La Cour des comptes recommande une politique prudente sur la dette publique

La Cour des Comptes a recommandé l’adoption d’une politique prudente vis-à-vis de la tendance ascendante de la dette publique dans toutes ses composantes, saluant, en même temps, la poursuite de l’amélioration des conditions de financement du Trésor.

Dans un rapport au titre de l’année 2014 relatif à l’action de la Cour des comptes, présenté mercredi lors d’une séance commune des Chambres des représentants et des conseillers, le premier président de cette cour, M. Driss Jettou a incité le gouvernement à redoubler d’efforts pour maîtriser la hausse enregistrée dans le volume de la dette publique.
Jettou a relevé que malgré la stagnation de la part des dettes du Trésor en ce qui concerne le produit intérieur brut PIB au niveau de 63,4 % à fin 2015, la part de cette dette a poursuivi sa tendance ascendante au cours des deux dernières années, passant ainsi de 584,2 milliards de dirhams à fin 2014 à 626,6 milliards de dirhams à fin de l’année 2015, soit une une hausse de 42,4 milliards de dirhams de la dette du Trésor émise sur le marché intérieur.  Par ailleurs, a expliqué M. Jettou, le volume de la dette extérieure du Trésor a connu une stagnation par rapport au niveau enregistré à fin 2014, soit près de 140 milliards de dirhams, alors que le service de la dette du Trésor a augmenté de 133 milliards de dirhams en 2014 pour atteindre 143 milliards de dirhams en 2015 sans enregistrer un changement dans son taux du PIB qui s’est situé à 14,5%.
S’agissant de la dette publique, y compris celle bénéficiant d’une garantie de l’Etat, le premier président de la Cour des comptes a précisé que son volume a connu une hausse notable passant de 743 milliards de dirhams en 2014, à 807 milliards en 2015, soit une augmentation de 64 milliards de dirhams, ce qui représente 81,3% du PIB.
En ce qui concerne les conditions du financement du Trésor, M. Jettou a indiqué qu’elles ont enregistré une amélioration notable en comparaison avec l’année 2014, rappelant que la durée de vie moyenne de la dette intérieure du Trésor a connu une hausse passant de 5 ans et 9 mois en 2014 à 6 ans et 3 mois en 2015, tandis que le taux d’intérêt lors de l’émission a enregistré une baisse importante de 4 ,27% à 3,8 % entre les deux années. Le rapport de la Cour des comptes a, en outre, enregistré plusieurs dysfonctionnements au niveau des paiements du Trésor et des indicateurs des finances publiques, citant, à cet égard, deux éléments. Il s’agit, selon lui, du cumul des arriérés des paiements, précisant que les arriérés de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au profit des établissements et des entreprises publics sont passés de 8,7 milliards de dirhams en 2010 à 25,18 milliards de dirhams à fin 2015, soit 48 % des recettes du budget de l’Etat de la TVA.

Ces montants représentent des dettes de l’Etat envers les plus grandes institutions relevant du secteur public et qui jouent un rôle important dans le développement économique et social, a-t-il dit, précisant qu’il s’agit en l’occurrence de l’Office chérifien des phosphates (OCP), de la Société nationale des autoroutes du Maroc, de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), de l’Office national des chemins de fer (ONCF) et de la compagnie aérienne Royal air Maroc (RAM). L’échec du traitement de ces dettes est à même de limiter la capacité des institutions concernées à respecter leurs engagements financières et constitue aussi l’un des risques pouvant menacer les finances publiques, a averti M. Jettou.

M. Jettou s’est attardé, dans ce sens, sur certaines mesures positives qui ont été prises dernièrement afin de réduire l’accumulation de la dette de cette taxe au profit des institutions et entreprises publiques, notamment l’octroi de crédits bancaires à l’ONEE et à l’ONCF dans le but d’atténuer les contraintes qu’impose la dette sur les obligations de ces deux institutions envers leurs contractuels, l’exonération de la TVA concernant les avions, les équipements et les pièces de rechange utilisées dans les opérations de réparation et d’importation de trains et des équipements ferroviaires, ainsi que l’application du taux normal de la TVA évalué à 20 % sur les opérations de transport ferroviaire dans l’objectif de réduire la taxe imposée sur l’ONCF.

La deuxième composante ayant aux déséquilibres identifiés, comprend l’arrêt d’une partie des subventions accordées par l’État aux Académies régionales de l’éducation et de la formation, soit un total de 8,9 milliards de dirhams à la fin de 2015, ajoute-t-il. Compte tenu des effets désastreux que peut engendrer cette situation, la Cour des comptes a appelé à traiter ces dettes dans des délais raisonnables afin d’assurer la stabilité de la situation financière des institutions publiques concernées, a tenu à rappeler M. Jettou.

Malgré le fait que la marge d’intervention dans ce domaine semble étroite en raison de l’effet direct et double exercé sur le taux du déficit budgétaire et le volume de dette du Trésor, la Cour des comptes estime que le respect des obligations de l’État est en mesure d’apporter plus de liquidité au tissu productif national et de permettre à un grand nombre de petites et moyennes entreprises de bénéficier des sommes qui leur sont dues, ce qui les aidera à faire face aux contraintes financières qui constituent l’un des obstacles les plus importants auxquels elles sont confrontées, a indiqué Jettou.

43 arrêts et jugements en 2014

Les juridictions financières ont rendu, au cours de l’année 2014 et conformément aux attributions judiciaires qui leur sont dévolues par la loi, 43 arrêts et jugements en matière de discipline budgétaire et financière, a indiqué le Premier président de la Cour des comptes, Driss Jettou.
Au cours de cette année, le Parquet général a lancé la procédure de poursuite devant les juridictions financières à l’encontre de 46 responsables et auxiliaires, a noté M. Jettou, qui présentait, mercredi lors d’une séance commune tenue par les deux Chambres du Parlement, le rapport au titre de l’année 2014 relatif à l’action de la Cour des comptes, soulignant que la Cour a procédé en 2015 à la publication de modèles d’arrêts relatifs à cette compétence.
En matière des comptes des comptables publics, M. Jettou a précisé que 1194 arrêts et jugements ont été rendus, rappelant que cette compétence a été marquée par la création, l’année précédente, d’une Chambre compétente au niveau de la Cour des comptes et qui a été dotée des ressources humaines nécessaires lui permettant d’adopter une approche nouvelle basée sur le contrôle intégré « qui ne se limite plus à conduire le contrôle sur la base des comptes du comptable public, mais vise également à s’assurer de l’exécution des opérations sur le terrain ».
Outre la publication d’un certain nombre d’arrêts portant sur la responsabilité des comptables publics, M. Jettou a souligné que l’action de cette Chambre a permis de localiser certains dysfonctionnements à caractère pénal et qui ont été soumis au ministre de la Justice, outre quelques cas nécessitant des poursuites en matière de discipline financière, et dont la procédure y afférant est toujours en cours.
Selon M. Jettou, la Cour des comptes dispose d’une Chambre compétente en matière d’appel aux jugements issus des Cours des comptes régionaux qui ont prononcé 50 arrêts d’appel en 2014 et 2015, tandis que 30 dossiers en cours d’instruction seront traités cette année.
S’agissant des chantiers sur lesquels la Cour des comptes devra s’atteler, M. Jettou a évoqué la mise en oeuvre de la loi organique relative à la loi des finances, notamment les dispositions ayant conféré à la Cour des comptes les prérogatives d’approbation des comptes de l’Etat, faisant savoir que la Cour a mis en place des équipes de travail en vue de renforcer les compétences et disposer de références scientifiques et pratiques s’inspirant des expériences pionnières en la matière.
A cet égard, la Cour prévoit d’asseoir des partenariats institutionnels dans le cadre du jumelage avec un groupe d’instances de contrôle des finances publics de l’Union européenne, dans le but de mettre sur pied les normes nécessaires et d’adopter la méthodologie appropriée à la réalité des services publics, dont les comptes seront soumis au processus d’approbation, a précisé M. Jettou.
Dans l’exercice de l’ensemble de ses prérogatives conformément aux normes en vigueur, la Cour a procédé au développement de ses ressources humaines en les dotant de nouvelles compétences spécialisées en fonction des besoins, a-t-il rappelé, précisant que cette action ambitionne de diversifier les ressources humaines et partant, parvenir à une complémentarité qualitative entre les magistrats en exercice et ceux que la Cour prévoit de recruter.

(MAP)

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