Entretien avec Mahi Binebine, curateur du pavillon marocain à la Biennale des arts de Venise
Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef
C’est officiel. Mahi Binebine a été désigné curateur du pavillon marocain à la Biennale des arts de Venise. L’écrivain et artiste-peintre marocain qui vient de recevoir, à Cosenza, le prix «Giustino Fortunato» lors de la 17ème édition du Prix de la culture méditerranéenne, placée sous le signe «La migration et le voyage», a sélectionné trois artistes femmes marocaines : Fatiha Zemmouri, Majida Khattari et Safaa Erruas. Du 20 avril au 24 novembre 2024, les regards des professionnels et des amoureux de l’art seront rivés sur ce rendez-vous incontournable qui fêtera ses 60 ans d’existence. Notre pays en fera partie. Par ailleurs, le Maroc après avoir pris part à de brillantes participations en off ou dans des événements collatéraux, notamment en 2005, en 2009 ou encore en 2011, il signera son grand retour sur le devant de la scène artistique plastique internationale du 20 avril au 24 novembre 2024 (pré-ouverture les 17, 18, 19 avril) aux Giardini et à l’Arsenal. Les détails.
Al Bayane : Du 20 avril au 24 novembre 2024, le Maroc sera présent, pour la première fois de son histoire, à la Biennale des arts de Venise, avec un pavillon national officiel à l’Arsenal. Quelles en seront les retombées de cette participation sur le Maroc et la scène artistique nationale ?
Mahi Binebine : C’est une vitrine exceptionnelle pour le Maroc pendant sept mois. A vrai dire, le Maroc sera à l’honneur pendant toute cette période parce qu’il y aura des millions de personnes qui vont visiter la biennale. C’est vraiment une publicité gratuite pour le pays et sa culture puisque il y aura trois artistes qui sont exceptionnelles à savoir : Fatiha Zemmouri, Majida Khattari ou encore Safaa Erruas. Ce sont de grandes artistes femmes qui vont représenter le pays d’une part parce qu’elles sont très fortes et talentueuses. Et c’est aussi un signal pour dire qu’au Maroc nous avons une modernité artistique singulière.
Au-delà des arts plastiques, y aura-t-il d’autres expressions artistiques qui meubleront la programmation marocaine ?
Effectivement, il y aura des spectacles de danse, des spectacles d’Opéra, des spectacles de gnaoua. En fait, je suis en tain de réfléchir à toute une programmation qui aura lieu pendant les sept mois. C’est-à-dire le Maroc sera à l’honneur à Venise, et surtout les gens qui fréquentent cet événement phare. En outre, c’est la crème de la crème de l’intelligence mondiale. Dans ce cadre, le Maroc aura pour la première fois son pavillon à la biennale. On m’a fait confiance en me désignant curateur du pavillon marocain à Venise. J’en suis très content.
En tant que curateur du premier pavillon marocain à Venise, parlez-nous un peu de vos choix esthétiques et artistiques et surtout des artistes qui vont représenter le Maroc lors de cette grand-messe de l’art?
En fait, le curateur a la main libre. En général, chaque pays présente un ou deux artistes. C’est la règle! Maintenant, ce sont des artistes que j’aime beaucoup, que je collectionne moi-même leurs peintures parce que je suis très sensible à leur travail.
Dans cette optique, y aura-t-il un projet commun sur lequel vous allez travailler ?
On s’est rassemblés, on a réfléchi à un projet commun parce qu’il faut qu’il y ait un fil directeur entre les trois artistes. À la Biennale ; n’accroche pas du n’importe quoi, mais, autrement dit, il faudrait un projet. Cette année, le projet est autour du thème: «Foreigners Everywhere » (Étrangers partout).Donc, nous allons travailler sur un projet qui va parler des étrangers ; des étrangers dans un pays, des étrangers dans leurs corps. Le travail sera autour de ce thème.
Pensez-vous que cette participation marocaine œuvrera pour le renforcement du continent africain dans cette manifestation artistique de renommée internationale?
Il faut rappeler qu’il y a déjà 4 ou 5 pays africains qui y participent. Nous, on est un peu en retard que nous sommes en train de rattraper. Nous allons exister en tant que nation d’artistes, nation ouverte.
Fatiha Zemmouri
Née en 1966 à Casablanca, Fatiha Zemmouri vit et travaille entre Casablanca et Marrakech. Elle est diplômée de l’école des Beaux-Arts de Casablanca. À travers une œuvre polymorphe, Fatiha Zemmouri mène une réflexion approfondie autour des notions de construction, déconstruction, régénération et transformation. Elle développe un travail élaboré où les phénomènes naturels (eau, feu, terre) et les matériaux tels que le bois, le charbon et la terre, tiennent une place essentielle. Dans toutes ses réalisations, Fatiha utilise un vocabulaire abstrait pour mieux simplifier les formes de la nature, la fragilité et la minceur des matériaux employés donnent à son travail un caractère poétique. Son travail figure dans plusieurs collections nationales et internationales majeures.
Majida Khattari
Majida Khattari est une artiste plasticienne franco-marocaine. Née en 1966 à Erfoud, au Maroc, elle décroche, en 1988, un diplôme de l’École des beaux-arts de Casablanca et part s’installer à Paris. Majida Khattari y intègre l’École nationale supérieure des beaux-arts et obtient, en 1995, un diplôme national supérieur d’arts plastiques. Majida Khattari multiplie les expositions, dont les plus remarquées sont les défilés-performances présentés à l’École nationale supérieure des beaux-arts, en 1996, et à la galerie Thaddaeus Ropac, ainsi que dans le cadre du Festival de l’imaginaire (théâtre de la Maison des cultures du Monde, Paris), en 19971.
Safaa Erruas
Née en 1976 à Tétouan, Safaa Erruas est une artiste marocaine. Après un an d’études supérieures à la Faculté des sciences de Tétouan, elle change de cap et opte pour une formation artistique. Diplômée de l’Institut national des Beaux-Arts de Tétouan en 19981, elle développe un langage spécifique. Son travail, abstrait et minimaliste, est le plus souvent marqué par une couleur unique, le blanc, qui symbolise, selon elle, l’immatérialité, le silence, la fragilité, avec des dessins en sutures, coupures et coutures comme des plaies non cicatrisées, incluant des éléments pointus ou tranchants (aiguille, lame de rasoir, couteau, fil). Elle vit et travaille à Tétouan.