Dans nos villes, un retour aux fondamentaux s’impose

Art’déco ou architecture contextuelle

Karim Ben Amar

L’architecture au Maroc souffre depuis des années, d’un manque de modernité, d’adaptations contemporaines et d’une contextualisation de cet art. Au fil des années, tout le monde s’accorde à dire que l’esthétique des façades, ainsi que la finition des appartements sont en chute libre. Voilà près de 40 ans que notre architecture ne prend plus compte de critères primordiaux : beauté de la façade, agencement et finition de l’appartement, matériaux utilisés, sans omettre la touche marocaine. Pour desseller les raisons de ce recul, l’équipe d’Al Bayane a contacté les architectes Rachid Andaloussi et Adil Abadi qui ont partagé leur avis sur la question. Les détails.

Une architecture harmonieuse symbolise une urbanisation et une politique de la ville réussie. L’identité visuelle de certaines cités est tellement forte que l’on devine de quelle ville il s’agit juste en contemplant la façade de ses immeubles. Paris par exemple, est son architecture haussmannienne au même titre que Marrakech et la couleur ocre de ses façades, jouissent de cette identité visuelle.

Dans plusieurs villes du royaume, dont Casablanca, certains quartier jouissent d’une architecture Art’déco, rappelant la période où le Maroc était sous protectorat français. Grâce à la vision éclairée du Maréchal Hubert Lyautey, certains quartiers de la capitale économique du royaume sont très apprécié des marocains mais aussi des touristes qui les visitent en nombre. Ces joyaux architecturaux se trouvent principalement sur l’avenue Hassan II et le boulevard Prince Mly Abdellah.  Ayant comme maitre d’œuvre d’illustres architectes français tels que Marius Boyer et Hypolite Delaporte, ces sublimes façades éblouissent encore et toujours les passants.

Mais la question qui suscite des interrogations, et cela à juste titre est : sommes-nous encore capable de réaliser des bâtisses indémodables de cette qualités, de cette beauté ? Pour répondre à ces questions, nous avons contacté l’architecte Rachid Andaloussi qui a assuré que «l’architecture comme tous les domaines se doit d’évoluer».

«Nous nous inspirons du style Art’Déco. Nous nous inspirons de l’esprit, de la rigueur, du sentiment, de l’exigence de ce style architectural». Et d’ajouter «Notre mission est de préserver cette ADN, mais la modernité et l’architecture contemporaine ne doivent pas passer au second rang».

Quant à la préservation de notre patrimoine architectural, Rachid Andaloussi affirme qu’ «il est impératif de préserver ce patrimoine cher à tous les marocains, d’autant plus qu’au Maroc, l’architecture Art’Déco  est l’une des plus belles et plus réussies du monde. Il est aussi judicieux de rappeler que le Maroc à le plus grand patrimoine Art’Déco du monde».

Tout architecte marocain est attaché à l’Art’Déco, puisque cet art fait partie intégrante de son patrimoine. Cependant, comme tout art, l’évolution doit-être au rendez-vous. A cet effet, Rachid Andaloussi assure qu’ «Il est impératif pour nous de nous inspirer de l’architecture Art’Déco. Mais notre mission est aussi de faire évoluer l’architecture, car un domaine qui n’évolue pas se meurt», a-t-il conclu.

Aussi, le moment n’est-il pas venu pour que l’architecture contextuelle ait sa place au Maroc? Avant le protectorat en 1912, le Maroc avait son architecture. Les anciennes médinas, dans les quatre coins du royaume, peuvent témoigner de ce riche héritage légué par nos aïeux. Depuis quelques années, ce modèle architectural revient au goût du jour. A titre d’exemple, étrangers et autochtones sont friands de ryads, et s’arrachent ces bâtisses purement marocaines à prix d’or.

Adil Abadi, grand défenseur de l’architecture contextuelle a souligné pour sa part que «l’architecture se doit de raconter une histoire, celle d’une civilisation, d’un peuple. L’architecture est imbibée d’identité, de culture d’histoire. C’est pour cette raison qu’il est légitime de s’interroger quant à la pertinence de l’image identitaire qui est dégagée d’une architecture, d’un édifice».

«Avant l’entrée du Maroc dans l’ère industrielle, notre société évoluait dans des villes se nourrissant du modèle arabo-musulman, qui trouvait pleinement sa place. Le protectorat, en mettant en place un vaste chantier composé de styles et de courants modernes qui vont bousculer les modes de vie de la société ainsi que son identité, a introduit l’Art’Déco», a-t-il ajouté.

Mais le Maroc n’est pas représenté uniquement par les seuls héritages de ses villes, il y a aussi le Maroc des régions, le Maroc profond, abritant souvent une population ayant développé des techniques de construction uniques et ingénieuses. «Dans ces régions où le béton n’a pas encore fait sa place, les Marocains construisent comme ils l’ont toujours fait. Cette diversité devrait interpeller les architectes d’aujourd’hui, afin qu’ils puisent dans cette culture, les fondements mêmes de l’architecture de demain», a-t-il assuré.

L’écologie et l’économie d’énergie sont prises en compte dans les techniques d’architectures d’antan, notamment par l’utilisation de matériaux propices à cela. «Des matériaux de construction tels que pisés constituent  une aubaine pour les factures d’électricité qui flambent au sein des familles aux revenus modestes. Dans une ville comme Marrakech, où la température avoisine 50 degrés en été et 0 degré en hiver, ce matériaux constituait autrefois et encore aujourd’hui, un excellent isolant thermique». Et de conclure, «il faut absolument qu’on puisse arriver à réutiliser et réactualiser d’anciens procédés de construction issus d’un savoir-faire local et ancestral pour mieux coller à la réalité du Maroc».

Victor Hugo, chef de file du romantisme ne chansonnait-il pas, «une ville sans histoire, c’est comme un arbre sans racine»?

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