et  des écrivains, et qui deviendra par la suite un mouvement artistique complètement dédié à l’art plastique. «Je pense que ce lien entre l’écriture, la poésie et la pratique artistique est un élément commun chez  le mouvement  Cobra et chez Chaïbia. », a-t-il affirmé, ajoutant que ce mouvement de Cobra a soutenu  l’art brut en considérant Chaïbia comme une artiste qui fait partie de ce mouvement. Chose qui explique l’intérêt qu’ils ont donné à cet artiste durant cette période.

La collection

La collection des œuvres de Chaïbia exposées dans le cadre de cette exposition est une collection qui vient à la fois du MMVI, quelques préteurs marocains, la Collection de la Coopérative, Musée Cérès Franco en France et une collection qui vient de la galerie l’œil de bœuf, la galerie qui a exposé les œuvres historiques de Chaïbia. « On a eu la chance de présenter les œuvres historiques qui ont participé à ces expositions durant les années soixante-dix.» , a révélé Abdelaziz El Idrissi.

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