Marrakech accueille la fête internationale du cinéma. En déclinant quelques composantes de sa programmation 2019, le festival international du film de Marrakech annonce la couleur et confirme une tendance. Du jury aux hommages en passant par les conversations avec, le pays invité, le festival de Marrakech offre cette année une brillante synthèse de ce qui fait sa touche et lui assure de plus en plus un ancrage original parmi le calendrier très serré des manifestations cinématographiques internationales: cinéphile, professionnel et populaire. De Robert Redford, star éternelle et figure de ce que le cinéma indépendant américain a de meilleur, à Mouna Fettou, comédienne authentiquement populaire, celle par qui le cinéma marocain a réussi le tournant des années 1990, le tournant de la rencontre avec son public…le festival reste le lieu de rendez-vous des étoiles.
Ce faisant, le festival s’inscrit dans une certaine continuité. Il reprend et prolonge les acquis forgés par les fondateurs. Un processus de maturation porté par une profondeur historique. Certes, le festival n’a pas encore vingt ans, et il se positionne déjà et en toute légitimité parmi les grands. Mais comparaison n’est pas raison, c’est en forgeant sa propre identité qu’il confirmera les bonnes intentions de départ et les nombreuses attentes qui l’accompagnent.
Et à ce propos, il est utile d’engager un débat serein autour de certains choix qui ne cessent de susciter des interrogations et d’animer des polémiques souvent stériles. C’est le cas notamment de la présence du cinéma marocain au festival et des critères qui président à la constitution de la compétition officielle. Les deux points sont liés. Pour cette édition, la direction artistique collégiale a avancé l’idée que le festival sera dédié désormais aux premiers et aux deuxièmes films. Si cela se confirme au niveau du règlement du festival (c’est-à-dire écrit noir sur blanc), il s’agira d’une erreur stratégique et d’une mauvaise appréciation du rôle du festival.
C’est notamment une manière flagrante de pénaliser les cinéastes marocains en les privant d’un horizon qui nourrit le travail d’un grand nombre d’entre eux. Je rappelle que le choix des premiers et deuxièmes films n’est pas inédit. Avant même l’arrivée de la nouvelle équipe, Bruno Barde et Nour Eddine Saïl étaient arrivés à cette option d’une manière graduelle et pragmatique, notamment pour les films provenant d’Asie, d’Amérique centrale et latine. Le FIFM n’a pas (encore ?) les moyens de concurrencer les festivals déjà établis ou ceux qui arrivent avec de gros moyens. Tabler sur les premiers et deuxièmes films est donc un choix de raison sans être dogmatique ou fermé sur les possibilités qui se présentent ; et qui ne ferme pas la porte à des exceptions notamment pour le cinéma marocain. Le festival constituant, en effet, une forme d’émulation et de motivation, pour les cinéastes. Voire une consécration pour ceux qui ne sont pas dans les réseaux menant à Cannes.
L’évolution de la présence des films marocains au FIFM traduit l’évolution du cinéma qui les porte ; le FIFM offrant une sorte de bilan périodique et fonctionnant comme une locomotive pointant le cap vers des horizons ambitieux pour le cinéma marocain. En effet, un cinéma ne pourra être apprécié dans sa dimension artistique historique que si nous pouvons le rapprocher des autres productions de son temps. «Une œuvre d’art, en l’occurrence un film, n’a d’existence et n’est reconnue en tant que telle qu’au sein d’un horizon artistique global». Au sein d’un festival par exemple de la dimension du FIFM qui chaque année a pour projet de dire et de rendre compte, au tant que possible se peut, des perspectives qui s’offrent aux films d’une époque donnée. …Il y a ainsi tout un échange symbolique qui s’opère à travers le dialogue des images dans une intertextualité pleine de promesses.
Cependant, il ne faut pas se tromper de concept. Le lieu de promotion du cinéma marocain est Tanger avec le festival national du film ; il ne faut pas se leurrer non plus : un programmateur international, un distributeur ou même un producteur ne vient pas à Marrakech pour découvrir, acheter ou programmer un film marocain. L’affirmer c’est faire preuve de naïveté. Figurer dans un festival international relève d’une alchimie qui n’a rien à voir avec un pot pris au Mamounia. Ce sont les réseaux de financement qui dictent leur agenda et programment le destin d’un film en amont comme en aval.