INDH

Par : Abdeslam Seddiki

L’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH), ce chantier de règne, constitue une expérience unique en son genre. Elle est en passe de devenir une source d’inspiration pour beaucoup de pays notamment au niveau africain qui souffrent de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

Lancée le 18 mai 2005par SM le Roi dans Son discours adressé à la Nation, après la publication de la carte communale de la pauvreté et le rapport du cinquantenaire sur le développement humain, elle s’est donné comme objectifs de s’attaquer à la pauvreté et à la précarité à travers la réalisation de projets d’appui aux infrastructures de base, de formation et de renforcement de capacités et de promotion des activités génératrices de revenus (AGR). Fondée sur cinq valeurs (confiance, participation, dignité, pérennité, transparence) et cinq principes (proximité, concertation, partenariat, contractualisation, bonne gouvernance) elle introduit une nouvelle approche de développement social qui s’appuie avant tout sur la mobilisation et l’implication des acteurs en veillant à des évaluations régulières.

Où en sommes-nous aujourd’hui par rapport à ces objectifs ? Sur la base des rapports d’audit effectués annuellement par l’IGF (Inspection Générale des Finances) et l’IGAT (Inspection Générale de l’Administration Territoriale), d’un rapport du CESE (2013) et de documents multiples de l’Observatoire National du Développement Humain (ONDH) dont le dernier remonte à mai 2016, il est permis de considérer que le bilan de l’INDH est largement positif tant au niveau des réalisations financières et physiques qu’au niveau de ses impacts sur la population ciblée.

Ainsi, entre 2005 et 2016, 44000 projets et actions ont vu le jour  (dont 8300 concernent des AGR) ayant bénéficié à plus de 10 millions de personnes (40% de femmes). L’investissement global se chiffre à 39,5 MM DH dont la contribution de l’INDH est de 25,9 MMDH. Le taux de réalisation par rapport aux prévisions oscille entre 75% (programme de lutte contre la précarité) et 95% (programme transversal) durant la première phase (2005-2010)  et entre 73% (programme transversal) et 82% (lutte contre la précarité) entre 2011 et 2014.

Pour ce qui est de l’impact sur les populations ciblées, force est de constater que le  bilan est « mi-figue, mi-raisin ». En effet, si l’INDH a contribué largement à la réduction de la pauvreté,  de la précarité et partant à l’amélioration des conditions de vie, elle n’est pas parvenue pour autant à réduire les inégalités aussi bien spatiales que sociales. A titre d’exemple, la préfecture de Casablanca et d’une manière générale les grandes villes comme Rabat, Tanger, Fès et Marrakech ont été privilégiées en termes de dotations par rapport à celles allouées aux provinces pauvres comme Zagora, Ouarzazate, Jerada, El Hajeb, Fquih Ben Salah, Tinghir. D’une façon générale, on relève que les provinces à IDS (Indice de développement social) élevé ont bénéficié de dotations élevées et, a contrario, les provinces à IDS faible n’ont bénéficié que de dotations limitées. Et le rapport de l’ONDH de conclure sans ambages : «l’INDH a connu un succès technico-financier indéniable, mais dont la répartition des allocations ne répond que partiellement à la géographie des besoins».

On relève également que dans les communes rurales ciblées, l’amélioration des revenus ne profite pas aux ménages les plus pauvres. Cette amélioration ne commence à apparaitre qu’à partir du seuil de 15000 DH. D’où l’accroissement de l’inégalité dans les zones ciblées par l’INDH dans la mesure où les niveaux de vie des ménages «aisés» ont augmenté plus vite que la médiane. Tout se passe, en effet, comme si l’on assistait à un phénomène d’accaparement par les couches relativement aisées des bienfaits présumés de l’INDH ! «Les dynamiques ne sont pas pro-pauvres ni dans les zones rurales ciblées, ni celles non ciblées» pour citer de nouveau l’une des conclusions du rapport susmentionné. Le CESE verse dans le même sens en écrivant,  après avoir relevé l’insuffisance de convergence : «l’INDH glisse vers le statut d’un simple programme de réalisation de projets non intégrés dans les politiques sectorielles».

Il va sans dire que ces insuffisances n’enlèvent en rien à la pertinence et à la justesse de ce chantier qui s’avère utile. Il le sera davantage à l’avenir en prenant en considération les recommandations et avis exprimés dans les différents rapports. Notre pays a plus que jamais besoin de l’INDH tant que les motifs ayant prévalu à son lancement demeurent. Bien plus, elle devrait constituer le socle d’une grande et audacieuse politique sociale intégrée qui, elle-même, s’inscrirait dans une stratégie de développement cohérente   axée principalement sur la satisfaction des besoins fondamentaux de la population, la réduction des inégalités territoriales et sociales. Une chose est sûre : les accumulations réalisées par l’INDH en termes de mobilisation et d’implication de la population, de mode de gouvernance et  d’essaimage territorial …nous permettent aujourd’hui de passer à une vitesse supérieure pour atteindre, dans un délai raisonnable, ces objectifs.

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